La notion de faute disciplinaire dans la fonction publique

Il n’existe ni définition générale ni liste des fautes disciplinaires (à l’instar des infractions fixées par le code pénal. L’article 29 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires se borne à indiquer que « toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire ». Il revient donc à l’autorité titulaire du pouvoir disciplinaire de déterminer si un agent a commis une faute et si l’ouverture d’une procédure disciplinaire est alors justifiée. C’est donc à l’administration que revient la charge de la preuve. Tout comme en matière pénale, ce n’est pas à l’agent de prouver qu’il n’a pas commis les manquements qui lui sont reprochés (1).

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Faute Disciplinaire Fonction Publique
Une faute disciplinaire peut entrainer une sanction disciplinaire, c’est à l’administration de décider de l’ouverture d’une procédure disciplinaire.

Procédure disciplinaire et obligation de loyauté de l’employeur

La preuve des faits sanctionnés peut être apportée par tout moyen. Cependant, l’administration a une obligation de loyauté vis-à-vis de ses agents ; elle ne saurait donc fonder une sanction sur des pièces ou documents obtenus en méconnaissance de cette obligation, sauf si un intérêt public majeur le justifie. Dans le respect de ces principes, le recours à une agence de détectives privés est possible pour apporter la preuve de faits commis en dehors du service (2). Autre illustration : une université n’a pas méconnu son obligation de loyauté à l’égard d’un de ses enseignants en se fondant sur des conversations téléphoniques, enregistrées à son insu, pour lui infliger une sanction disciplinaire, dès lors que ces pièces ont été soumises au débat contradictoire (3). Par ailleurs, l’administration peut se fonder sur des propos tenus sur une page personnelle de « Facebook » dès lors qu’ils n’ont pas été tenus à l’occasion d’une correspondance privée mais dans le cadre d’une discussion susceptible d’être lue par l’ensemble du réseau de connaissances de la personne et par toutes les personnes ayant accès à la page dudit réseau social (4).

L’insuffisance professionnelle ne constitue pas une faute

Les faits en cause doivent être liés au comportement de l’agent et non pas à sa valeur professionnelle. Aussi, des faits relevant de l’insuffisance professionnelle ne peuvent-ils légalement justifier l’application d’une sanction disciplinaire (5).

La responsabilité avérée du fonctionnaire

Un acte ou une abstention d’acte ne constitue une faute disciplinaire, que si son auteur est reconnu responsable. Ainsi, les faits perpétrés par un agent qui, en raison de son état mental, n’est pas responsable de ses actes, ne peuvent pas légalement justifier une sanction disciplinaire (6). Dès lors qu’un agent apparaît irresponsable de ses actes, son employeur devra, ainsi, mettre en œuvre une procédure médicale, qui pourra, par exemple, aboutir à un placement d’office en congé de longue maladie ou de longue durée. En revanche, le fait qu’un agent soit en état d’imprégnation alcoolique lorsqu’il commet une faute ne saurait avoir pour effet de supprimer ou d’atténuer sa responsabilité (7).

La question de l’obéissance aux ordres

En application des dispositions de l’article 18 de la loi du 13 juillet 1983, précitée, tout fonctionnaire doit se conformer aux instructions de sa hiérarchie, sauf si l’ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public.
Sauf si ces deux conditions sont réunies, un agent ne pourra donc pas être sanctionné pour avoir accompli un acte ordonné par sa hiérarchie.

Les fautes liées à l’exercice des fonctions

Une faute disciplinaire, lorsqu’elle est constatée, est fréquemment commise dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice des fonctions.

La loi du 13 juillet 1983, précitée, fixe les obligations auxquelles sont soumis les fonctionnaires. Des manquements à ces obligations sont susceptibles de fonder une procédure disciplinaire. Parmi ces obligations on peut citer :

  • L’exercice des fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité (article 25) ;
  • L’obligation de neutralité (article 25) ;
  • L’égalité de traitement des usagers, le respect de leur dignité et de leur liberté de conscience, le respect du principe de laïcité, d’une manière générale (article 25) ;
  • L’obligation d’éviter toute interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif de ses fonctions (article 25 bis) ;
  • Le respect des règles relatives aux cumuls d’emplois et d’activités (article 25 septies) ;
  • Le devoir de secret professionnel et de discrétion professionnelle (article 26) ;
  • Le devoir d’information du public (article 27) ;
  • Le devoir d’obéissance hiérarchique (article 28).

A ces obligations fixées par le statut s’ajoute l’obligation de réserve, non inscrite dans les textes, mais érigée en principe par la jurisprudence du Conseil d’État. Par exemple, un agent public s’est vu sanctionné pour avoir dévoilé sur internet des informations relatives au système de vidéosurveillance de sa commune (8). Au-delà de ces obligations spécifiques qui sont expressément prévues par le statut, l’autorité territoriale peut sanctionner, à sa libre appréciation, tout acte jugé fautif commis par l’agent à l’occasion de l’exécution de son service.

Les faits commis en dehors du service

De façon générale, un agent public peut être sanctionné pour des faits commis dans l’exercice de ses fonctions comme pour des faits touchant à sa vie privée. En effet, un agent reste constamment assujetti aux obligations liées à son statut, même en dehors du service. Ainsi, des faits commis par un agent, alors qu’il est en congé de maladie peuvent donner lieu à une procédure disciplinaire (9) ; ou encore : le fait de participer à une compétition sportive durant un congé de maladie, alors que l’arrêt de travail ne comportait aucun élément d’ordre médical justifiant des sorties libres, constitue un manquement à l’obligation de loyauté du fonctionnaire à l’égard de son employeur. Un tel manquement justifie alors une sanction disciplinaire (10). En outre,des faits commis en dehors du service peuvent également être considérés comme constitutifs d’une faute disciplinaire et justifier ainsi qu’une sanction soit prise :

  • soit parce qu’ils sont incompatibles avec l’exercice d’une fonction publique (11) ;
  • soit parce qu’ils ont porté atteinte à la réputation de son administration, s’agissant d’un agent condamné pour blessure par balle d’un voisin de son domicile personnel suite à une altercation (12) ;
  • ou encore, parce qu’ils sont de nature à porter la déconsidération sur le corps auquel appartient l’agent. Tel est le cas d’un agent des compagnies républicaines de sécurité cohabitant avec une personne pratiquant la prostitution (13).
  • ou bien, parce qu’ils portent atteinte à l’exigence d’exemplarité et d’irréprochabilité qui incombe aux enseignants et nuisent à la réputation du service de l’éducation nationale (cas d’un enseignant de l’Éducation nationale reconnu coupable d’agression sexuelle sur mineurs en dehors du service (14)) ;

Respect du principe de proportionnalité entre faute commise et sanction infligée

Il revient à l’administration, lorsqu’elle a relevé l’existence d’une faute, d’en apprécier la gravité, laquelle déterminera à son tour s’il y a lieu d’ouvrir une procédure disciplinaire et, dans ce cas, d’appliquer la sanction la plus appropriée. En effet, contrairement à ce qui est prévu par le code pénal, en matière disciplinaire, il n’existe aucun barème de correspondance entre fautes et sanctions. La nature et la gravité des faits constituent les critères prépondérants. Mais des éléments secondaires peuvent constituer des facteurs atténuants ou au contraire aggravants.

En outre, lorsque le juge administratif est saisi, par un agent sanctionné qui conteste ladite sanction, celui-ci doit « de rechercher si les faits reprochés […] ayant fait l’objet d’une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes » (15).

L’administration, les conseils de discipline et le juge administratif peuvent ainsi, tenir compte, pour déterminer la gravité de la faute et le choix de la sanction la plus appropriée :

  • de la nature et du niveau hiérarchique des fonctions exercées (16) ;
  • de la nature particulière des fonctions ; par exemple s’agissant d’un agent conducteur d’automobile ayant exercé ses fonctions dans un état d’imprégnation alcoolique (17) ;
  • du passé disciplinaire de l’agent, des fonctions qu’il occupe et du climat général des relations (18) ;
  • de l’avis du conseil de discipline (19) ;
  • des efforts, mêmes postérieurs à la sanction, fournis par l’agent pour améliorer son comportement (20)
  • des qualités professionnelles avérées de l’agent, alors que son comportement fautif s’inscrit dans un contexte de tensions en partie imputable à son employeur (21) ; etc.

La prescription de l’action disciplinaire

L’article19 de la loi du 13 juillet 1983, précitée, dispose que « Aucune procédure disciplinaire ne peut être engagée au-delà d’un délai de trois ans à compter du jour où l’administration a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits passibles de sanction. En cas de poursuites pénales exercées à l’encontre du fonctionnaire, ce délai est interrompu jusqu’à la décision définitive de classement sans suite, de non-lieu, d’acquittement, de relaxe ou de condamnation. Passé ce délai et hormis le cas où une autre procédure disciplinaire a été engagée à l’encontre de l’agent avant l’expiration de ce délai, les faits en cause ne peuvent plus être invoqués dans le cadre d’une procédure disciplinaire. »

  1. CAA Nantes, 4 octobre 2002, requête n° 01NT00267 ;
  2. CE, 16 juillet 2014, requête n° 355201 ;
  3. CE, 21 juin 2019, requête n° 424593 ;
  4. CAA Nancy, 22 septembre 2016, requête n° 15BNC00771 ;
  5. CE, 25 mars 1988, requête n° 84889 ;
  6. CE, 2 juillet 1980, requête n° 14018 ;
  7. CAA Bordeaux, 7 juin 1999, requête n° 98BX02001 ;
  8. CE, 20 mars 2017, requête n° 393320 ;
  9. CE, 11 mai 1979, requête n° 02499 ;
  10. CAA Paris, 7 juillet 2017, requête n° 16PA02562 ;
  11. CE, 9 décembre 1970, requête n° 79732 ;
  12. CE, 24 juin 1988, requête n° 81244 ;
  13. CE, 14 mai 1986, requête n° 71856 ;
  14. CE, 18 juillet 2018, requête n° 401527 ;
  15. CE, Ass., 13 novembre 2013, requête n° 347704 ;
  16. CE, 8 juillet 1991, requêtes n° 97560 et 105925 ;
  17. CE, 4 mars 1992, requête n° 89545 ;
  18. CE, 15 mai 2009, requête n° 311151 ;
  19. CE, 29 mars 1996, requête n° 119908 ;
  20. CE, 20 décembre 1985, requête n° 66139 ;
  21. CE, 13 mars 2019, requête n° 407199.

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