Partager la publication "Les seniors au travail : déconstruire quelques schémas mentaux !"
Il a raison. Mais qu’on est loin du compte !
Même en amélioration, le taux d’emploi des seniors reste en France de 10 à 15 % inférieur au reste de l’Europe ou de l’OCDE. Le désengagement des seniors par rapport à d’autres catégories saute aux yeux. Et l’âge reste la première source de discrimination à l’embauche. Pire, cette situation ne semble fondamentalement choquer personne, comme s’il était de bon ton de détourner le regard.
Un immense gâchis que les DRH commencent à percevoir
Nous ne sommes pas encore pas sortis des réflexes des années 1990, 2000, voire 2010, où les diminutions d’effectifs commençaient par des mesures d’âge. Et pourtant, les DRH sont de plus en plus conscients des coûts énormes de ce phénomène pour les organisations.
Coûts en termes de capacité d’innovation, d’abord. De nombreuses études nord-américaines montrent que l’âge moyen des innovateurs est proche de la cinquantaine. Cet âge augmenterait même plus rapidement que l‘espérance de vie. Dans plusieurs groupes du CAC40, la moyenne d’âge des intrapreneurs dépasse les 45 ans.
Coûts en termes de renouvellement des compétences et d’engagement, ensuite. Les DRH investissent dans des recrutements qui pourraient être évités. Et certains grands Groupes vont, pour certaines compétences « vintage » jusqu’à investir dans des sites d’emploi destinés en priorité aux seniors. On sous-estime combien les seniors sont modélisants pour le reste de l’organisation : les voir partir a un effet terrible sur le niveau d’engagement des autres salariés, même s’il est souvent masqué par la satisfaction égoïste des places qui se libèrent.
Coûts bruts enfin de ces départs, pour l’entreprise elle-même et pour la communauté nationale via le chômage et les retraites. Certains RH affichent dorénavant leur volonté de vraiment limiter les coûteux des départs des seniors.
Force est pourtant de constater que peu y parviennent aujourd’hui. Les freins existent autant du côté des salariés que des organisations. Les seniors restent dans leur emploi, forts de leur autorité, puis sont brutalement « débranchés » de l’organisation là où tout le monde rêve d’autre chose, d’une adaptation mutuelle de leur fonction et de leur organisation. La rigidité entraine la rigidité !
Des freins mentaux dans les organisations
Les équipes RH consomment une énergie disproportionnée à recruter et tenter de fidéliser des Talents de 25 à 40 ans. A force de remplir le tonneau des Danaïdes, elles manquent de temps pour s’intéresser aux seniors qui, accompagnés, pourraient être les meilleurs alliés des plus jeunes pour valoriser l’entreprise.
Là où les seniors passent au rang de priorité, c’est au regard de leur masse salariale proportionnellement élevée. La GRH devient alors gestion des coûts plus que du capital humain ! Cette situation reflète aussi une incapacité à prendre le risque de renégociations salariales individuelles, qui mettraient en péril les grilles, le sacro-saint principe d’égalité de traitement, et même jusqu’aux relations de travail.
Mais il existe aussi, disons-le, un inconfort individuel des managers et des RH à affronter les seniors, ce qui paradoxalement les condamne au départ ! Nos schémas mentaux sont marqués par l’image du senior, figure d’autorité et de pouvoir que les jeunes managers ou RH peuvent avoir du mal à gérer. De surcroît, pour beaucoup, ses apports sont progressivement frappés « d’obsolescence liée à l’âge », surtout s’il s’agit de fonctions généralistes.
Allons même plus loin, pourquoi ne pas confronter dans les cercles de pouvoir ce malaise secret de certains hauts dirigeants qui, l’âge venant, cherchent inconsciemment à y échapper en éloignant ceux dont les signes leur rappellent trop leur propre état.
Des freins mentaux chez les salariés
De leur côté, combien de seniors n’imaginent pas faire évoluer leur rôle dans un sens plus adapté à leur âge et leur organisation ? Le premier frein est évidemment pratique : la peur de perte d’emploi et de salaire. Beaucoup sont prêts à faire tout leur possible pour les conserver lorsque, chez nous, une carrière réussie se traduit par des revenus en hausse continue. Le cumul de charges entre les études des enfants et l’aide de la génération précédente rend ce frein redoutable. En Amérique du Nord, les seniors changent d’emplois et travaillent plus tard et la plupart de leurs enfants financent leurs études par des prêts.
Mais le plus grand frein est, comme pour les organisations, dans l’image que le senior a de lui-même. Sûr de lui, après la quarantaine, il n’imagine pas se remettre en question, changer de voie, encore moins réduire son salaire, à moins d’une crise… Pour se rassurer, le statut que lui confère son rôle social devient un puissant anesthésiant. Dans la plupart des cas, il en néglige souvent ses motivations profondes. Jusqu’au jour où un pépin de carrière, de santé, de famille, ou un burnout le réveillent brutalement.
Accompagner une révolution culturelle
Pourtant si le senior considéré par les « Marketeurs » a 50 ans, ce n’est pas par hasard : c’est à cet âge que se produisent le plus de changements de vie, santé, recherche de qualité et de sens… Les motivations se font alors plus claires. S’y ajoutent disponibilité, méthodes, autorité. La baisse de capacités physiques est compensée par une conscience plus aiguisée ; la productivité est supérieure, car on sait alors utiliser son énergie à bon escient.
C’est tout cela qu’il faut prendre en compte pour déconstruire les schémas mentaux, réduire les coûts financiers et humains et in fine, faciliter l’emploi des seniors. Côté salariés, réfléchir très tôt à son « Why » et à ses forces, valoriser sa capacité à entreprendre ou prendre son futur en main, se libérer de rôles managériaux ou d’expert pour s’orienter vers la transmission, négocier des virages… Coté organisations et directions, aborder la question dans sa multiplicité : différents types de salariés, cadres, dirigeants, techniciens, ouvriers, variété des situations, diversité des motivations ; adapter les réponses en gérant les contradictions internes ; redonner une véritable place à l’innovation en interne, à l’esprit d’entreprendre, aux initiatives. Pour les deux, assurer un accompagnement en profondeur des organisations et des personnes au-delà des outils ou des obligations réglementaires.
Autant de sujets qui relèvent d’une véritable révolution culturelle et donc des DRH. Il faudra bien apprendre à être un jeune grand-père, une jeune grand-mère ! Il faudra aussi apprendre à avoir de jeunes grands-parents !