La réforme structurelle de la médecine du travail a commencé en 2010. Plusieurs lois, décrets et ordonnances sont venus préciser le rôle du médecin du travail dans les entreprises en 2016, 2017 et 2018. La loi du 8 août 2016 et le décret du 27 décembre 2016 modernisent et apportent notamment d’importants changements dans le suivi de l’état de santé des salariés, à partir du 1er janvier 2017.
À qui bénéficie la médecine du travail ?
La médecine du travail bénéficie à tous les salariés, quelle que soit la taille de l’entreprise. Elle est obligatoirement organisée, sur le plan matériel et financier, par les employeurs et est placée sous la surveillance des représentants du personnel et le contrôle des directions régionales du travail. La loi du 17 août 2015 et la loi « Travail » du 8 août 2016 ont également modifié l’organisation de la médecine du travail : professionnels de santé habilités à réaliser la visite d’embauche, rythme des visites…
Quels sont les services de santé au travail ?
Les services de santé au travail sont représentés et assurés par un ou plusieurs médecins, ayant suivi une spécialité de médecine du travail. Ils sont organisés en fonction de l’importance de l’entreprise (seuils liés au nombre de salariés) :
- soit en service autonome : l’entreprise dispose dans ce cas d’un médecin du travail en permanence, ce service pouvant être un service médical d’établissement, ou bien un service médical du travail inter-établissements. Le service autonome est administré par l’employeur, sous la surveillance soit du comité d’entreprise (service de santé au travail d’entreprise), soit du comité d’établissement (service de santé au travail d’établissement) ;
- soit en service interentreprises, au niveau de plusieurs entreprises, implantées par exemple sur le même bassin géographique ou relevant de la même activité. Concrètement, les visites sont souvent organisées à l’intérieur d’un véhicule équipé qui se déplace d’un site à l’autre. Le service de santé au travail interentreprises est un organisme à but non lucratif qui a pour objet exclusif la pratique de la médecine du travail. Il est structuré en un ou plusieurs secteurs géographiques et parfois professionnels.
En synthèse, on parle de :
- service de santé au travail d’entreprise (au sens strict) lorsque l’entreprise ne compte qu’un seul établissement ;
- service de santé au travail d’établissement lorsque le service est propre à un établissement d’une entreprise qui compte plusieurs établissements ;
- service de santé inter-établissements lorsque le service est commun à plusieurs établissements de la même entreprise ;
- service de santé au travail commun aux entreprises, constituant une unité économique et sociale (UES), créé par loi du 9 novembre 2010 ;
- service de santé interentreprises lorsque le service est commun à plusieurs entreprises distinctes.
L’entreprise peut choisir d’adhérer soit à un service de santé autonome, soit à un service de santé interentreprises lorsque l’effectif de salariés suivis atteint ou dépasse 500 salariés. Lorsque l’effectif de salariés suivis de l’entreprise ou de l’établissement est inférieur à 500 salariés, l’employeur doit adhérer à un service de santé interentreprises.
Chaque service de santé au travail fait l’objet d’un agrément, pour une période de cinq ans, par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) après avis du médecin inspecteur du travail.
Médecine du travail : quelles missions ?
Le médecin du travail a un rôle exclusivement préventif, centré sur la protection de la santé et de la sécurité du salarié au travail et sur la vérification de son aptitude à son poste de travail. Il agit plus largement afin d’améliorer globalement les conditions de travail.
La loi du 17 août 2015 a sensiblement accru les prérogatives du médecin du travail dans le cadre, notamment, de la surveillance des salariés en ce qui concerne leur « santé au travail et leur sécurité et celle des tiers ». Le service de santé au travail peut proposer à l’employeur un organisme compétent en matière de maintien dans l’emploi, « sous-traitant » ainsi l’étude du reclassement des salariés. Et l’employeur doit justifier par écrit son refus de suivre les indications de la médecine du travail. Les liens avec l’inspection du travail sont également renforcés.
Au niveau collectif, le médecin du travail agit sur :
- l’adaptation des postes, des outils, des techniques et des rythmes de travail à la physiologie humaine : aménagement de l’ergonomie des postes de travail pour limiter les efforts physiques (proposition de nouveaux outils ou adaptation d’outils existants…), améliorer les conditions de travail (éclairage, température, bruit, vêtements de protection…), l’organisation du travail (par exemple proposition d’aménagement des horaires en cas de pénibilité importante…) ;
- la protection des salariés contre l’ensemble des nuisances (physiques ou organisationnelles) ;
- la surveillance des conditions d’hygiène au travail (entretien des lieux de travail, aménagement des locaux sanitaires…) ;
- la surveillance de l’hygiène dans les services de restauration ;
- la promotion de la prévention, par exemple en informant sur les troubles musculo-squelettiques, les causes des lombalgies, la nécessité d’utiliser correctement certains équipements de protection individuelle… ;
- la sensibilisation des salariés aux problèmes de santé publique (hygiène alimentaire, obésité, tabac, alcool…) par l’animation de conférences, l’affichage de panneaux d’information, la distribution de fascicules thématiques… ;
- prévenir le harcèlement moral ou sexuel dans l’entreprise.
Au niveau individuel, le médecin du travail a pour mission de :
- donner des conseils de prévention primaire ;
- agir sur le dépistage et la surveillance médicale personnalisée des salariés ;
- exercer un suivi médical des risques potentiels liés au poste de travail, dans le cadre du dossier médical en santé au travail instauré par la loi du 9 novembre 2010 ;
- vérifier l’adéquation entre l’individu et le poste de travail, soit son aptitude médicale ;
- prévenir ou réduire la pénibilité au travail et la désinsertion professionnelle et contribuer au maintien dans l’emploi des travailleurs.
En quoi consiste la visite médicale ?
Il existe plusieurs types de visites médicales pour les salariés :
- la visite d’information et de prévention, qui remplace à présent la visite médicale d’embauche et qui est réalisée, dans certains cas, dans un délai qui n’excède pas 3 mois à compter de l’embauche ;
- le suivi individuel renforcé, qui concerne les salariés exposés à certains risques (amiante, plomb, risque hyperbare, etc.) ;
- les visites de pré-reprise et de reprise de travail ;
- les visites effectuées à la demande de l’employeur, du travailleur ou du médecin du travail ;
- et les examens complémentaires qui peuvent être réalisés ou prescrits par le médecin du travail (par exemple, ces examens peuvent être nécessaires au dépistage d’une maladie susceptible de résulter de l’activité professionnelle du travailleur).
Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles de transformations de postes justifiées par des considérations relatives, notamment, à l’âge, à la résistance physique et à l’état de santé physique et mental des salariés.
S’il constate qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation d’un poste de travail n’est possible et que l’état de santé du travailleur justifie un changement de poste, il déclare le travailleur inapte à son poste de travail. L’avis d’inaptitude comporte alors des indications relatives au reclassement du travailleur.
Dans le cadre du suivi individuel renforcé, le médecin du travail peut remettre un avis d’aptitude ou d’inaptitude au salarié et à l’employeur.
La visite de reprise permet au médecin du travail de vérifier que le salarié a recouvré son aptitude médicale après un arrêt de travail. La visite médicale de reprise est obligatoire après 30 jours d’absence pour maladie, ou en cas d’accident de travail (sachant que souvent les conventions collectives prévoient des délais plus courts), après des absences répétées, une absence pour maladie professionnelle ou un arrêt pour congé maternité. En particulier concernant les accidents de travail, il est préférable d’organiser une visite médicale de reprise quelle que soit la durée de l’arrêt.
Qui rémunère les salariés pendant ces visites ?
Le temps passé par les salariés à ces différentes visites, y compris les examens complémentaires, est assimilé à du temps de travail effectif. Ainsi, il doit être, soit pris sur le temps de travail avec un maintien de la rémunération, soit rémunéré comme du temps de travail normal si les visites ont lieu en dehors du temps de travail. Les frais de transport nécessités par les examens médicaux doivent être pris en charge par l’employeur.
Quelles sont les obligations de la médecine du travail ?
Concernant ses obligations générales, le médecin du travail doit :
- se consacrer à sa mission en milieu de travail au moins 1/3 de son temps de travail ;
- entretenir et perfectionner ses connaissances ;
- garder le secret professionnel concernant le dispositif industriel, les techniques de fabrication et la composition des produits employés ou fabriqués ayant un caractère confidentiel.
Concernant ses obligations administratives, le médecin du travail doit produire chaque année :
- Un rapport annuel d’activité : le rapport annuel d’activité est présenté par le médecin du travail à l’organisme de contrôle du service de santé au travail, au plus tard le 30 avril de chaque année. L’employeur transmet, dans le mois qui suit cette présentation, un exemplaire du rapport annuel d’activité accompagné des observations formulées par l’organisme de contrôle, soit aux inspecteurs du travail, soit aux directeurs régionaux du travail et de l’emploi, selon le cas, ainsi qu’aux médecins inspecteurs régionaux du travail. Dans les entreprises ou établissements employant plus de 300 salariés, le médecin du travail établit un rapport annuel propre à l’entreprise ou l’établissement, transmis exclusivement au comité d’entreprise ou d’établissement et au CHSCT.
- Un plan d’activité en milieu de travail qui porte sur les risques, les postes et les conditions de travail : ce plan prévoit notamment les études à entreprendre ainsi que le nombre et la fréquence minimum des visites des lieux de travail, dans la ou les entreprises dont le médecin a la charge. Il s’agit d’une rubrique du rapport annuel d’activité.
- Une fiche d’entreprise, sur laquelle sont consignés notamment les risques professionnels et les effectifs de salariés exposés à ces risques. La fiche d’entreprise est transmise à l’employeur et tenue à la disposition de l’inspecteur du travail et du médecin inspecteur régional du travail. Elle est présentée au CHSCT en même temps que le bilan annuel.
Exerçant une médecine préventive, le médecin du travail ne dispense pas de soins, sauf urgence. Par ailleurs, il ne peut procéder à des vaccinations que sous certaines conditions (liaison directe avec le travail, notamment).
Quels sont les recours possibles contre les avis de la médecine du travail ?
Si le salarié ou l’employeur souhaite contester les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail, ils peuvent saisir le conseil de prud’hommes dans les 15 jours suivant leur notification.
Le conseil de prud’hommes peut consulter le médecin-inspecteur du travail. Le médecin du travail est informé de la contestation et peut être entendu par le médecin-inspecteur du travail.
Quels sont les moyens de la médecine du travail ?
La médecine du travail dispose de plusieurs droits spécifiques :
- droit d’accès aux lieux de travail ;
- droit de se faire communiquer les documents de contrôles techniques (attestations, consignes, registres, résultats et rapports relatifs aux vérifications et contrôles mis à la charge des employeurs au titre de l’hygiène et la sécurité au travail) ;
- droit d’effectuer ou faire effectuer des prélèvements et mesures à fin d’analyse, participer à toute recherche, étude et enquête entrant dans le cadre des missions qui lui sont confiées.
Le médecin du travail s’appuie sur un accès à une documentation spécifique qui doit être tenue à sa disposition par l’employeur :
- les résultats d’analyses, de prélèvements et de mesures (mesures de bruit, rapport des services vétérinaires…) ;
- la communication des résultats de vérification ou des contrôles mis à la charge de l’employeur au titre de l’hygiène et de la sécurité au travail (rapports de vérification des installations électriques, des appareils de levage, analyses d’atmosphère susceptibles de contenir des produits toxiques, explosifs…) ;
- le registre des contrôles techniques de sécurité (attestations diverses, résultats et rapports en matière de sécurité…) ;
- les fiches de données de sécurité (FDS) concernant les substances et préparations dangereuses ;
- le document unique d’évaluation des risques ;
- le bilan social (obligatoirement élaboré chaque année dans les entreprises occupant au moins 300 salariés) ;
- le registre des mises en demeure et observations de l’inspection du travail (à conserver 5 ans) ;
- le registre des accidents de travail bénins ;
- le registre des avis et observations du CHSCT sur les dangers graves et imminents;
- le registre d’observation des chantiers ;
- les fiches de description de poste (si elles existent dans l’entreprise) ;
- le règlement intérieur.
Le médecin du travail doit, de son côté, tenir à jour les documents suivants :
- un dossier médical constitué pour chaque salarié ;
- une fiche d’entreprise, avec la mention des risques professionnels et des effectifs exposés, transmise à l’employeur et tenue à la disposition de l’inspection du travail, du CHSCT et de la caisse régionale d’assurance maladie (CARSAT) ;
- le plan d’activité en milieu de travail qui porte sur les risques, les postes et les conditions de travail (ce plan prévoit notamment les études à entreprendre, ainsi que le nombre et la fréquence minimum des visites des lieux de travail) ;
- un rapport d’activité annuel (composé d’une partie médicale et d’une partie relative à l’action du médecin du travail sur le milieu de travail).
Il est recommandé de conserver tous ces documents au sein de l’entreprise durant 5 ans.
Quelles sont les protections offertes par le statut du médecin du travail ?
Médecin spécialisé, le médecin du travail est lié par un contrat de travail au service de santé qui l’emploie. Afin d’assurer son indépendance, le médecin du travail bénéficie d’un statut particulier :
- Les nominations et changements de secteur se font avec l’accord de l’organisme de contrôle du service de santé au travail ou, à défaut, sur décision conforme de l’inspecteur du travail.
- Le refus par le médecin du changement de secteur constitue une modification du contrat de travail, l’employeur qui maintient sa décision doit donc le licencier.
- Le licenciement est subordonné à la consultation du CE et à l’autorisation de l’inspecteur du travail.
- Le recours au travail intérimaire pour remplacer un médecin du travail est interdit.
Médecin du travail : qui sont ses partenaires ?
Le service du personnel, le service social du travail, les caisses de Sécurité sociale, les médecins spécialistes, les laboratoires sont des partenaires naturels du médecin du travail. Les services de santé au travail peuvent faire appel soit aux compétences des ingénieurs conseils des CARSAT, des médecins inspecteurs du travail ou de l’agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT), soit à des personnes ou à des organismes dont les compétences dans ces domaines sont reconnues par ces mêmes organismes (ex. : ergonomes, ingénieurs…).