Retraite et droits familiaux : point de situation

Le système de retraite prévoit des avantages familiaux afin de compenser l’impact d’un enfant sur la carrière de ses parents. Cette compensation prend des formes variables selon les régimes. Nous nous intéresserons ici plus particulièrement aux régimes des salariés (Régime général de Sécurité sociale et retraite complémentaire Agirc-Arrco) et à celui des fonctionnaires.

Cet article a été publié il y a 3 ans.
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Retraite et droits familiaux : point de situation

Comme le montre le Conseil d’orientation des retraites, les femmes ont des montants de pension inférieurs à ceux des hommes (la retraite d’une femme – hors réversion – ne représentait en 2016 que 62 % en moyenne de celle d’un homme). Ces écarts traduisent les inégalités de carrière (interruptions plus fréquentes, en particulier du fait de la maternité, et salaires moins élevés) dans un système de retraite français à dominante contributive (la retraite est avant tout issue du travail et des cotisations versées). Une partie importante de ces inégalités est compensée par des dispositifs de solidarité (environ 30 % des pensions versées aux femmes).

En synthèse, on distingue deux types d’avantages familiaux de retraite qui répondent à des logiques différentes. Le premier d’entre eux est la majoration de pension pour « pour famille nombreuse ». Créé après-guerre, son objectif est de compenser les charges de famille dès lors qu’on a au moins 3 enfants, afin d’encourager la natalité. On peut également citer les majorations de durée d’assurance qui permettent de compenser l’impact de l’arrivée d’un enfant sur la carrière professionnelle. Elles prennent une forme multiple selon la situation ou l’évènement visé : la naissance ou l’adoption, l’éducation, le congé parental ou encore des interruptions liées à la santé de l’enfant (handicap). Si la plupart sont octroyées à tous les assurés visés par une de ces situations (mère et/ou père), certaines sont directement liées aux ressources pour soutenir les foyers modestes.

Si vous êtes éligibles, ces droits sont en principe automatiquement intégrés à votre compte retraite. Pensez bien à le vérifier avant votre départ en retraite pour éviter les mauvaises surprises !

1. Les majorations de durée d’assurance, créés pour améliorer la retraite des femmes mères de famille

Majoration de trimestres au titre de la naissance ou de l’adoption, et de l’éducation

Les principaux régimes de retraite prévoient une majoration de trimestres pour chaque enfant, conditionnée ou non à une interruption ou réduction d’activité (congé maternité), sans conditions de ressources.

Objectif = augmenter la durée d’assurance des mères afin de compenser l’impact des enfants sur le déroulement de leur carrière et ainsi arriver plus facilement à réunir les conditions du taux plein[1].

Les droits sont très variables selon les régimes : 8 trimestres par enfant pour les régimes alignés[2] et les professions libérales, de 4 à 2 trimestres par enfant pour les femmes fonctionnaires (selon s’ils sont nés avant ou après 2004).

Majorations de trimestres liées à une interruption ou une réduction d’activité

Elles varient selon la situation rencontrée par le parent :

  • La prise en compte de l’impact de l’arrivée d’un enfant pour les foyers modestes avec l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF)

Dispositif spécifique au Régime général, il permet la validation gratuite de trimestres avec report d’un « salaire fictif » au compte (au maximum équivalent au SMIC) sous conditions de ressources pour les périodes passées au foyer pour élever des enfants.

Objectif = faire bénéficier de droits à retraite les parents inactifs ou ayant beaucoup réduit leur activité et vivant dans des foyers à ressources modestes

En principe les femmes éligibles sont automatiquement rattachées à ce dispositif via leur Caisse d’Allocations familiales puisqu’elles perçoivent une ou plusieurs prestations familiales. Si pour certaines être mère au foyer résulte d’un choix, de plus en plus évoquent des difficultés à s’engager sur le marché du travail, faute de diplôme ou de conjoncture économique défavorable.

  • La prise en compte des périodes de congé parental

Au Régime général, le parent qui a pris un congé parental bénéficie d’une majoration de durée d’assurance égale à la durée du congé pour chaque enfant.

Objectif = compenser l’impact sur la carrière d’un arrêt temporaire d’activité pour s’occuper de son enfant.

Attention cependant, cette majoration n’est pas cumulable, pour un même enfant, avec les majorations de trimestres acquises au titre de la naissance ou de l’éducation (cf. plus haut). En pratique, c’est la majoration la plus favorable qui est accordée.

Un dispositif similaire existe dans les régimes de fonctionnaire, lorsque le parent choisi de prendre un congé parental ou un temps partiel « de droit » pour élever un enfant. La prise en compte est opérée dans la limite d’une durée de trois ans par enfant.

La prise en compte de la santé de l’enfant

Au régime général et dans la Fonction publique, le parent qui élève un enfant dont le taux de handicap est au moins de 80 %, peut recevoir sans condition de ressources jusqu’à 8 trimestres par enfants.

D’autres situations permettent également d’acquérir des droits retraite. C’est le cas des parents qui prennent un congé de présence parentale afin de s’occuper de leur enfant dont l’état de santé nécessite une présence soutenue et des soins contraignants. Cette période peut être prise en charge soit via l’AVPF pour les salariés, soit via un dispositif spécifique dans la Fonction publique.

A noter que si ces avantages visent avant tout à atténuer l’impact de l’arrivée d’un enfant sur la carrière des femmes, ils ont tous peu à peu été ouverts aux hommes au nom de l’égalité entre les sexes, mis à part ceux liés spécifiquement à la maternité.

2. Les majorations pour famille nombreuse, créées afin d’indemniser les parents qui contribuent au renouvellement des générations

Avantage complémentaire accordé aux parents d’au moins 3 enfants, la majoration pour famille nombreuse est prévue tant par les régimes de base que les régimes complémentaires dans de nombreux cas.

Dans le Régime général, la majoration est accordée pour les parents de 3 enfants nés, adoptés ou recueillis lorsqu’ils ont été à charge pendant au moins 9 ans avant leurs 15 ans. Elle majore de 10% le montant de la retraite.

Même principe dans le régime des fonctionnaires, néanmoins la condition d’avoir élevé les 3 enfants pendant au moins 9 ans avant leurs 15 ans est obligatoire. A noter également que le montant évolue avec le nombre d’enfants : +10% de retraite à partir de 3 enfants, puis 5% par enfant supplémentaires jusqu’à 7 enfants maximum.

Seul avantage familial prévu par le régime de retraite complémentaire Agirc-Arrco, la majoration familiale existe sous 2 formes : la première permet de majorer de 10% la retraite complémentaire lorsque l’assuré a eu au moins 3 enfants (dans la limite d’un plafond fixé à 2 071,58 € par an au 1er janvier 2020), la seconde permet de compenser les charges de famille liées à l’enfant. En effet, si le nouveau retraité à encore des enfants à charge (c’est-à-dire moins de 18 ans ou jusqu’à 25 ans si l’enfant est étudiant, apprenti ou à la recherche d’un emploi) il bénéficie de 5 % par enfant à charge. Cette dernière cessera d’être appliquée dès que l’enfant cessera d’être à charge. A noter que les 2 majorations ne sont pas cumulables.

Attention, les règles relatives au régime complémentaire Agirc-Arrco ont beaucoup évolué avec le temps. Pour aller plus loin : Circulaire Agirc-Arrco 2020-02-DRJ

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3. Quelles perspectives d’évolution ?

Tous ces avantages familiaux sont très anciens et ne répondent plus nécessairement à l’évolution de la société (baisse du taux de natalité, augmentation du taux d’emploi des femmes etc.). Des pistes de réforme sont régulièrement évoquées, la plus récente a été réalisée par le Gouvernement actuel dans le cadre des travaux préparatoires à la mise en place du système universel de retraite par points (projet aujourd’hui suspendu, et probablement enterré selon la ministre du Travail, Elisabeth Borne, qui s’est exprimée sur le sujet il y a quelques jours).

Néanmoins ces travaux ont permis de poser les bonnes questions et potentiellement amorcés un changement de doctrine sur le sujet :

Concernant la compensation des impacts sur la carrière

Compte tenu de l’effet proportionnel de l’arrivée d’un enfant, faut-il continuer à attribuer les mêmes droits pour chaque enfant, quel que soit sa place dans la Fratrie ?

Comment cibler ces droits vers le parent qui a subi les plus grands préjudices de carrière ? Peut-on ouvrir un droit d’option entre les deux parents ? Faut-il prévoir ou maintenir selon le cas une attribution par défaut à la mère ?

Doit-on limiter la durée d’interruption d’activité prise en compte au titre de la retraite afin d’éviter des retraits trop longs du marché du travail ?

Concernant les majorations pour famille nombreuse

Les majorations pour famille nombreuse doivent-ils toujours être attribués au 3ème enfant ? ou dès le 1er compte tenu de l’évolution du taux de fécondité ?

Ces majorations doivent-elles toujours être proportionnelles à la retraite, ou devenir forfaitaire ? Actuellement le calcul a un effet anti-redistributif puisque la majoration est accordée aux deux parents et profite davantage aux pensions élevées (majoritairement les pères donc). Un montant forfaitaire induirait une redistribution vers les femmes plus importante.

Faut-il généraliser la fixation d’un montant plancher et/ou d’un montant plafond ?

Sur le principe même des avantages familiaux

Faut-il systématiquement limiter les droits acquis en fonction des ressources du bénéficiaire, comme pour l’AVPF ?

Faut-il octroyer des droits uniquement lorsque les enfants sont à charge ?

Ces questionnements nous invitent à nous interroger plus largement sur les objectifs des droits familiaux de retraite : Compenser les préjudices de carrière ? Favoriser le renouvellement démographique ?

Le débat est loin d’être terminé, il ressurgira potentiellement dans le débat public à l’occasion des prochaines élections présidentielles.


Références

[1] Durée d’assurance requise pour éviter de subir une décote.
[2] Régime général de sécurité sociale pour les salariés et les travailleurs indépendants, Mutualité sociale agricole pour les salariés agricoles ;

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