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Cette exigence explique la portée de nombreuses décisions de jurisprudences du Conseil d’Etat. Ainsi dans son arrêt Winkell de 1909, la haute juridiction administration a pu préciser que la grève serait un acte entrainant une rupture du contrat de travail, position qui fut abandonnée dans l’arrêt de 1937 Demoiselle Minaire dans lequel le Conseil d’Etat (CE) précise que « En se mettant en grève, les agents préposés au service public (…) se placent eux-mêmes, par un acte collectif, en dehors de l’application des lois et règlements ».
Avec le bloc de constitutionnalité et notamment le préambule de 1946, les données juridiques sont redistribuées puisqu’il est désormais prévu que « le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ».
Droit de grève : un cadre réglementaire très précis
Il résulte ainsi de la norme constitutionnelle qu’il revient au législateur de poser les règles et les contours de l’exercice du droit de grève dans la fonction publique. Cette compétence législative s’est traduite par différentes lois qui se sont données pour objectif d’encadrer le droit de grève.
Participent également de ce mouvement tendant à mieux réguler le droit de grève, les juridictions de l’ordre suprême que sont le juge administratif et le juge constitutionnel qui ont précisé comment le droit de grève pouvait se concilier avec les exigences d’une des lois de Rolland, la continuité du service public.
Le législateur au nom de la sauvegarde de la continuité du service public est intervenu par la loi du 31 juillet 1963 qui interdit deux modalités de la grève dans les services publics :
- la grève surprise qui se définit comme un mouvement déclenchée inopinément et sans préavis ou avertissement
- la grève-tournante dont les caractéristiques sont qu’elle affecte de façon continu soit les différentes catégories socio- professionnelles d’un même secteur ou d’une même entreprise, soit les différents secteurs d’un service ou d’un établissement.
Elle oblige notamment les organisations représentatives du personnel les plus représentatives au plan national à déposer auprès de leur employeur un préavis de 5 jours francs. La pratique ayant révélé qu’il était envisageable de surmonter ces règles en déposant de façon répétée des préavis successifs, la loi du 30 septembre 1986, relative à la liberté de communication a prévu qu’une organisation syndicale ne pouvait pas annoncer le dépôt d’un nouveau préavis de grève avant l’expiration du délai de préavis initial.
Puis avec la loi du 31 décembre 1984 le domaine de la réglementation de la navigation aérienne a été réglementé avec l’organisation d’un service minimum.
De la même façon, la loi du 30 septembre 1986 instaure l’organisation d’un service minimum de la radio et de la télévision.
Depuis lors, d’autre lois sont intervenues comme la loi du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs dont l’objectif, afin de prévenir une paralysie des transports, est de garantir, en cas de grève, un service minimum, ce qui permet d’apporter une réponse adaptée et proportionnée aux besoins prioritaires des passagers.
Un droit de grève proscrit pour certaines catégories d’agents publics
Par ailleurs en raison du caractère régalien de leurs fonctions, des dispositions législatives sont intervenues pour proscrire le droit de grève à certaines catégories d’agents publics investies de fonction d’autorité comme les magistrats judiciaires, les militaires d’active ou de réserve, les personnels de la police nationale, ceux de l’administration territoriale pénitentiaire.
Dans la palette des mesures destinées à trouver un équilibre toujours difficile à atteindre, le législateur a autorisé dans certains cas, la faculté pour l’administration de faire usage de la prérogative de réquisition de personnels en cas de grève, bien que pour des motifs compréhensibles liées à l’apaisement des tensions susceptibles de naître en pareille circonstances, des raisons objectives justifieront un renoncement à toute mise en œuvre de ce pouvoir exorbitant de l’administration.
Grève des agents : les impacts sur le traitement
La grève n’est pas neutre pour l’agent public qui s’il souhaite user de son droit de grève perd son droit au traitement après service fait. Ainsi tout mouvement entrainant une interruption de travail d’une durée inférieure à une journée entraine une retenue sur traitement connue sous le nom de la règle du 30eme indivisible appliquée à la rémunération mensuelle de l’agent public. Il appartient à l’employeur de répertorier et de dresser la liste des agents absents le jour de la grève et d’en tirer les conséquences sur la rémunération.
Droit de grève et ordre public
En période de crise, le législateur peut aussi décider de limiter le droit de grève en instituant des règles interdisant la tenue de rassemblements ou de manifestations qui seraient de nature à troubler le fonctionnement des services et à porter atteinte à l’ordre public. C’est le cas par exemple lorsqu’est déclarée l’état d’urgence qu’organise la loi de 1955. Dans ce mouvement de régulation du droit de grève, il faut aussi mentionner le rôle complémentaire des différentes juridictions de l’ordre national.
Ainsi, le Conseil d’Etat dans sa décision Dehaene du 7 juillet 1950 juge qu’en l’absence de loi le réglementant, il appartient aux chefs de service de prendre les mesures permettant d’organiser le droit de grève des fonctionnaires et la continuité du service public. Le conseil constitutionnel a consacré quant à lui la valeur constitutionnelle du droit de grève par une décision du 25 juillet 1979. Il y a lieu d’indiquer que la protection constitutionnelle dont bénéficie la santé publique ou la sécurité des personnes et des biens, constitue aussi une limite l’exercice du droit de grève.
La jurisprudence du Conseil d’Etat en matière d’application du droit de grève est constante et nuancée (CE 1998 Rosenblatt). Le regard juridictionnel sur l’exercice du droit de grève tient compte des contraintes et de l’importance des activités du service, ce qui conduit à une vérification in concreto des limites apportées au droit de grève par les autorités hiérarchiques afin que les mesures qu’elles prennent soient proportionnées aux nécessités de la sauvegarde de l’ordre public. Si les chefs de services peuvent interdire le droit de grève à certains agents d’autorité ou prévoir un service minimum dans des secteurs économiques (radio, télévision, navigation aérienne, transport ferroviaire), ils ne peuvent décider par voie de mesures trop générales ou restrictives, lesquelles auraient pour effet de neutraliser les conditions substantielles d’exercice du droit de grève.
La grève « sur le tas » interdite
La jurisprudence administrative s’est prononcée sur certaines modalités de la grève qui ne peuvent être admises. Elle a par exemple interdit la grève « sur le tas », c’est-à-dire celle qui s’accompagne de l’occupation des lieux de travail (CE 1966 Legrand). Le conseil constitutionnel ouvre expressément au législateur la possibilité de prendre les mesures propres à prévenir le recours répété par les mêmes personnels à des arrêts de travail de courte durée affectant anormalement le fonctionnement régulier des services publics (CC 28 juillet 1987).
Des voies de recours possibles pour les agents grévistes
Les voies de recours contre les décisions qui affectent le droit de grève ou les conditions d’exercice de celui-ci existent devant les juridictions civiles ou administratives. Dans l’hypothèse d’une atteinte au droit de grève, une organisation syndicale, un gréviste de la fonction publique peut déposer un référé liberté auprès de la juridiction administrative. Le droit de grève présente en effet le caractère d’une liberté fondamentale au sens de l’article L521-2 du code de justice administrative. (CE 9 décembre 2003).
La Cour de cassation reconnait au juge judiciaire des référés le pouvoir de suspendre le préavis de grève et de ce fait d’interdire temporairement la grève, quand cette dernière serait de nature à entrainer un « trouble manifestement illicite » (Cour de cassation 4 juillet 1986, Syndicat national des officiers mécaniciens navigants c/ Air France).