Contentieux de la fonction publique : l’expérimentation de la médiation préalable obligatoire

L’article 5 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle institue, à titre expérimental, un dispositif de médiation préalable obligatoire avant tout recours contentieux : d’une part, en matière de contentieux sociaux ; et d’autre part, à l’occasion de certains litiges entre les agents publics et leur administration relatifs à leur situation personnelle.

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Contentieux de la fonction publique : l’expérimentation de la médiation préalable obligatoire
Avant tout recours en contentieux, les agents de la fonction publique de l'État et territoriale pourront bénéficier, à titre expérimental, d'un dispositif de médiation.

L’article L. 213-1 du code de justice administrative définit la médiation comme « tout processus structuré par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par la juridiction ».

La loi de modernisation de la justice du XXIe siècle avait prévu que l’expérimentation de la médiation préalable obligatoire ait une durée de quatre ans, à compter du 18 novembre 2016 (date de la promulgation de la loi). Elle fixait donc le terme de l’expérimentation au 18 novembre 2020. Mais la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a repoussé l’échéance « au plus tard » au 31 décembre 2021. Depuis, il restait à toiletter le décret n° 2018-101 du 16 février 2018, qui a précisé les conditions dans lesquelles est menée cette expérimentation. C’est chose faite avec le décret n° 2020-1303 du 27 octobre 2020, publié au Journal officiel le 28 octobre 2020. Désormais, la médiation préalable obligatoire s’applique « aux recours contentieux susceptibles d’être présentés jusqu’au 31 décembre 2021 à l’encontre des décisions intervenues à compter du 1er avril 2018 ». En outre, l’expérimentation fera l’objet d’un rapport d’évaluation établi par le garde des sceaux, qui sera remis au Parlement et au Conseil commun de la fonction publique, au plus tard le 30 juin 2021 (au lieu d’une échéance initiale au mois de mai 2020).

1. Champ d’application de l’expérimentation

L’expérimentation est applicable aux décisions intervenues à compter du 1er avril 2018 et susceptibles de faire l’objet d’un recours contentieux jusqu’au 31 décembre 2021 En outre, les médiations préalables obligatoires engagées avant le 31 décembre 2021 restent soumises aux dispositions régissant cette expérimentation (art. 9 du décret du 16 février 2018, précité).

A. Les agents concernés par l’expérimentation

La fonction publique hospitalière n’est pas concernée par ce dispositif.

Au sein de la fonction publique de l’État sont concernés :

  1. Les agents affectés dans les services du ministère chargé des affaires étrangères ;
  2. Les agents affectés dans les services académiques et départementaux, les écoles maternelles et élémentaires et les établissements publics locaux d’enseignement du ressort des académies dont la liste est fixée par arrêté du garde des sceaux et du ministre chargé de l’éducation nationale (1). Il s’agit des académies d’Aix-Marseille, de Clermont-Ferrand et de Montpellier.

La médiation préalable obligatoire est assurée :

  1. Pour les agents des services du ministère chargé des affaires étrangères, par le médiateur des affaires étrangères ;
  2. Pour les agents du ministère chargé de l’éducation nationale, par le médiateur académique territorialement compétent.

Au sein de la fonction publique territoriale sont concernés :

Les agents de la fonction publique territoriale employés dans les collectivités territoriales et les établissements publics locaux situés dans un nombre limité de circonscriptions départementales, choisies en raison de la diversité des situations qu’elles présentent et dont la liste est fixée par un arrêté conjoint du garde des sceaux et du ministre chargé des collectivités territoriales (2) et ayant conclu au plus tard le 31 décembre 2018 avec le centre de gestion de la fonction publique territoriale dont ils relèvent une convention lui confiant la mission de médiation préalable obligatoire en cas de litige avec leurs agents. Dans la fonction publique territoriale, la médiation est donc assurée par les centres de gestion au titre de leur mission facultative de conseil juridique. Elle est mise en œuvre à compter du 1er avril 2018 par les centres de gestion volontaires pour participer à cette expérimentation qui prend donc fin au plus tard le 31 décembre 2021.

B. Les actes relevant de l’expérimentation de la médiation préalable obligatoire

Doivent obligatoirement être précédés d’une médiation, les recours contentieux formés par les agents publics concernant les décisions administratives suivantes (art. 1er du décret du 16 février 2018, précité) :

* Les refus :

  • pour les fonctionnaires : de détachement et de disponibilité
  • pour les contractuels : des congés non rémunérés suivants :
    • congé pour élever un enfant de moins de huit ans, donner des soins à un enfant à charge, au conjoint, au partenaire de Pacs, à un ascendant à la suite d’un accident ou d’une maladie grave ou atteinte d’un handicap nécessitant la présence d’une tierce personne pour suivre son conjoint ou partenaire de Pacs ;

    • congé pour convenances personnelles ;

    • congé pour création d’entreprise ;
    • congé de mobilité.

* les décisions administratives individuelles défavorables relatives :

  • à l’un des éléments de la rémunération : le traitement, l’indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que le régime indemnitaire ;
  • à la réintégration à l’issue d’un détachement, d’un placement en disponibilité ou d’un congé parental ou au réemploi d’un agent contractuel à l’issue d’un des congés non rémunérés précités ;
  • au classement de l’agent à l’issue d’un avancement de grade ou d’un changement de corps obtenu par promotion interne ;
  • à la formation professionnelle tout au long de la vie ;
  • aux mesures appropriées prises en faveur des travailleurs handicapés ;
  • à l’aménagement des conditions de travail lorsque l’agent est inapte physiquement à l’exercice de ses fonctions.

2. La procédure

A. La saisine préalable du médiateur

Les agents concernés par l’expérimentation (voir ci-dessus) devront obligatoirement saisir le médiateur avant toute requête dirigée devant le tribunal administratif contre un acte relevant de l’un des domaines précités (art. 6 du décret du 16 février 2018, précité).

Dans le cas contraire, le tribunal administratif devra rejeter la requête pour irrecevabilité et transmettra alors le dossier au médiateur compétent.

Pour apprécier si la médiation a été engagée dans le délai de recours contentieux, la date retenue est celle de l’enregistrement de la requête présentée devant le tribunal administratif.

L’administration qui emploie l’agent doit informer celui-ci de l’obligation de saisir le médiateur et lui indiquer les coordonnées de ce dernier (art. 3 du décret du 16 février 2018, précité).

La saisine du médiateur doit être engagée dans le délai de recours contentieux de 2 mois prévu à l’article R. 421-1 du code de justice administrative.

Si l’administration n’a pas informé l’agent de cette obligation de saisir le médiateur, le délai de recours contentieux ne court pas à l’encontre de la décision litigieuse (art. 3 du décret du 16 février 2018, précité).

Pour saisir le médiateur, l’agent doit (art. 3 du décret du 16 février 2018, précité) :

  • produire une lettre de saisine ;
  • fournir une copie de la décision contestée lorsque celle-ci est explicite ou une copie de la demande ayant fait naitre cette décision lorsqu’elle est implicite.

B. Les effets de la saisine du médiateur

Sur les délais de prescription

La saisine du médiateur suspend les délais de prescription. Ces délais recommencent à courir à compter de la date à laquelle la médiation est terminée (art. 4 du décret du 16 février 2018, précité).

Sur les délais de recours contentieux

La saisine du médiateur interrompt le délai de recours contentieux. Un nouveau délai commence à courir à compter de la date à laquelle la médiation est terminée (art. 4 du décret du 16 février 2018, précité).

Par dérogation aux dispositions de droit commun, l’exercice d’un recours gracieux ou hiérarchique, après l’organisation de la médiation, n’interrompt pas de nouveau le délai de recours contentieux sauf s’il constitue un préalable obligatoire à l’exercice d’un recours contentieux (art. 4 du décret du 16 février 2018, précité et art. R. 213-4 du Code de justice administrative).

Les effets de la décision litigieuse durant la médiation

Dans l’attente de l’issue de la médiation, les parties peuvent s’entendre sur la suspension des effets de la décision litigieuse (art. 5 du décret du 16 février 2018, précité).

C. L’issue de la médiation

La médiation prend fin (art. 4 du décret du 16 février 2018, précité) :

  • soit à l’initiative d’une des parties ou des deux&bsp;;
  • soit à l’initiative du médiateur,

lorsqu’ils déclarent que celle-ci est terminée.

Cette déclaration doit être faite de manière non équivoque et par tout moyen permettant d’en assurer la connaissance par l’ensemble des parties (art. 4 du décret du 16 février 2018, précité).

L’accord auquel parviennent les parties ne peut porter atteinte à des droits dont elles n’ont pas la libre disposition (art. L. 213-3 du code de justice administrative). L’une des parties ou les deux peuvent faire homologuer cet accord par le juge administratif lui donnant ainsi force exécutoire (art. L. 213-4 du code de justice administrative).

3. Les obligations du médiateur

A. Garantir la procédure

Le médiateur accomplit sa mission avec impartialité, compétence et diligence (art. L. 213-2 du code de justice administrative).

La médiation est soumise au principe de confidentialité sauf accord contraire des parties (art. L. 213-2 du code de justice administrative). Les échanges lors de la médiation ne peuvent donc être divulgués aux tiers ou invoqués devant le tribunal administratif sans l’accord des parties.

Ce principe ne s’applique pas dans deux cas :

  • en présence de raisons impérieuses d’ordre public ou à l’intégrité physique ou psychologique d’une personne ;
  • lorsque la révélation de l’existence ou la divulgation du contenu de l’accord issu de la médiation est nécessaire pour sa mise en œuvre.

B. L’établissement d’un rapport annuel

Dans le cadre de sa mission, le médiateur doit établir un rapport d’activité annuel (art. 7 du décret du 16 février 2018, précité).

Ce rapport doit contenir :

  • le nombre de saisines ayant abouti à une résolution totale ou partielle du litige ;
  • le nombre de médiations infructueuses ;
  • les éventuelles difficultés rencontrées ;
  • l’appréciation du médiateur quant à l’expérimentation en cours.

Ce rapport est transmis, à compter de 2019, au ministre de la justice et au ministre chargé de la fonction publique et à celui des collectivités territoriales ainsi qu’au vice-président du Conseil d’État avant le 1er juin de chaque année (art. 7 du décret du 16 février 2018, précité).

S’il est probable qu’à l’issue du dispositif expérimental, la médiation préalable soit étendue aux autres administrations et à un nombre plus grand de décisions, l’expérimentation a fait l’objet d’un rapport parlementaire, enregistré en février 2020 (3), qui dresse toutefois un état des lieux critique du dispositif tel qu’exercé au sein des administrations. Il relève notamment un nombre modeste d’affaires concernées au regard du nombre de contentieux susceptibles de l’être.


Références

  1. Arrêté du 1er mars 2018 relatif à l’expérimentation d’une procédure de médiation préalable obligatoire en matière de litiges de la fonction publique de l’éducation nationale (NOR : JUSC1724093A), publié au J.O. du 8 mars 2018 ;
  2. Arrêté du 2 mars 2018 relatif à l’expérimentation d’une procédure de médiation préalable obligatoire en matière de litiges de la fonction publique territoriale (NOR : JUSC1802894A), publié au J.O. du 8 mars 2018 ;
  3. http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cec/l15b2702_rapport-information#

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