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En effet, à l’occasion des travaux sur le projet de système universel de retraite par points, un diagnostic précis sur les situations de personnes percevant de faibles revenus de retraite a été commandé par le Gouvernement. Cela a conduit à la publication d’un rapport parlementaire sur « les petites pensions »1 qui dresse le constat de situations inéquitables, que ce soit entre catégories de travailleurs (salariés ou non) ou entre catégories d’assurés (cotisants ou non), avec pour corolaire un nombre important de retraités en-dessous du seuil de pauvreté2. Cela va à l’encontre d’un des objectifs assignés par la loi3 au système de retraite : « […] un objectif de solidarité […] au sein de chaque génération, notamment […] par la garantie d’un niveau de vie satisfaisant pour tous les retraités ».
Pour y remédier, dans un esprit de consolidation du système d’assurance sociale et de valorisation du travail, le rapport préconise de fixer le niveau minimum de pension à 85 % du SMIC net (environ 1 000€ par mois), une proposition reprise par le Gouvernement, qui souhaite la mettre en œuvre rapidement. Avant d’entrer dans le détail de cette mesure, il convient d’analyser l’existant : qu’est-ce qu’un minimum de pension ? Comment est-il fixé ? Qui est concerné ? Pour quel montant ? etc.
1. Point sur les minimas de pension : un filet de sécurité vraiment suffisant ?
Les principaux régimes de retraite de base (régime général, régime des fonctionnaires et régime agricole) prévoient un mécanisme de pension minimale en relevant sous certaines conditions le montant des retraites. Très différentes au départ, les règles ont peu à peu convergé avec notamment l’introduction de critères de durée cotisée (trimestres acquis au titre du travail uniquement) pour renforcer le caractère contributif du dispositif, et d’une condition de subsidiarité pour éviter les « effets d’aubaine ». Tour d’horizon des dispositifs existants :
- Le montant de la pension de retraite versée à taux plein par le régime général ne peut être inférieur au minimum contributif. Le montant du minimum contributif varie en fonction de la durée d’assurance acquise au cours de la carrière et du nombre de trimestres directement cotisés dans le régime privé, sans pouvoir dépasser 705,36 €. Il n’est versé qu’aux assurés ayant liquidé l’ensemble de leurs droits à retraite (condition de subsidiarité) et dont le montant de la pension tous régimes confondus (par exemple en incluant les retraites complémentaires AGIRC-ARRCO pour les salariés) est inférieur à 1 203,37 € par mois. En cas de dépassement du seuil, le montant est écrêté.
- Dans les régimes de fonctionnaires, le minimum garanti joue un rôle analogue à celui du minimum contributif. Son montant maximal est fixé à 1 187,26 € par mois, proratisé selon la durée validée dans le régime. A noter que le minimum garanti est plus élevé que le minimum contributif du fait de l’absence de régime complémentaire dans la fonction publique.
- Le régime de base des travailleurs agricoles non-salariés (exploitants, conjoints collaborateurs et aides familiaux) prévoit également une pension minimale de référence. Il permet de bénéficier d’une majoration des droits retraite jusqu’à un plafond maximum de 923,04 € par mois, soit 75 % du smic net. En cas de carrière incomplète, ce montant est, comme pour les autres minima de pension, proratisé.
- Enfin, il n’existe pas de pension minimale pour les professions libérales affiliés à la Caisse nationale d’assurance-vieillesse des professions libérales.
Pour faire face à la précarité des retraités du secteur agricole, plus importante qu’ailleurs, le gouvernement a décidé de relever le plafond de la pension minimale de référence à 85% du smic net. Avec une entrée en vigueur prévue au 1er novembre 2021, le minimum devrait passer à près de 1 035 € par mois4.
Actuellement, on estime à environ 40% le nombre de retraités résidant en France qui bénéficient d’un minimum de pension5. Cela place la France en tête des pays de l’OCDE en nombre de bénéficiaires. Un pourcentage qui s’est néanmoins réduit au fil des années en lien avec le durcissement de la réglementation. Parmi les bénéficiaires, les femmes sont fortement représentées : 52 % des femmes perçoivent une retraite modeste alors qu’ils ne sont que 20% parmi les hommes. Deux explications principales : les longues périodes sans activité (liées à la maternité) et celles travaillées en temps partiel. Par ailleurs, on constate une proportion importante de retraités concernés parmi les travailleurs indépendants et les travailleurs agricoles, qui s’explique notamment par des revenus d’activité variables et des taux de cotisations plus faibles.
Plus globalement, le niveau actuel des minima interroge sur l’efficacité du dispositif, même si l’impact sur la réduction des inégalités de pension au sein de la population est incontestable6. Prenons le cas d’un salarié non-cadre né en 1957 et ayant fait toute sa carrière au SMIC dans le privé. Il peut percevoir une pension du Régime général relevée à hauteur du minimum contributif, 705,36 €. A cela s’ajoute sa pension de retraite complémentaire AGIRC-ARRCO, estimée à environ 220 € dans ce cas précis. Au total, la pension de retraite de ce salarié qui a travaillé toute sa vie n’atteint pas les 1 000 €.
On s’interroge également lorsqu’on compare cette retraite majorée avec le montant de l’ASPA7 (ex-minimum vieillesse), prestation non contributive et financée par la solidarité nationale, qui atteint 906,81€ pour une personne seule (1 407,82 € pour un couple). Résultat, un nombre toujours plus important de retraités doit demander le bénéfice de cette prestation pour compléter ses revenus. Au-delà des difficultés posées par le dispositif (effet stigmatisant, lourdeur administrative, conditions d’attribution restrictives), c’est la pertinence d’en faire bénéficier les retraités modestes qui pose question.
Même si l’ASPA est un dispositif d’aide sociale, distinct du système de retraite proprement dit, il intervient comme outil de protection des ressources dès lors que les niveaux de rémunération ou que les durées d’assurance sont faibles. Or, la vocation d’un minima social est d’assurer un minimum de subsistance à des individus sans ressources, pas de se substituer au système de retraite.
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ALLOCATION DÉCÈS ET RÉVERSION
1 jour – En présentiel ou à distance
- Renseigner les ayants droit au moment du décès sur les
conditions de réversion des régimes de retraite. - Informer les salariés sur la couverture complémentaire décès au niveau de l’entreprise.
- Préciser les nouveaux droits à réversion (régime unique AGIRC-ARRCO).
2. Instaurer la retraite minimale à 85% du SMIC net : encore beaucoup d’interrogations
L’idée de mettre en place d’un mécanisme de retraite « plancher » ne date pas d’hier. Le principe est même déjà formellement inscrit… dans la loi ! En effet, l’article 4 de la loi portant réforme des retraites de 2003 (dite « réforme Fillon ») prévoit que « la Nation se fixe pour objectif d’assurer en 2008 à un salarié ayant travaillé à temps complet et disposant de la durée d’assurance nécessaire pour bénéficier du taux plein un montant total de pension lors de la liquidation au moins égal à 85 % du salaire minimum de croissance net lorsqu’il a cotisé pendant cette durée sur la base du salaire minimum de croissance ». Jamais appliquée, cette mesure devrait pourtant prochainement voir le jour comme l’a annoncé le Président de la République Emmanuel Macron durant l’été.
Ce seuil, qui correspond quasiment au seuil de pauvreté, est donc l’objectif de retraite minimum défini par le gouvernement pour tous les salariés ayant eu une carrière complète au SMIC. Il s’agirait donc d’un prolongement de la mesure déjà adoptée au bénéfice des travailleurs agricoles (cf. ci-dessus).
Concrètement, cela se traduirait par une hausse du montant du minimum contributif à compter du 1er janvier 2022, pour atteindre progressivement 85% du SMIC net d’ici 2025 :
- 1000 € en 2022 ;
- 83 % du SMIC net en 2023 (soit une hausse de 46€ bruts) ;
- 84 % du SMIC net en 2024 (soit une hausse de 62€ bruts) ;
- 85 % du SMIC net à partir de 2025 (soit une hausse de 85€ bruts).
Plusieurs interrogations demeurent :
- Sur le calendrier. La mesure est envisagée avec une application dès le 1er janvier 2022. Or, nous sommes déjà au mois de septembre… Le gouvernement avait souhaité un temps l’intégrer dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 avec d’autres mesures « retraite » (notamment la suppression des régimes spéciaux), mais à l’heure où j’écris ces lignes ce ne serait plus d’actualité. Il est vrai que le calendrier n’est pas idéal, avec la perspective des élections présidentielles, et alors même que la crise sanitaire est loin d’être terminée.
- Sur le champ d’application et le financement. Comme souvent, les mesures « sociales » se heurtent à la question du financement. Plusieurs options sont sur la table : faut-il appliquer la mesure uniquement au « flux », c’est-à-dire aux nouveaux retraités ? Ou faut-il également l’appliquer au « stock » de retraités actuels ?
- Si on applique uniquement la mesure en « flux », la mise en place d’un tel dispositif est évaluée à 10 millions d’euros dès 2023, 230 millions en 2030 puis 2,1 milliards en 2050.
- Si on parle également du « stock », cela représenterait 2,1 milliards d’euros supplémentaires dès son entrée en vigueur. Au-delà du coût, les experts relèvent que cette hypothèse serait d’une redoutable complexité administrative puisqu’il faudrait calculer et verser, dans un laps de temps très court, une garantie différentielle à des centaines de milliers de retraités.
- La problématique des retraites modestes serait ainsi traitée pour les travailleurs agricoles et pour les assurés affiliés au régime général (travailleurs salariés et non-salariés). Quid des fonctionnaires ?
Les projections financières indiquent que le coût du dispositif sera progressif quel que soit l’option retenue et ce pour deux raisons : le nombre de bénéficiaires, qui va nécessairement augmenter dans la durée, et le système de revalorisation (indexé sur le SMIC), plus favorable que celui des pensions (indexées sur l’inflation). Cela impliquera des dépenses supplémentaires importantes pour le système des retraites, qui doit déjà faire face à un déficit structurel important, aggravé par les conséquences économiques de la crise.
Parmi les solutions de financement envisagées dans le rapport sur les « petites retraites » susvisé, on retrouve des mesures qui porteraient sur les retraités (la réduction de l’abattement de 10 % à l’impôt sur le revenu pour les pensions, l’alignement du taux normal de CSG des retraités sur celui des actifs, un prélèvement supplémentaire sur les transmissions de patrimoine ou encore une sous-revalorisation/gel ponctuel des retraites) ou sur les entreprises et les actifs (création d’une deuxième journée de solidarité, augmentation des cotisations retraite). Des mesures socialement et économiquement difficiles à mettre en œuvre, surtout en période électorale…
Références
- Rapport des députés LREM Nicolas Turquois et Lionel Causse sur les « petites retraites », mai 2021
- Selon l’INSEE, un individu est considéré comme pauvre si les revenus dont il dispose sont inférieurs à 60 % du niveau de vie médian de la population. Ce niveau de vie médian est déterminé par rapport à la distribution des niveaux de vie de l’ensemble de la population française. En 2021, une personne est considérée comme pauvre si ses revenus sont inférieurs à 1.063 euros par mois.
- Article L111-2-1 – Code de la sécurité sociale
- Décret n°2021-769 du 16 juin 2021
- Les retraités et les retraites > édition 2021 > DREES
- Ils concernent 16% des pensions versés et permettent de réduire les inégalités de pensions d’environ un tiers par rapport aux inégalités de revenus durant la carrière, selon le rapport sur les « petites retraites » publié en mai 2021.
- Allocation de solidarité aux personnes âgées