Fonction publique : application des règles d’hygiène et de sécurité durant la période d’état d’urgence sanitaire

Dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, les services publics ainsi que les agents (fonctionnaires et contractuels) sont, en fonction des missions qu’ils accomplissent, sollicités notamment dans le cadre des plans de continuité d’activité (PCA) des administrations publiques. Le respect des règles d’hygiène et de sécurité doit d’autant plus s’appliquer avec toute la rigueur qui s’impose, y compris lorsque les agents sont placés en télétravail.

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L’application des règles d’hygiène et de sécurité durant la période d’état d’urgence sanitaire
L’agent public peut faire valoir son droit de retrait dès lors qu’il estime être confronté à un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé.

Qu’est-ce que le droit de retrait des agents publics ?

Dans la fonction publique, le droit de retrait est une disposition qui permet à un agent qui s’estime être confronté, dans l’exercice de ses fonctions, à un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ou qui constate une défectuosité dans les systèmes de protection, de se retirer de son poste de travail sans encourir de sanction ou de retenue sur salaire (voir, par exemple, l’article 5-6 du décret n°82-453 du 28 mai 1982 relatif à l’hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu’à la prévention médicale dans la fonction publique).

Préalablement à l’exercice de ce droit, l’agent a l’obligation d’alerter son chef de service du problème à l’origine de son intention d’utiliser le retrait. Les textes n’imposent aucune formalité. Le retrait peut intervenir à la suite d’une information donnée par tous moyens. Le chef de service doit alors prendre des mesures nécessaires destinées à faire cesser la situation.

En outre, ce droit doit s’exercer de telle manière qu’il ne crée pas pour autrui une nouvelle situation de danger grave et imminent. Cette rédaction implique que le retrait ne peut s’effectuer s’il crée un danger grave et imminent pour des tiers (collègues ou usagers).

La notion de danger grave et imminent ?

Le retrait doit pouvoir être exercé lors de tout danger grave et imminent. Celui-ci s’exerce en effet valablement dès lors qu’un agent a un motif raisonnable de penser qu’un tel danger existe (Cass. soc., 10 mai 2001, pourvoi n° 00-43437). L’exigence d’un danger effectif est proscrite par le juge (CE, 9 octobre 1987, requête n° 69829). En cas d’épidémie, le chef de service doit être à même de justifier qu’il a pris toutes les mesures de protection adéquates pour la santé de son personnel. Dans ce cadre, l’information le plus en amont possible des agents et de leurs représentants (notamment aux comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail-CHSCT) sur les mesures de protection prises pourrait limiter l’exercice infondé du droit de retrait qui peut entraîner retenue sur rémunération ou sanctions.

La notion de danger se définit comme la capacité ou la propriété intrinsèque d’un équipement, d’une substance ou d’une méthode de travail de causer un dommage pour la santé (les dangers de l’électricité, de l’amiante, de la manutention, …).

Elle se distingue de la notion de risque qui représente l’éventualité de la rencontre entre une personne et un danger auquel elle peut être exposée.

La notion de « danger grave » est définie ainsi par une circulaire ministérielle, il s’agit de « tout danger susceptible de produire un accident ou une maladie entraînant la mort ou paraissant devoir entraîner une incapacité permanente ou temporaire prolongée » (circulaire du ministre du travail n° 93-15 du 25 mars 1993 relative à l’application de la loi n° 82-1097 du 23 décembre 1982). Pour la jurisprudence, ce danger doit être distingué du risque « habituel » du poste de travail et des conditions normales d’exercice du travail, même si l’activité peut être pénible ou dangereuse. Ainsi, une activité reconnue dangereuse en soi ne peut justifier l’exercice du droit de retrait.

S’agissant de « l’imminence », le droit de retrait vise « tout danger susceptible de se réaliser brutalement et dans un délai rapproché » (circulaire du ministre du travail n° 93-15 du 25 mars 1993 relative à l’application de la loi n° 82-1097 du 23 décembre 1982). C’est donc la proximité de la réalisation du dommage (et non donc celle de l’existence d’une menace qui doit donc être prise en compte. L’imminence ne concerne donc pas seulement la probabilité, mais la probabilité d’une survenance dans un délai proche (Cour d’appel de Paris, 26 avril 2001, 21ème ch., Verneveaux c/ RATP).

Ainsi, dans la mesure où le droit de retrait vise une situation de travail, la crainte que représenterait par exemple une contamination dans les transports ne saurait constituer, a priori, une base solide d’exercice du droit de retrait. Toutefois, le danger qu’il constitue, doit être envisagé au regard de létalité induite. Il peut donc être considéré comme grave et imminent, pour les agents considérés comme fragiles (en particulier s’agissant des personnes atteintes de maladies respiratoires), pour lesquelles l’exposition au virus pourrait emporter des conséquences graves.

Quelles sont les missions incompatibles avec le droit de retrait ?

Le droit de retrait, comme tout droit accordé aux fonctionnaires, doit pouvoir être articulé avec la nécessité de continuité du service public et de préservation de l’ordre public. Le Conseil d’État saisi sur la question de la réglementation du droit de grève par les chefs de service conclut que la reconnaissance de ce droit « ne saurait avoir pour conséquence d’exclure les limitations qui doivent être apportées à ce droit comme à tout autre en vue d’éviter un usage abusif ou contraire aux nécessités de l’ordre public » (par référence au droit de grève qui est un droit constitutionnel : CE,7 juillet 1950, Dehaene). Dans ce cadre, un certain nombre d’emplois, de corps ou de cadres d’emplois de fonctionnaires sont visés par des arrêtés interministériels de limitation du droit de retrait (policiers municipaux, administration pénitentiaire, agents en fonction dans les missions diplomatiques et consulaires, sapeurs-pompiers, militaires, …).

Quelles doivent être les mesures de protection indispensables ?

En période d’épidémie, les personnels qui sont exposés au risque de contamination du virus du fait de la nature de leur activité habituelle (personnels de santé ; personnels chargés du ramassage et du traitement des déchets, notamment), parce qu’ils sont systématiquement exposés à des agents biologiques infectieux du fait même de l’exercice normal de leur profession (risque professionnel) ou parce que leur maintien en poste s’impose pour éviter toute mise en danger d’autrui, ne peuvent légitimement exercer leur droit de retrait, au seul motif d’une exposition au virus à l’origine de la pandémie. Pour ces professionnels exposés de manière active au virus, il incombe aux chefs de service, en revanche, de prévoir des mesures de protection renforcées (telles que la dotation régulière et le port de masques, la prescription de consignes d’hygiène, la mise en œuvre de mesures d’organisation du service, la nécessité d’un suivi médical renforcé, …).

Télétravail et respect des règles d’hygiène et de sécurité

Le télétravail constitue depuis lundi 16 mars 2020, la modalité d’organisation du travail de droit commun, dès lors que les activités peuvent être accomplies ainsi.

L’article 49 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019, dite de transformation de la fonction publique, prévoit le recours au télétravail ponctuel dans la fonction publique.

Un projet de décret modifiant le décret n° 2016-151 du 11 février 2016 relatif au télétravail et prévoyant notamment le recours au télétravail ponctuel devrait être prochainement publié. Ce projet de décret devrait prévoir qu’une autorisation temporaire de télétravail peut être délivrée, par une autorité d’emploi, lorsqu’une circonstance inhabituelle perturbe temporairement l’accès au site de travail ou le travail sur site et que, dans cette situation :

  • il est possible de déroger à la règle de présence sur site qui s’impose aux agent
  • et qu’il est possible d’autoriser l’utilisation de l’équipement informatique personnel de l’agent.

Cependant, estime le secrétariat chargé de la fonction publique, il est juridiquement possible de mette en œuvre le télétravail occasionnel sans attendre la publication de ce décret. En effet, dans sa décision n° 389598 du 25 novembre 2015, le Conseil d’État a considéré que les dispositions de l’article 133 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 (relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, dite « loi Sauvadet ») prévoyant que les fonctionnaires peuvent exercer leurs fonctions en télétravail peuvent s’appliquer même en l’absence de mesures réglementaires (il s’agit du décret n° 2016-151 du 11 février 2016 relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique et la magistrature).

Dans la situation actuelle, le télétravail occasionnel peut ainsi être mise en œuvre selon les modalités prévues par le décret de 2016, précité, avec certains aménagements liés à la particularité de la situation.

Le télétravail doit faire l’objet d’une demande de l’agent

Il doit faire l’objet d’une demande écrite de l’agent et d’une autorisation de l’autorité d’emploi. Cette autorisation n’est pas normée par le décret de 2016, précité et ne doit pas nécessairement prendre la forme d’un arrêté individuel ou d’une convention. La demande et l’autorisation peuvent être transmises par courriel.

Les modalités d’organisation du télétravail occasionnel

En principe, le télétravail suppose la production par les agents d’une attestation de conformité des installations électriques. Cela relève actuellement de la formalité impossible. Pour autant, quelques conseils peuvent être délivrés, avec l’aide des préventeurs ou de services techniques, quant aux précautions techniques à prendre (pas de prises en cascade, …).

En outre, les règles du droit public relatives à la responsabilité de l’administration du fait des agents ne sont pas modifiées lorsqu’ils sont en télétravail. Ainsi, l’accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant l’exercice de l’activité professionnelle est présumé constituer un accident de service, comme s’il était intervenu dans les locaux de l’administration.

Un employeur peut-il imposer le télétravail sans le matériel informatique adéquat ?

Hors état d’urgence sanitaire, c’est à l’administration qu’il revient de fournir, en contrepartie du télétravail, le matériel informatique nécessaire. Si un agent se sert de son ordinateur personnel pour travailler, l’administration devrait indemniser dans une logique forfaitaire l’usure matérielle de l’ordinateur.

Un agent placé en télétravail doit-il souscrire un contrat d’assurance spécifique ?

Il n’est pas utile de demander une attestation d’assurance de leur domicile aux agents en télétravail. Le décret du 11 février 2016, précité, ne fixe aucune exigence en matière d’assurance du domicile d’exercice de l’activité en télétravail.

Un agent placé en autorisation spéciale d’absence (Asa) peut-il télé-travailler ?

Le placement en Asa ou en télétravail sont exclusifs l’un de l’autre.

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