Un salarié à temps partiel peut-il provisoirement exercer un temps plein dans la même entreprise ?

La situation est bien plus fréquente qu’on ne le croit. Souvent, les professionnels du droit sont sollicités par des employeurs qui souhaitent augmenter la durée du travail de certains de leurs salariés à temps partiel, par exemple, le temps de remplacement d’un autre salarié à temps partiel ou pour faire face à un surcroît provisoire d’activité.

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Un salarié à temps partiel peut-il provisoirement exercer un temps plein dans la même entreprise ?
Un salarié à temps partiel peut réaliser des heures supplémentaires dans la limite d'un dixième de son temps de travail hebdomadaire ou mensuel.

A cette question simple on aurait envie de répondre de suite qu’une telle possibilité est envisageable ! Et puis, Droit et bon sens ne vont-ils pas ensemble ?

Le problème est toutefois plus compliqué qu’il n’y parait au premier abord.

1. D’abord quelques rappels de règles de Droit

Trois points doivent être préalablement mis en évidence :

  • le nombre d’heures complémentaires accomplies par un salarié à temps partiel au cours d’une même semaine ou d’un même mois ne peut être supérieur au dixième de la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail prévue dans son contrat (C trav L 3123-17 – Ex : un salarié avec un contrat de 20 heures par semaine peut effectuer 2 heures complémentaires par semaine).
  • les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail accomplie par un salarié au niveau de la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement (C trav art L. 3123-9). La Cour de cassation rappelle sans cesse cette position qui doit inciter les employeurs à se montrer vigilants sur le strict respect des règles en matière de durée du travail et d’heures complémentaires (Cass soc. 23 janvier 2019, pourvoi n° 17-19393). On se souvient ainsi d’une espèce où les juges avaient requalifié un temps partiel en temps plein en soulignant que la durée légale avait été atteinte pendant 1 mois sur 8 années de travail (Cass soc.12 mars 2014. pourvoi n°12-15014)…
  • lorsque, pendant une période de 12 semaines consécutives ou pendant 12 semaines au cours d’une période de 15 semaines, l’horaire moyen réellement accompli par un salarié a dépassé de 2 heures au moins par semaine, ou de l’équivalent mensuel de cette durée, l’horaire prévu dans son contrat, celui-ci est modifié, sous réserve d’un préavis de 7 jours et sauf opposition du salarié intéressé (C trav art L. 3123–15).

Ces quelques notions montrent s’il en est besoin que le contrat de travail à temps partiel est un véritable « carcan », alors qu’en l’espèce l’employeur a davantage besoin de solutions de souplesse. Alors comment résoudre une telle difficulté ?

2. Ensuite, quelques tentations à éviter

Parmi ces tentations, on citera essentiellement deux auxquelles l’employeur aura nécessairement une pensée :

  • 1° tentation : faire effectuer aux salariés concernés des heures complémentaires. Cette solution pose toutefois, plusieurs problèmes : d’une part, on rappellera que les heures complémentaires (qui sont limitées)  ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail accomplie par un salarié au niveau de la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement ; ensuite, et dès lors que le salarié effectue habituellement des heures complémentaires, le risque est qu’il demande la modification de son horaire de travail ; enfin, la jurisprudence a décidé qu’une telle solution détournait les heures complémentaires de leur objet (Cass soc. 5 avril 2006, pourvoi n° 04-43180). Cette solution doit donc d’emblée être écartée.
  • 2° tentation : conclure avec le salarié à temps partiel un contrat à durée déterminée et à temps partiel représentant le nombre d’heures du salarié absent. Cette solution qui semble de bon sens, pose pourtant plusieurs difficultés. D’une part, un salarié peut-il être titulaire de plusieurs contrats de travail au sein de la même entreprise (en l’espèce, un contrat à durée indéterminée à temps partiel et un contrat à durée déterminée à temps partiel) ?  Bien que la loi soit muette sur ce point, d’importantes réserves s’imposent. En effet, en droit du travail, il est clair que c’est la situation la plus favorable au salarié qui s’impose, c’est-à-dire en l’espèce, le contrat à durée indéterminée. Le risque est donc grand, en cas de conflit, que les tribunaux globalisent ces deux contrats en un seul CDI. Qui plus est, la jurisprudence a indiqué que dans tous les cas, il fallait totaliser les horaires de travail (Cass soc. 24 novembre 1998 pourvoi n° 96-42270).

3. Enfin, l’adoption d’une loi compliquée

Devant autant d’insécurité juridique, il appartenait au législateur de prendre position et de fixer des règles claires. En ce sens, la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013, pour la première fois, a crée la notion de « compléments d’heures par avenant ». Le principe se trouve aujourd’hui énoncé à l’article  L 3123-22 du Code du travail suivant lequel une convention ou un accord de branche étendu peut prévoir la possibilité, par un avenant au contrat de travail, d’augmenter temporairement la durée de travail prévue par le contrat. La convention ou l’accord détermine le nombre maximal d’avenants pouvant être conclus, dans la limite de huit par an et par salarié, en dehors des cas de remplacement d’un salarié absent nommément désigné, peut prévoir la majoration salariale des heures effectuées dans le cadre de cet avenant et enfin, détermine les modalités selon lesquelles les salariés peuvent bénéficier prioritairement des compléments d’heures. Les heures complémentaires accomplies au-delà de la durée déterminée par l’avenant donnent lieu à une majoration salariale qui ne peut être inférieure à 25 %.

Ainsi, le principe du complément d’heures doit être prévu par « une convention ou un accord de branche étendu ». Ce principe est réitéré par l’article L 2253-1 6° issu d’une ordonnance du 22 septembre 2017 et qui vise expressément l’article  L 3123-22 du Code du travail. N’oublions pas que dans ce cas de figure, l’accord de branche prévaut sur l’accord d’entreprise…

La cause est entendue…Hors de la convention ou de l’accord de branche étendu, il n’est point de salut !

Et les parties ne pourraient conclure un accord dépourvu de légalité sachant que selon l’article 1103 du Code civil, « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ». Or, justement, conclure un accord hors des dispositions prévues par la loi, fût-il même favorable au salarié, ne saurait constituer un acte « légalement » formé.

Quant aux sanctions pour l’employeur, il vaut mieux ne pas y songer. En effet, le salarié revenu à son ancien horaire serait en droit de réclamer le paiement du salaire (sur 3 ans) qu’il aurait dû normalement percevoir…

A ce stade, une question se pose immanquablement : n’aurait on pu faire plus simple dans l’intérêt des salariés (par exemple, que ce type de convention puisse être formalisée par accord d’entreprise) ? Mais on sait que le droit du travail est rarement simple dans ce pays !

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