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Partager la publication "Retraite des salariés versus retraite dans la Fonction publique : y en a-t-il une plus favorable que l’autre ?"
Nous laisserons de côté la question des « régimes spéciaux » (la SNCF, la RATP etc.), qui appliquent certes des règles très spécifiques, notamment sur les conditions de départ, mais qui représentent un nombre de cotisants inversement proportionnel à l’intérêt qu’ils suscitent (environ 400 000 sur 28 millions), pour nous concentrer sur une analyse comparative des régimes de retraite du secteur privé et de la Fonction publique.
Il faut d’ores et déjà rappeler que les réformes menées depuis 2003 ont contribué à faire converger au moins partiellement les règles dans ces régimes. Les paramètres de fonctionnement de la retraite des fonctionnaires se sont progressivement alignés sur ceux de la retraite privée en ce qui concerne les conditions d’âge et de durée d’assurance. Néanmoins des différences importantes subsistent dans le calcul de la retraite ou encore sur les droits familiaux (majorations enfants, réversion) qui peuvent avoir une conséquence plus ou moins forte selon le profil du cotisant.
À ces différences inter sectorielles, il faut ajouter des spécificités intra sectorielles : il n’existe pas un profil type unique de salarié comme il n’existe pas un profil type unique de fonctionnaire. Au sein de ces catégories d’emploi on retrouve des différences importantes en termes de rémunération, de statut, de métiers ou de carrière qui ne peuvent être occultées et qu’il convient d’intégrer dans notre analyse, nécessairement non exhaustive eu égard à la densité du sujet.
La différence principale entre la retraite du privé et celle du public tient dans l’architecture des régimes.
Les régimes de retraite des salariés sont construits de manière « pyramidale », en complémentarité les uns avec les autres :
- Un régime « de base », qui fonctionne en annuités. Ce régime est géré par le Régime général de sécurité sociale. La cotisation est assise sur le salaire dans la limite d’un plafond1. A la retraite, le régime fait la moyenne des 25 meilleures années de salaires (plafonnés) perçus au cours de la carrière et verse 50 % de ce montant si l’assuré réunit la durée d’assurance requise. Un montant qui, pris isolément, s’avère très insuffisant.
- En complément, les salariés doivent donc cotiser au régime de retraite par points Agirc-Arrco. Également plafonnée, l’assiette de cotisation y est néanmoins beaucoup plus importante (jusqu’à 8 fois le plafond fixé au Régime général2). Cette pension peut donc représenter entre 30 et 60 % du montant global de retraite d’un salarié en fonction du niveau de salaire.
Au sein de la Fonction publique, le personnel est recruté selon deux principaux statuts3 : les agents titulaires (plus communément appelés « fonctionnaires ») et les agents non-titulaires (« contractuels »). Les contractuels sont dans une situation qui se rapproche beaucoup de celle des salariés de droit privé4 en matière de retraite. Nous nous attacherons donc à examiner la situation des fonctionnaires.
Les fonctionnaires cotisent principalement dans un régime dit « intégré », qui joue à la fois le rôle du régime de base et du régime complémentaire des salariés :
- Ce régime « unique » ou « principal » fonctionne en annuités. Selon la Fonction publique de rattachement, il est géré soit par le service des retraites de l’Etat (SRE) lorsqu’ils relèvent de fonction publique d’Etat, soit par la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) s’ils relèvent des fonctions publiques territoriale ou hospitalière. C’est dans ce régime que les agents accumulent l’essentiel de leurs droits, puisque la cotisation est assise sur l’intégralité de leur traitement indiciaire (salaire hors primes). In fine, le fonctionnaire qui part à la retraite avec la durée d’assurance requise doit pouvoir toucher l’équivalent de 75% de son dernier traitement.
- Un régime additionnel (le RAFP), fonctionnant en point et en capitalisation, a été créé en 2005 pour intégrer dans le calcul de la retraite des fonctionnaires les primes et rémunérations accessoires (indemnités diverses, avantages en nature, vacations etc.) perçues au cours de leur carrière. Eu égard à sa création récente et à l’assiette de cotisation, le RAFP a un impact très marginal sur le montant global de la pension. Ainsi, la rente moyenne liquidée en 2020 est équivalente à… 32€ bruts mensuels.
Éventuellement, le salarié comme le fonctionnaire peuvent cotiser sur des produits d’épargne retraite, pour bénéficier d’une source de revenu supplémentaire.
La retraite du secteur privé n’a donc rien à voir avec celle de la Fonction publique. Pour autant, le montant moyen global de pension ne diffère pas significativement d’un secteur à l’autre (environ 1.500 euros bruts mensuel dans les deux cas). Le taux de remplacement5, pour une carrière complète, est d’environ 75 % pour la génération née en 1955, dans la fonction publique comme dans le secteur privé.
Cette « égalité de situation » masque toutefois d’importantes disparités, notamment entre catégories socio-professionnelles. Elles sont plutôt liées à la catégorie hiérarchique d’appartenance et à la composition de la rémunération dans la Fonction publique, tandis qu’elles sont plutôt liées au niveau de revenus dans le secteur privé.
Des règles qui avantagent certaines catégories de travailleurs et en pénalisent d’autres dans les deux secteurs
Dans la Fonction publique
Selon les derniers chiffres connus dans la Fonction publique :
- La pension moyenne d’un fonctionnaire d’état est équivalente à 1 900 € bruts par mois, soit le niveau le plus élevé des 3 versants de la Fonction publique. Cela s’explique en partie par un nombre important de personnel de « catégories A », mieux payés, et par une proportion de primes dans la rémunération plus faible ;
- La pension moyenne d’un fonctionnaire territorial est équivalente à 1 200 € par mois,
- La pension moyenne d’un fonctionnaire hospitalier est estimée à 1 400 €. Cela s’explique essentiellement par un nombre élevé de personnel de « catégorie C », moins bien rémunérés, avec une proportion de primes globalement plus importante (notamment à l’hôpital).
Il faut également tenir compte des règles très hétérogènes au sein de la fonction publique en matière de conditions de départ en retraite. Ainsi, les règles d’âge minimal d’ouverture des droits varient significativement entre un militaire de carrière ou un fonctionnaire exerçant des métiers classés comme pénibles ou dangereux (par exemple une aide-soignante ou un surveillant de prison), qui peuvent partir plus tôt en retraite, et les fonctionnaires dits « sédentaires », pour lesquels l’âge minimal est identique au privé.
Le Conseil d’orientation des retraites (COR) a effectué des comparaisons entre différentes catégories de fonctionnaire pour déterminer quel régime serait le plus avantageux. Il en ressort par exemple qu’un enseignant serait pénalisé par l’application des règles du privé, en particulier à cause du calcul du salaire de référence sur la base des 25 meilleures années. L’intégration des primes dans la retraite n’aurait qu’un impact marginal car il en a peu en moyenne.
Au global, l’application des règles du privé serait plus favorable pour environ la moitié des fonctionnaires.
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Dans le secteur privé
Dans le secteur privé, toujours d’après le COR, le taux de remplacement dépend fortement du niveau de rémunération eu égard au système de « plafonds ». Plus le niveau de salaire augmente, plus le taux de remplacement diminue. En 2020, le taux de remplacement moyen d’un salarié non-cadre est d’environ 75 %, contre 55 % pour un cadre.
La distinction de statut entre cadre et non cadre, qui impliquait des taux de cotisation différents, n’existe plus depuis la fusion des régimes ARRCO (non-cadres) et AGIRC (cadres) en 2019. S’il existe encore des taux spécifiques de cotisation dans certaines entreprises, issus de la négociation collective, les règles ont été uniformisées. C’est donc aujourd’hui le niveau de salaire sur les 25 meilleures années de la carrière qui reste le facteur déterminant du montant de la pension privée.
La polyaffiliation public–privé en cours de carrière peut bien entendu avoir un impact sur la retraite, selon la durée passée dans chaque secteur d’emploi, ou encore selon le secteur d’emploi dans lequel on finit sa vie active. Il semblerait que les assurés qui finissent leur carrière dans le secteur privé ont un meilleur taux de remplacement. Cela s’explique par le fait qu’en moyenne la rémunération augmente avec le temps. Finir sa carrière dans le secteur privé permet de « gonfler » le salaire de référence au Régime général et d’acquérir un maximum de points dans les régimes complémentaires…
A long terme, l’évolution du taux de remplacement devrait varier selon le régime de retraite d’appartenance.
Dans le privé, il devrait baisser de manière significative d’ici à 2050-2060, essentiellement du fait de la règle de calcul des 25 meilleures années dans la retraite de base. Celle-ci étant indexée sur l’inflation, cela va créer un décalage de plus en plus fort avec l’évolution des salaires. Au contraire, les fonctionnaires ne devraient pas avoir d’impact négatif car la pension est calculée sur la base du traitement indiciaire perçu au cours des 6 derniers mois.
Bien entendu, ces projections sont réalisées à législation constante et doivent être prises avec la plus grande précaution.
Références
- Valeur annuelle 2021 = 41 136 €
- Soit environ 329.000 €
- En 2020, la fonction publique employait, hors bénéficiaires de contrats aidés, 3 829 200 fonctionnaires, 1 070 500 contractuels, 308 400 militaires et 356 200 agents relevant des « autres catégories et statuts » (dont 143 400 enseignants et documentalistes des établissements privés sous contrat).
- Pour aller plus loin : Retraite d’un contractuel de la fonction publique : pension à taux plein | service-public.fr
- Comparaison dernier salaire net / pension nette