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Les actions de formation sont présentées par l’article L. 6313-2 comme un « parcours pédagogique permettant d’atteindre un objectif professionnel », définition très large autorisant une plus grande créativité et laissant la part belle aux innovations.
Grâce à cette souplesse, il est donc possible d’organiser au profit des salariés des formations immersives, c’est-à-dire, pour l’expliquer en termes simples, l’acquisition de compétences en se plongeant dans l’action.
Les 3 variétés de formation immersive
Il existe trois possibilités pour faire de l’immersion.
- La première, visée expressément par l’article L. 6313-2, alinéa 2 du Code du travail est l’Action de Formation en Situation de Travail (l’AFEST).
- La deuxième ne fait pas l’objet d’un texte particulier mais il y a tout lieu de penser qu’elle satisfait à la définition de l’alinéa premier cité ci-dessus : c’est celle qui consiste à se former en situation de travail mais sans passer par le déroulé réglementaire prévu pour l’AFEST par l’article D. 6313-3-2.
- La troisième est l’immersion à travers un environnement virtuel : juridiquement, elle répond aux règles de l’article L. 6313-2, alinéa 3 car c’est une forme de formation à distance.
1. L’AFEST ou Action de Formation en Situation de Travail
La Loi Avenir a cherché à libérer les entreprises d’un format trop contraint dans les actions de formation proposées aux salariés, en précisant dans son article R. 6313-1 que « l’action de formation mentionnée au 1° de l’article L. 6313-1 peut être organisée selon différentes modalités de formation permettant d’acquérir des compétences ». Le Décret n° 2018-1341 du 28 décembre 2018 apporte cependant des précisions sur les exigences qui constituent une Action de Formation en Situation de Travail.
L’article D. 6313-3-2 stipule que la mise en œuvre d’une action de formation en situation de travail comprend quatre phases distinctes, indispensables pour faire reconnaître l’AFEST comme telle, et, le cas échéant, obtenir des financements pour des formations dispensées en interne :
« 1° L’analyse de l’activité de travail pour, le cas échéant, l’adapter à des fins pédagogiques ;
« 2° La désignation préalable d’un formateur pouvant exercer une fonction tutorale ;
« 3° La mise en place de phases réflexives, distinctes des mises en situation de travail et destinées à utiliser à des fins pédagogiques les enseignements tirés de la situation de travail, qui permettent d’observer et d’analyser les écarts entre les attendus, les réalisations et les acquis de chaque mise en situation afin de consolider et d’expliciter les apprentissages ;
« 4° Des évaluations spécifiques des acquis de la formation qui jalonnent ou concluent l’action. »
Ainsi, cet éclairage permet de pouvoir faire entrer dans l’AFEST les actions telles que le tutorat, le mentorat ou certains parcours d’intégration nécessitant une formation interne conséquente afin d’adapter le collaborateur à son poste.
On notera le souci du législateur de distinguer les phases réflexives des phases d’évaluation. Ces phases réflexives qui jalonnent le parcours de l’apprenant ont en effet pour but de s’assurer de la compréhension de l’apprenant, d’opérer si nécessaire des réajustements dans le parcours, d’ancrer les apprentissages et de les enrichir, d’analyser les écarts entre les attendus et les réalisations, etc.
Les étapes d’évaluation et de validation des acquis doivent être réalisées en dehors de ces phases.
L’AFEST peut être multimodale et comporter aussi bien des apprentissages sur son poste ou sur un poste aménagé que des situations complémentaires où l’apprenant peut effectuer des recherches dans un centre de ressources, réaliser des entretiens ou suivre des modules de type e-learning. Le droit à l’essai et l’erreur de l’apprenant est fondamental, et le caractère entièrement individualisé de ce dispositif est essentiel pour bien le comprendre et le mettre en œuvre.
Intégrée au plan de développement des compétences de l’entreprise, l’AFEST peut être sanctionnée par une simple attestation de compétence mais aussi être encapsulée dans un parcours de formation certifiant.
2. Faire reconnaître des actions de formations innovantes sans passer par l’AFEST
Au regard de l’essor des technologies et de l’accélération des changements, le législateur a admis que l’action de formation pouvait résulter de méthodes pédagogiques très différentes, ce qui l’a conduit à adopter une définition large de l’action de formation, dans un souci de faciliter l’innovation dans ce domaine : un « parcours pédagogique permettant d’atteindre un objectif professionnel », et pouvant « être organisée selon différentes modalités de formation permettant d’acquérir des compétences. »
Ceci laisse donc, pour l’entreprise, le champ libre à d’autres formats de formation que l’AFEST, qui peut apparaître comme un process trop lourd dans certains cas. Si l’on se réfère à la définition ci-dessus, on peut également considérer comme de la formation d’autres actions immersives innovantes à visée pédagogique, basées sur le concept d’expérience, de « vis ma vie », de pratique concrète et d’adaptative learning (adaptation au rythme de l’apprenant, notamment grâce aux apports de l’IA) : stage dans une autre branche d’activité ou un autre établissement, learning expeditions, design thinking, serious games etc.
Attention, il ne s’agit cependant pas de faire travailler un salarié en décidant de façon discrétionnaire que c’est de la formation, et pour pouvoir faire entrer une action de formation dans le plan de développement des compétences, l’employeur doit pouvoir faire la démonstration des exigences légales énoncées dans sa définition :
- Un objectif professionnel : l’action doit être liée à la situation de travail, être pertinente par rapports aux enjeux actuels et futurs du salarié dans son activité ;
- Un parcours pédagogique : préciser le contenu, le suivi, l’évaluation et la reconnaissance de l’action de formation ;
- Des modalités de formation : exclure la notion de « formation sur le tas » ; s’attacher à définir dans quelles conditions se déroule la formation, le calendrier, les formateurs et/ou tuteurs désignés etc.
- Et bien sûr l’acquisition de compétence, finalité de l’action. Guy le Boterf la définit comme le fait de « savoir agir en situation », allant plus loin que le classique « ensemble de savoirs, savoir-faire et savoir-être »
Afin de renforcer la légitimité de ces formation innovantes, l’employeur peut avoir intérêt à introduire et faire valider ces nouvelles actions de formation par le biais d’un accord d’entreprise :
- soit par la négociation collective ;
- soit par voie unilatérale, après consultation du CSE.
Pourquoi négocier ? Tout d’abord, parce que la négociation a le vent en poupe et qu’en cas de litige, un dispositif négocié sera toujours mieux considéré qu’une décision unilatérale. Mais aussi parce que la discussion avec les syndicats semble de nature à favoriser l’appropriation de ce mode de formation par le personnel. Enfin parce que les partenaires sociaux peuvent enrichir le projet de leurs idées.
Si la négociation n’est pas possible, faute d’interlocuteurs ou d’adhésion des organisations syndicales, une bonne consultation du CSE peut, sans doute, apporter des avantages sinon équivalents, du moins très proches. Rappelons par ailleurs qu’en l’absence d’accord, cette consultation est obligatoire (C. trav., art. L. 2312-8).
3. La formation immersive virtuelle
Après les modules e-learning, puis les MOOC et les SPOOC, de nouveaux acteurs sont entrés sur le marché de la formation digitalisée en tirant parti des outils de réalité virtuelle. Ils proposent à l’apprenant de plonger dans un environnement virtuel conçu pour lui permettre de développer telle ou telle compétence.
Cet environnement virtuel peut être proche de sa situation professionnelle réelle, ou plus éloigné, selon le type d’objectif poursuivi. Il présente l’avantage de se confronter à une multiplicité de situations sans risque pour l’apprenant ou conséquence dans la réalité. Le participant peut s’entrainer à l’aide de jeux de rôles, de casques à réalité virtuelle reliés à des automates, d’environnements virtuels à 360°, de réalité augmentée via son smartphone etc. Grace à l’introduction d’algorithmes qui permettent d’identifier, les acquis et les points de faiblesse, ces nouveaux outils permettent de proposer un parcours auto-adaptatif et personnalisé.
Arguant que pour apprendre, il faut éprouver, et que la mémoire et l’attention ont besoin de nombreux stimuli pour assimiler de nouvelles connaissances de manière optimale, les nouveaux acteurs de l’« immersive learning » introduisent dans certains de leurs modules des scénarii visant à générer de l’émotion ou du jeu (on parle de « gamification »).
Développées dans un premier temps dans les secteurs de l’aviation et de l’activité ferroviaire sur des outils ou des techniques très spécifiques, ces formations se sont rapidement étendues à d’autres disciplines telles que la relation client, la sécurité, le management, la vente, la médecine etc. et peuvent s’adresser aujourd’hui à tout type de secteur ou d’entreprise. Elles proposent de plus en plus de programmes certifiants.
L’inconvénient majeur de ces formations reste le coût, en général plus élevé que pour des formations « classiques », compte tenu des technologies utilisées. Attention également aux impacts sur la santé de certains outils : veillez à vérifier que l’organisme qui organise ces actions est bien reconnu comme un organisme de formation, qualifié pour utiliser les technologies immersives.
A l’heure où l’enjeu des entreprises est de transformer leurs organisations en « écosystèmes d’apprenance » en perpétuelle adaptation, la réforme de la formation professionnelle a ouvert de belles perspectives aux formations immersives. C’est une chance à saisir car les stages de formation « classiques » semblent à bout de souffle et cette forme moderne d’enseignement très près du terrain semble très prometteuse.