La retraite à l’heure du Brexit

Le 29 mars 2017, le Royaume-Uni a officiellement notifié sa volonté de quitter l'Union européenne. Afin d’organiser la « sortie » du pays, un accord de retrait a été conclu le 14 novembre 2018 prévoyant notamment une période de transition s'achevant le 31 décembre 2020, durant laquelle le Royaume-Uni a pu continuer d'appliquer l'intégralité de la législation européenne.

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La retraite à l’heure du Brexit

A partir de 2021, le Royaume-Uni sera donc considéré comme un État tiers à l’UE : les règlements européens sur la coordination des systèmes de sécurité sociale n° 883/2004 et 987/2009 cesseront de s’appliquer pour la détermination des droits à retraite.

Devant le risque (qui s’est d’ailleurs concrétisé) de blocage, le gouvernement français a légiféré au début de l’année 2019 afin d’assurer certains éléments de continuité en matière de droits sociaux, jugés nécessaires aux personnes et aux entreprises1. Il précise notamment que les droits acquis pour les citoyens de l’UE travaillant ou résidant au Royaume Uni au 31 décembre 2020, et pour les ressortissants britanniques installés en France à cette même date, pourront être maintenus dans certains cas : pour le retraité britannique résidant en France ou pour le travailleur frontalier français travaillant au Royaume Uni, pour le travailleur détaché français au Royaume Uni ou le touriste britannique en séjour temporaire en France (etc.), dès lors que leur situation de mobilité est antérieure au 31 décembre 2020 et seulement si elle perdure après cette date.

L’impact du Brexit sur les droits sociaux et notamment les droits retraite peut varier selon la situation des ressortissants (actifs ou retraités), leur statut (salarié ou non salarié), le lieu de résidence, les situations de mobilité etc. Nous vous proposons ici un tour d’horizon de ce qui pourrait changer en matière de retraite pour les français et les britanniques, et ce dès l’année prochaine.

Détermination et jouissance des droits retraite acquis par des ressortissants de l’Union européenne pour des périodes d’activité au Royaume-Uni

Acquisition des droits dans le pays d’accueil

Réglementation actuellement en vigueur

Pour assurer la libre circulation des personnes et leur garantir le maintien des droits acquis ou en cours d’acquisition, l’UE a donc mis en place un système de coordination des régimes de sécurité sociale.

Le règlement n° 883/2004 pose un principe général de totalisation des périodes accomplies sous la législation de tout Etat membre pour les assurés qui s’expatrient. Ce principe permet de prendre en compte les périodes d’assurance, de travail ou de résidence accomplies dans un autre État membre pour ouvrir les droits aux prestations retraite. Du côté français, cette totalisation sera ainsi très utile pour réunir la durée d’assurance requise pour la détermination du taux de liquidation de la pension de vieillesse française (notion de taux plein).

Ensuite, pour le calcul de la pension d’un assuré ayant cotisé pour sa retraite dans plusieurs Etats membres, un double calcul est réalisé :

  • Le premier est effectué en application de la seule législation nationale.
  • Le second calcul est effectué en totalisant les périodes d’assurance accomplies dans tous les Etats membres, permettant de déterminer un montant global théorique qui sera ensuite réduit au prorata de la durée d’assurance accomplie au régime général. Les montants ainsi obtenus sont comparés, et la pension la plus avantageuse servie.

La situation est différente pour les travailleurs détachés : dans cette situation le salarié est envoyé par son employeur d’origine dans un autre État membre en vue d’y fournir un service à titre temporaire. Contrairement aux travailleurs mobiles expatriés qui s’installent dans un autre État membre pour y travailler ou chercher un emploi, les travailleurs détachés n’intègrent pas le marché du travail du pays.

Si le Brexit ne devrait rien changer pour les travailleurs détachés, qui restent donc soumis à la réglementation sociale de leur Etat d’origine, les expatriés, que ce soient les français vers le Royaume-Uni ou inversement, seront nécessairement impactés car les règlements européens n’auront plus vocation à s’appliquer.

Par exception cependant, les autorités françaises ont d’ores et déjà annoncées que les mécanismes de coordination pourraient continuer à s’appliquer aux personnes qui ne sont plus en situation de mobilité au 31 décembre 2020 mais qui ont déjà acquis suffisamment de droits au titre d’une situation de mobilité antérieure. Ainsi par exemple, les règles de totalisation et proratisation de pension s’appliqueront pour la personne qui a travaillé pendant 20 ans au Royaume-Uni, qui a poursuivi sa carrière en France puis la continue en Allemagne.

Nouvelles règles consécutives au Brexit

Lorsque l’expatriation a lieu dans un pays qui n’est pas (ou plus dans le cas d’espèce) couvert par le principe de la coordination européenne, le salarié doit cotiser au régime local s’il est obligatoire. Ces périodes ne sont alors pas prises en compte dans le calcul de la retraite française.

En plus de l’affiliation au régime local, les salariés français qui travaillent au Royaume-Uni pourront choisir de cotiser volontairement en France. Cette assurance volontaire existe à la fois pour les droits à retraite de base retraite, via la caisse des français de l’étranger (CFE), et pour les droits à retraite complémentaire AGIRC-ARRCO via le groupe de protection sociale Humanis (CRE-IRCAFEX2). Néanmoins le coût est particulièrement élevé compte tenu du fait que le bénéficiaire doit verser les cotisations salariales et patronales :

  • A la CFE, les cotisations vieillesse dépendent des revenus professionnels déclarés. Il existe 4 catégories de cotisants, pour un montant annuel3 pouvant varier de 1.800 € (moins de 22 ans) à 7.188 € (pour ceux dont la rémunération est égale ou supérieure à 40.524 €).
  • A la CRE-IRCAFEX (Humanis), le montant des cotisations n’est pas déterminé forfaitairement mais calculé directement par rapport aux revenus perçus. Le taux de cotisation évolue par tranches de rémunération : environ 10% sur la part du salaire sous le plafond annuel de sécurité sociale (40.524 €)4, et environ 25 % au-dessus (dans la limite de 8 plafonds soit 324.192 €).

Des dispositifs équivalents peuvent exister pour les travailleurs indépendants et les professions libérales5.

En définitive, la décision d’utiliser les dispositifs susvisés doit être mûrement réfléchie et analysée. Par exemple, la cotisation volontaire au régime de base est intéressante car elle permet l’acquisition de trimestres de retraite pour s’assurer une liquidation de la retraite à taux plein.

Le rendement est donc fonction de multiples facteurs :

  • des droits retraite déjà acquis,
  • des conditions requises (âge, carrières) pour que l’assuré puisse prétendre à une retraite à taux plein,
  • de ses projets futurs : retour en France à moyen ou long terme ? cessation d’activité ?

Afin de compenser l’arrêt programmé de l’application des règlements communautaire, une hypothèse (probable) serait que la France et le Royaume-Uni signent prochainement une convention bilatérale de sécurité sociale6 comme cela existe déjà avec d’autres pays tiers. A l’instar des règlements, elles s’adressent aux personnes qui partent travailler dans l’Etat partenaire afin que leur nouvelle affiliation ne soit pas un obstacle dans l’accès aux droits sociaux. Dans cette perspective, ces conventions couvrent le travailleur et permettent de valoriser les périodes d’activité dans les Etats d’accueil. Pour la retraite, elles permettent notamment bénéficier de la règle de totalisation des droits (déjà évoquée plus haut), en tenant compte des périodes d’activité accomplies dans l’autre Etat lors du calcul de la retraite.


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Jouissance des droits dans le pays d’accueil

Réglementation actuellement en vigueur

La situation des retraités français qui perçoivent déjà une pension mais qui résident au Royaume-Uni, ou inversement, va également être impactée par la sortie du pays de l’UE.

En tant que ressortissant de l’UE, un retraité peut vivre dans le pays de l’UE de son choix, à condition de disposer d’une assurance maladie complète dans le pays d’accueil et d’un revenu suffisant pour y vivre sans demander d’aide financière. Si le retraité doit signaler sa présenter dans le pays d’accueil dès son arrivée, il n’a pas à obtenir de titre de séjour tant qu’il remplit les conditions susvisées7.

Après avoir séjourné légalement dans un autre pays de l’UE pendant une période ininterrompue de 5 ans, en remplissant toutes les conditions, l’assuré obtient automatiquement un droit de séjour permanent dans ce pays.

Nouvelles règles consécutives au Brexit

Le Brexit va obliger les résidents britanniques et français résidant ou travaillant dans leur pays d’accueil à disposer d’un titre de séjour. Ce titre de séjour sera rendu obligatoire à compter du 1er octobre 2021. Sans ce titre de séjour, impossible de continuer à résider dans le pays d’accueil.

S’agissant du versement des pensions dans le pays d’accueil. En vertu de l’accord de retrait qui prévoit la continuité des droits acquis jusqu’à la fin de la période de transition, le retraité pourra continuer à percevoir sa retraite. Idem pour la prise en charge de frais de santé.

Attention cependant. En l’absence de signature d’une convention bilatérale de sécurité sociale entre les deux pays, les ressortissants britanniques qui souhaiteraient venir s’installer en France après le 1er janvier 2021 devront justifier de la régularité de leur résidence et demander un titre de séjour. Ils ne pourront plus bénéficier du remboursement de leurs frais de santé dans le pays d’accueil.


Références

  1. Ordonnance n° 2019-76 du 6 février 2019 portant diverses mesures relatives à l’entrée, au séjour, aux droits sociaux et à l’activité professionnelle, applicables en cas d’absence d’accord sur le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne. Application par décret n° 2019-265 du 3 avril 2019.
  2. Institution de retraites des cadres et assimilés de France et de l’extérieur
  3. https://www.legislation.cnav.fr/Pages/expose.aspx?Nom=versement_volontaire_cotisation_assurance_volontaire_ex#toc2
  4. PASS 2020 = 40.524 €
  5. Des informations sont disponibles sur le site internet des caisses de retraite concernées.
  6. La France dispose aujourd’hui d’accords de sécurité sociale avec 73 pays à travers le monde. Ils couvrent près de 83% de la population française expatriée. Plus d’informations sur le site internet du CLEISS
  7. Directive 2004/38/CE relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire de l’Union européenne (UE)

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