CDI de chantier ou d’opération : quelles sont ses particularités ?
Le CDI de chantier ou d’opération est un contrat à durée indéterminée. Il bénéficie donc de l’ensemble des règles applicables aux CDI, en prévoyant un terme au contrat. La rupture n’est pas exactement prévue mais son motif est identifié. A la fin du projet ou du chantier, le contrat sera rompu. Il s’agit alors d’une cause réelle et sérieuse. Pour autant, le régime applicable aux contrats n’est pas celui des CDD mais bien le régime attaché aux CDI.
En ce sens, la rupture du contrat est possible dans les conditions prévues dans le cadre d’un CDI, dit classique. Le salarié peut donc faire l’objet d’un licenciement pour insuffisance professionnelle ou pour faute grave, avant la fin du chantier. Toutefois, il n’est pas possible de conclure une rupture conventionnelle, si l’employeur et le salarié sont d’accord. En effet, ce dernier mode de rupture relève uniquement du CDI « classique ».
Pour faire face à la précarité du CDI de chantier ou d’opération, le législateur a prévu une compensation. Des actions de formation doivent, en effet, être prévues conventionnellement afin de préserver l’employabilité du ou des salariés concerné(s) (C. Trav. Art. L1223-9).
Quelles sont les nouveautés apportées par les ordonnances Macron ?
Il existait initialement les contrats à durée indéterminée de chantier. Mais, seulement certains secteurs étaient concernés. Pour conclure un CDI de chantier, il était nécessaire que l’entreprise évolue dans un domaine, dans lequel le chantier était habituel et conforme à l’exercice régulier de la profession, au 1er janvier 2017. Les deux exemples les plus courants, utilisés pour illustrer ce type de secteur sont le domaine de la construction navale ou encore le bâtiment.
Depuis les ordonnances Macron du 22 septembre 2017, le CDI de chantier peut être prévu par les partenaires sociaux au niveau de la branche. Un accord de branche étendu détermine alors les entreprises concernées et les modalités de ce contrat. Ainsi, les CDI de chantier ou d’opération deviennent un outil que de nombreuses entreprises peuvent déployer (C. trav. art. L 1223-8 et L 1223-9).
Dans l’accord collectif de branche étendu, le régime du CDI de chantier ou d’opération devra être prévu. La branche détermine alors les entreprises concernées, en termes de taille ou d’activité. De même, elle indique les règles d’information à destination des salariés concernés, les contreparties et les engagements de formation à la charge de l’employeur, les règles relatives à sa rupture avant le terme prévu ou encore la rupture du contrat – notamment le montant des indemnités de licenciement.
Existe-t-il des contrats proches du régime du CDI de chantier ?
En droit du travail, le contrat de principe est le CDI temps plein. Il s’agit de la norme. Tous les autres contrats, comme les CDD, les temps partiels, l’intérim… sont des contrats dits « atypiques ». Contrairement au CDI temps plein, Ils nécessitent forcément un écrit.
Concernant le CDD, un motif de recours est exigé et leur nombre est limité. De même, des périodes de carence et une durée maximale doivent être respectés car le CDD répond, en principe, à un besoin non permanent.
Au regard de l’ensemble des motifs de recours, le CDD à objet défini est le CDD qui se rapproche le plus du CDI de chantier ou d’opération. A ce titre, il convient de distinguer le chantier et la mission du salarié. Il est, en effet, possible de recourir à un CDD à objet défini pour mener une mission dans le cadre d’une opération d’envergure. Ce contrat ne pourra excéder 36 mois, dont trois renouvellements maximums. Il est donc probable que la mission d’un salarié se termine alors que le chantier n’est pas terminé. L’employeur pourrait avoir encore besoin des compétences du salarié. Dans ce cas, il aurait été préférable de recourir au CDI de chantier. Il permet ainsi de supprimer ces durées maximales. Il cessera lors de la fin du chantier.
En ce sens, le CDI de chantier ou d’opération permet de lever cette barrière. Aucun motif de recours n’est exigé et il ne comporte pas de durée maximale. Le contrat cessera à la fin effective du chantier.
Quelles sont les clauses du CDI de chantier ou d’opération ?
La rédaction d’un CDI de chantier est libre, en ce sens que le régime du CDI de chantier relève du CDI. Et, le CDI n’exige pas forcément la production d’un écrit. Il reste tout de même préférable d’en prévoir un, qui indique clairement que le contrat est un CDI de chantier ou d’opération, ce qui permet de sécuriser la relation. Il conviendra d’y indiquer les parties au contrat et les obligations et missions de chacune.
A ce titre, la période d’essai doit être prévue par écrit. Elle peut donc être insérée dans ce contrat. De même, il est primordial d’y inscrire une clause de chantier, indiquant clairement le début du chantier ainsi que les modalités de rupture anticipée. Ce document contractuel est, enfin, l’occasion de prévoir des clauses spécifiques, telles que la clause de non-concurrence ou encore la clause de mobilité.
Comment fonctionne le CDI de chantier ou d’opération ?
Le CDI de chantier ou d’opération fonctionne comme un CDI. Le salarié a les mêmes prérogatives que les salariés en CDI. Il doit respecter les décisions unilatérales de l’employeur et les accords et conventions applicables dans l’entreprise ainsi que le règlement intérieur et tout autre décision issue de la Direction. Le salarié doit aussi respecter les règles relatives au temps de travail et tout autre norme applicable- notamment en santé/sécurité.
Il a, en outre, les mêmes droits que les salariés en CDI dit « classique ». Il bénéficiera des différents dispositifs de l’entreprise- notamment dans le domaine de la formation, un droit conventionnel souvent renforcé.
Quelles sont les conditions de rupture du CDI de chantier ou d’opération ?
Le contrat de travail à durée indéterminée de chantier ou d’opération relève des dispositions applicables au CDI. La rupture suit donc la procédure classique prévue pour le contrat à durée indéterminée.
Lorsque le chantier ou l’opération arrive à terme, le licenciement du salarié peut être organisé. En effet, la fin de chantier ou d’opération constitue une cause réelle et sérieuse pour le licenciement. Le chantier ou l’opération doit alors être terminé de manière effective.
Attention ! Dans une affaire récente, un salarié avait conclu avec un employeur un CDI de chantier. Le client avait finalement résilié avant le terme prévu l’opération et l’employeur avait procédé au licenciement. La Cour de cassation a considéré que la résiliation anticipée du contrat ne permettait pas la rupture du CDI de chantier et le licenciement ne reposait donc pas sur une cause réelle et sérieuse.
Depuis les ordonnances Macron, en date du 22 septembre 2017, ce sont les branches qui ont le pouvoir d’organiser les modalités d’une rupture anticipée ; il leur revient donc la charge d’éviter que le salarié et l’employeur ne se retrouvent dans la situation précitée. Si tel n’est pas le cas, la Cour de cassation risque de suivre la décision récente (Cass. soc. 9 mai 2019 n° 17-27493)
Dans l’hypothèse d’une fin de chantier ou d’opération, le salarié est convoqué à un entretien préalable. Lors de cet entretien, l’employeur lui évoquera les motifs retenus pour le licencier et au minimum deux jours plus tard, une notification de licenciement lui sera adressée (C. trav. art. L 1236-8, qui renvoie à C. trav. art. L 1232-2 à L 1232-6).
Lors de cette rupture, il bénéficiera des dispositions légales et/ou conventionnelles relatives au préavis, indemnité de congés payés et de licenciement. A noter que le régime et la rupture de ce type de contrat sont organisés par accord collectif. Il est donc possible pour le salarié de bénéficier de dispositions conventionnelles. Par contre, le salarié ne percevra pas de la prime de précarité même si son contrat engendre une certaine précarité, puisqu’on sait, dès le départ, qu’il cessera à un moment donné. En effet, cette prime de précarité n’est versée qu’aux salariés sous CDD. Or, le CDI de chantier relève des dispositions relatives aux CDI.
Les partenaires sociaux peuvent aussi décider d’introduire de nouvelles obligations dans la procédure de licenciement- notamment en prévoyant une consultation du CSE ou encore l’avis d’une commission paritaire. Par exemple, la convention collective nationale des ouvriers des travaux publics du 15 décembre 1992 prévoit, dans son article l’article 10.7.1., que l’employeur consultera dans les quinze jours qui précèdent l’envoi des lettres de notification de licenciement les représentants du personnel. Cet article précise aussi les différents documents à leur soumettre.
A noter : le licenciement ne pourra être envisagé qu’à la condition que l’employeur ait recherché toute mesure de reclassement. Si celui-ci n’est pas possible et qu’il peut démontrer cette impossibilité, le salarié sera licencié pour motif personnel et non économique. (Cass. soc, 11 avril 2018 n°17-10.899). En outre, le salarié pourra refuser le reclassement proposé par l’employeur. Mais, dans ce cas, il sera licencié pour motif personnel. S’il accepte, un avenant au contrat sera proposé au salarié. Il comportera alors les données suivantes : les modalités d’exécution du contrat, le début du chantier ou de l’opération (C. trav. art. L 1223-9).