Partager la publication "La délégation de pouvoirs : définition, modalités de mise en œuvre, incidences en droit social"
Pour être valable, la délégation de pouvoirs doit répondre à des conditions strictes.
Toutefois, en l’absence de dispositions légales expresses encadrant la délégation de pouvoir, c’est la jurisprudence qui est venue préciser au fil du temps ses conditions de validité.
Nous tenterons dans ce dossier de répondre aux principales questions que l’on peut se poser sur la délégation de pouvoirs :
- Qu’est-ce qu’une délégation de pouvoirs ?
- Qui peut faire une délégation de pouvoirs ?
- Qui peut être désigné comme délégataire ?
- Quelles sont les principales mentions de la délégation de pouvoirs ?
- Quelles sont les incidences de la délégation de pouvoirs en droit social ?
Qu’est-ce qu’une délégation de pouvoirs ?
La délégation de pouvoirs est un contrat par lequel une personne (appelée le délégant) délègue certains de ses pouvoirs à une autre personne (appelée le délégataire). La délégation de pouvoirs n’entraîne pas de changement de dirigeant. Elle permet simplement au délégataire d’accomplir un acte ou un certain nombre d’actes déterminés au nom de la société.
Il faut faire attention à ne pas confondre les termes « délégation de pouvoirs » et « délégation de signature ».
En effet, la délégation de signature est le fait pour le dirigeant d’autoriser une autre personne à signer certains actes en son nom. Dans cette situation, le dirigeant reste alors le représentant de la société. En revanche, lors d’une délégation de pouvoirs, le délégataire détient le pouvoir de représenter la société. Il peut donc signer des actes en son nom et engager la société.
Qui peut faire une délégation de pouvoirs ?
Par principe, la délégation de pouvoirs est réservée aux dirigeants de société qui ne sont pas en mesure de gérer personnellement toutes leurs missions. Il n’existe aucun seuil minimal (en effectif, chiffre d’affaires, masse salariale, etc.) justifiant la mise en place d’une délégation de pouvoirs par le dirigeant.
En cas de litige, les juges apprécient donc souverainement et au cas par cas si la délégation de pouvoir pouvait ou non être mise en place. Pour juger, les critères suivants sont retenus :
- la nature de l’activité ;
- la complexité de l’entreprise ;
- l’existence d’un ou plusieurs établissements et leur éloignement ;
- le nombre de salariés, etc.
Si à la vue de ces critères, les juges considèrent que la délégation de pouvoirs a été mise en place pour que le dirigeant échappe à ses responsabilités, alors elle devient sans effet.
Qui peut être retenu comme délégataire ?
Le délégant ne peut pas choisir n’importe quel délégataire.
En effet, le délégataire doit nécessairement répondre à certaines conditions cumulatives. Ainsi, le délégataire doit obligatoirement :
- appartenir à l’entreprise : dès lors toute délégation de pouvoirs consentie à un tiers à l’entreprise est nulle ;
- être placé dans une situation de subordination juridique vis-à-vis du chef d’entreprise ;
- avoir les compétences nécessaires : les connaissance techniques correspondant au domaine ou aux missions qui lui ont été déléguées mais aussi l’expérience professionnelle ;
- avoir l’autorité suffisante : le pouvoir de donner des ordres et de les faire exécuter ;
- avoir les moyens nécessaires pour la réalisation de la mission donnée par la délégation, que ce soient les moyens matériels ou financiers.
Quelles sont les principales mentions de la délégation de pouvoirs ?
Aucun texte n’impose de forme particulière pour la délégation de pouvoirs. Il est toutefois fortement conseillé de rédiger cette délégation de pouvoirs par écrit.
Par ailleurs, pour être valable et emporter transfert de responsabilités, la délégation de pouvoirs doit mentionner les éléments suivants :
Identifier le délégant et le délégataire
La délégation de pouvoir doit expressément mentionner les noms, les prénoms et les qualités du délégant et du délégataire.
Déterminer la durée de la délégation de pouvoir
La délégation de pouvoirs ne peut pas être illimitée dans le temps. Toutefois, elle doit avoir une durée suffisamment longue pour que le délégataire puisse mettre en œuvre les moyens nécessaires à la réalisation de ses missions.
Détailler les domaines de la délégation de pouvoirs
La délégation de pouvoirs peut concerner différents domaines :
- l’hygiène et la sécurité,
- la gestion du personnel,
- les relations avec les représentants du personnel
- la durée du travail,
- l’accomplissement des formalités liées à l’embauche de travailleurs étrangers,
- …
Cette liste doit être précise. En effet, le délégataire doit connaître précisément ce qu’il est autorisé à faire.
Une délégation de pouvoirs trop générale ou totale n’est pas reconnue valide par les juges. En effet, une délégation de pouvoirs ne peut avoir pour effet d’entraîner un abandon complet de responsabilité du dirigeant.
Par ailleurs, le modèle de délégation de pouvoirs doit détailler les moyens mis à la disposition du délégataire pour qu’il puisse effectuer ces pouvoirs.
Enfin, la délégation de pouvoirs doit avoir une durée suffisamment longue. En effet, compte tenu des missions confiées au délégataire, ce dernier doit disposer du temps nécessaire à la mise en œuvre de la réalisation de celles-ci. Dès lors, la délégation de pouvoirs non permanente ou confiée par intermittence est considérée comme nulle par les juges.
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DÉLÉGATION DE POUVOIR
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- Sécuriser la mise en place des délégations de pouvoirs au sein de l’entreprise.
- Connaître les conditions de validité d’une délégation de pouvoirs.
- Rédiger efficacement l’acte de délégation.
Quelles sont les incidences de la délégation de pouvoirs en droit social ?
Dès lors que les conditions de validité de la délégation de pouvoirs sont remplies, cette dernière transfère sur le délégataire toutes les obligations auxquelles le dirigeant était tenu.
Ainsi, dans le cadre des actes accomplis en vertu de la délégation, le délégataire peut engager sa responsabilité civile et sa responsabilité pénale. En effet, le délégataire devient donc responsable en lieu et place du délégant.
À noter. La responsabilité du délégataire peut être engagée qu’il ait ou non effectivement commis l’infraction. Par exemple, la responsabilité du délégataire a été reconnu pour une infraction commise durant ses congés. Les juges ont en effet considéré que le délégataire aurait dû préciser les règles à suivre et prévoir les moyens nécessaires à la prévention des infractions dans les domaines délégués (Cass. Crim 17 juin 2006, n° 95-83 010).
Toutefois, le délégataire pourra être exonéré de sa responsabilité pénale dans les circonstances suivantes :
- si la responsabilité du délégant peut être engagée (par exemple, si le délégant a personnellement participé à l’infraction, si le délégant a commis une faute distincte de celle du délégataire, etc.) ;
- si la responsabilité de la personne morale peut être engagée (par exemple, en cas d’organisation défectueuse de l’entreprise, etc.).
Enfin, précisons que la délégation de pouvoirs n’a pas obligatoirement d’incidences sur la rémunération du dirigeant. En effet, le dirigeant peut garder la même rémunération sans que celle-ci soit diminuée. Au contraire, le délégataire bénéficie souvent d’une augmentation de sa rémunération