L’enjeu de la notion de travail effectif
Lorsque l’on s’interroge sur la durée du travail, il convient de déterminer les temps à prendre en considération pour apprécier le nombre d’heures travaillées par les salariés. Cela renvoie donc à la notion de travail effectif qui est centrale pour apprécier le temps de travail réalisé par un salarié et veiller au respect des dispositions légales, l’obligation de sécurité de résultat passant par le respect de l’ensemble de la réglementation liée à la durée du travail.
C’est donc un sujet particulièrement sensible en cas de contrôle par un inspecteur du travail.
Par ailleurs, c’est sur cette base que sont appréciés :
- la réalisation et le décompte d’heures supplémentaires et donc l’impact sur la rémunération ;
- le respect des durées maximales du travail et des durées minimales de repos;
- le droit à congés payés ;
- l’ancienneté ;
- le droit et le montant de l’intéressement et de la participation ;
- la condition minimale d’activité pour bénéficier des prestations de sécurité sociale.
La notion de travail effectif
La notion de travail effectif ne signifie pas temps de présence dans l’entreprise mais toute période pendant laquelle le salarié est à disposition de l’employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.
Trois conditions cumulatives permettant de considérer comme temps de travail effectif celui pendant lequel le salarié participe de façon effective à l’activité de l’entreprise excluant donc les temps où il est inactif et reste libre de gérer son temps comme il l’entend. De fait, il y a temps de travail effectif dès lors que le salarié accomplit des tâches s’inscrivant dans ses activités professionnelles et pour lesquelles il est rémunéré peu importe qu’il soit ou non présent dans l’entreprise.
C’est le cas, par exemple, en cas de télétravail, d’astreinte depuis son domicile ou de temps de trajet pour se rendre sur son lieu de travail dans le cadre d’une astreinte ou d’un temps de trajet entre deux lieux de travail. Par ailleurs, la Cour de cassation a jugé que si le salarié, un chauffeur livreur doit procéder, sur ses temps de coupures, à des opérations de chargement et de déchargement, il doit obtenir la requalification de ces temps de pause en travail effectif (Cass. soc., 18 mars 2015, n°13-23728).
En revanche, si certains temps de pause ou de repas font l’objet, de par des dispositions conventionnelles, d’une rémunération, cela n’emporte pas leur intégration dans le décompte de la durée du travail.
Les temps assimilés à du travail effectif pour le décompte du temps de travail
En revanche, il existe des temps périphériques à l’activité professionnelle et pas nécessairement productifs qui, pour certains, sont assimilés légalement à du temps de travail effectif alors que d’autres ne le sont pas.
En revanche, certaines absences sont assimilées à du temps de travail effectif non pas pour l’appréciation de la durée du travail mais pour le droit aux congés payés. C’est notamment le cas pour les absences suivantes :
Temps liés à l’activité professionnelle |
Assimilé à du travail effectif au titre de la durée du travail |
Non assimilé à du travail effectif mais donnant lieu éventuellement à une compensation |
Actions de formation s’inscrivant dans le plan de développement des compétences et se déroulant sur le temps de travail |
X |
|
Les visites médicales auprès du service de santé au travail |
X |
|
Les heures de délégation des représentants du personnel |
X |
|
Les contreparties obligatoires |
X |
|
Les congés pour évènements familiaux |
X |
|
Les jours fériés |
|
X sauf pour le droit à congés payés |
Les temps d’habillage et de déshabillage si la tenue est imposée par des dispositions légales, réglementaires ou issues du règlement intérieur et que l’opération doit être réalisée sur place. |
|
X avec contrepartie en repos ou financière fixée par vos soins |
Les temps de douche si des travaux insalubres ou salissants sont effectués dans l’établissement |
|
X générant une contrepartie obligatoirement financière déterminée par l’entreprise. |
Les temps de pause et de restauration |
|
X |
Les temps de trajets entre le domicile et le temps de travail |
|
X mais si, compte tenu de son activité professionnelle, certains trajets dépassent le temps habituel de trajet du salarié, une contrepartie en temps ou en argent doit être octroyée selon des règles fixées par l’entreprise. |
L’astreinte |
Seulement le temps d’intervention et le temps de trajet |
X mais une contrepartie doit être versée pour compenser la sujétion de demeurer à proximité pour être rapidement disponible |
- congés payés de l’année précédente ;
- jours de RTT ;
- jours fériés ;
- contrepartie obligatoire en repos ou repos compensateur de remplacement ;
- congé maternité, d’adoption, de paternité ou d’accueil de l’enfant;
- congés pour événements familiaux ;
- arrêt de travail lié à un accident du travail ou à une maladie professionnelle dans la limite d’une durée ininterrompue d’un an.
Les spécificités de l’astreinte
Il s’agit d’une organisation du travail permettant de gérer des interventions de maintenance, de réparation de matériel ou destinées à assurer la continuité du service ou de la production, lors d’éventuels incidents intervenant la nuit ou le week-end. Ce dispositif peut être mis en place par accord d’entreprise ou décision unilatérale de votre part pour en prévoir l’organisation et les contreparties.
Pendant l’astreinte, le salarié n’est pas sur son lieu de travail, ni à votre disposition permanente et immédiate, mais doit être en mesure d’intervenir pour effectuer un travail indispensable à l’activité de l’entreprise, sans qu’il ne soit plus légalement exigé qu’il demeure à son domicile ou à proximité.
La période d’astreinte ne doit pas être considérée comme du temps de travail effectif si le salarié n’est pas à votre disposition pendant cette période et peut vaquer librement à des occupations personnelles. Elle suppose néanmoins l’octroi d’une compensation patronale en repos ou financière, au titre des contraintes qu’elle représente, sans qu’aucun minimum légal ne soit pour autant prévu. En revanche, si le salarié est amené à intervenir sur le lieu de travail, la période d’intervention et le temps de trajet pour s’y rendre et en revenir doivent être considérés comme du temps de travail effectif et rémunérée comme tel. Cela peut impliquer la réalisation d’heures supplémentaires et donc leur paiement. Par ailleurs, il convient que vous veillez, malgré ces temps d’intervention, au respect des temps de repos quotidien et hebdomadaire qui doivent être continus. Cela peut supposer de revoir les plannings d’activité du service pour éviter d’engager votre responsabilité pénale.
L’importance d’effectuer un contrôle de la durée du travail
Pour s’assurer de la réalisation des heures de travail, de la rémunération due, du respect des durées maximales de travail et minimales de repos et au-delà garantir la sécurité des salariés, vous devez mettre en place un système de contrôle de la durée du travail et, en rendre compte, le cas échéant, en cas de contrôle de l’inspection du travail.
Lorsque l’horaire est collectif et que vous n’avez pas mis en œuvre un système d’aménagement du temps de travail, vous n’êtes pas obligé de mettre en place un dispositif de contrôle, l’affichage de l’horaire sur le lieux de travail étant suffisant. En revanche, vous devez tenir un décompte individuel de la durée travaillée dans les situations suivantes :
- si certains salariés travaillent à temps partiel ;
- si l’horaire est organisé selon des modalités particulières (travail par relais, par cycles, aménagement sur plusieurs semaines, modulation…) ;
- si l’horaire est individualisé ;
- si des salariés accomplissent des heures supplémentaires ou complémentaires
- si des salariés effectuent des astreintes.
Le non-respect de cette obligation est puni d’une peine d’amende (contravention de 4e classe : 3 750 € d’amende par infraction constatée).
Il y a deux façons de décompter la durée du travail :
- soit enregistrer la durée quotidienne de travail
- soit indiquer les heures de début et de fin de la journée de travail en indiquant les pauses et temps de repas.
Sachant que dans les deux cas un récapitulatif hebdomadaire est réalisé.
Le décompte quotidien comme le décompte hebdomadaire peuvent s’effectuer par tout moyen (enregistrement informatique via une pointeuse ou un dispositif installé sur le poste des salariés ou enregistrement manuel via un document rempli par vous ou le salarié et contresigné). Si vous pouvez demander à vos salariés d’établir eux-mêmes ce récapitulatif, vous restez pénalement responsable en cas de mauvaise exécution de leur part. Il vous appartient donc de vérifier les informations qui y sont portées car si vous ne les contestez pas, vous êtes supposé leur avoir donné votre accord implicite comme en matière d’heures supplémentaires. S’il s’agit d’un système informatisé, le dispositif doit être infalsifiable. En revanche, l’entreprise n’est plus contrainte d’effectuer une déclaration préalable auprès de la CNIL mais vous devez vous conformer aux principes posés par cette dernière, en cas de contrôle. S’il s’agit d’un système manuel, vous êtes libre du support utilisé pour autant que vous garantissiez toujours sa non falsification.
Ensuite vous devez, pendant 1 an, tenir à la disposition de l’inspecteur du travail tous les documents de comptabilisation de la durée du travail. Néanmoins, le délai de prescription des actions en paiement des salariés étant de 3 ans, il est vivement conseillé de conserver ces documents durant ce même délai. La non-présentation des documents, en cas de contrôle constitue une infraction, sanctionnée d’une peine d’amende au titre d’une contravention de 3e classe, soit 450 € pour une personne physique ou 2 250 € pour une personne morale.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier que les documents de contrôle de la durée du travail doivent aussi être tenus à la disposition des contrôleurs Urssaf.
Durée du travail : les sources juridiques
- Articles L 3121-1 à 12 du Code du travail
- Article L 3141-5 du Code du travail