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Procédure contentieuse : Conseil d’Etat 18 juin 2018 M. A B n° 413619
Contestation d’une décision juridictionnelle infligeant une amende pour recours abusif :
Par une décision en date du 18 juin 2018, le Conseil d’Etat juge que l’Etat peut être regardé comme partie perdante dans une instance juridictionnelle, et condamné aux frais de justice non compris dans les dépens prévus à l’article L.761-1 du code de justice administrative alors même que le juge administratif dispose d’un pouvoir propre lui permettant de prononcer une amende pour recours abusif à l’égard d’une partie à l’instance.
Les faits à l’origine de cette affaire se fondent sur la décision du préfet des Bouches-du-Rhône d’accorder le concours de la force publique en vue de l’expulsion d’un locataire. Ce dernier a saisi, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative relatif au référé-suspension, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille d’une demande tendant à la suspension de l’exécution de cette décision. Sa demande ayant été rejetée, l’intéressé a présenté une demande ayant le même objet sur le fondement de l’article L. 521-2 du même code relatif au référé-liberté, laquelle a été rejetée par une ordonnance du 31 juillet 2017, le juge des référés condamnant le requérant à une amende pour recours abusif d’un montant de 1 500 euros sur le fondement de l’article R. 741-12 du code de justice administrative.
Le pourvoi en cassation contre cette ordonnance ayant été admis par le Conseil d’Etat, sur l’ordonnance du juge de première instance condamnant le requérant à une amende pour recours abusif, la haute juridiction s’est prononcée sur ce point par une décision du 11 avril 2018, en relevant que le locataire ayant invoqué, à l’appui de sa seconde demande en référé, un moyen nouveau tiré de la violation de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, juge que sa demande n’était pas abusive et annule pour erreur de qualification juridique sa condamnation par le juge des référés à une amende pour recours abusif. Le requérant ayant obtenu le bénéfice de l’aide juridictionnelle, son avocat pouvait donc se prévaloir des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative relatif aux frais non compris dans les dépens et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 permettant à l’avocat de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat.
Procédure contentieuse CE 25 juin 2018 Société L’Immobilière groupe Casino n° 416720
Faculté pour le juge de demander à l’une des parties de produire un mémoire récapitulatif
La décision du Conseil d’Etat du 25 juin 2018 précise les pouvoirs du juge administratif dans la conduite de l’instruction d’une affaire. Celui-ci dispose de la faculté de demander un mémoire récapitulatif dès lors que le dossier comporte un autre mémoire outre la demande au tribunal ou la requête d’appel. Le Conseil d’Etat précise par ailleurs le contrôle qu’il effectue en cassation de l’ordonnance prenant acte du désistement d’office du requérant n’ayant pas produit le mémoire récapitulatif demandé.
En l’espèce, la société requérante a saisi le tribunal administratif de Lyon d’une demande tendant à la décharge de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères qu’elle a acquittée au titre de l’année 2013 à raison d’un immeuble dont elle était propriétaire dans la commune de Villefranche-sur-Saône. L’administration fiscale et la communauté d’agglomération Villefranche Beaujolais Saône ont présenté chacune un mémoire en défense enregistré au greffe du tribunal. Par un courrier, notifié par la voie de l’application informatique Télérecours et dont le conseil de la société requérante a accusé réception le même jour, le premier vice-président du tribunal administratif de Lyon a demandé à la société requérante, sur le fondement du second alinéa de l’article R. 611-8-1 du code de justice administrative, de produire, dans un délai d’un mois, un mémoire récapitulatif, en précisant, d’une part, que les conclusions et les moyens qui ne seraient pas repris dans ce mémoire seraient réputés abandonnés et, d’autre part, qu’à défaut de production de ce mémoire dans le délai imparti, elle serait réputée s’être désistée de sa requête. La société n’ayant pas répondu à cette demande dans le délai fixé, le premier vice-président du tribunal administratif de Lyon a donné acte de son désistement.
Saisi en cassation, le Conseil d’Etat indique qu’à l’occasion de la contestation de l’ordonnance prenant acte du désistement d’un requérant en l’absence de réponse à l’expiration du délai qui lui a été fixé pour produire un mémoire récapitulatif, il incombe au juge, saisi de moyens en ce sens, de vérifier que l’intéressé a reçu la demande mentionnée par les dispositions de l’article R. 611-8-1 du code de justice administrative, que cette demande fixait un délai d’au moins un mois au requérant pour répondre et l’informait des conséquences d’un défaut de réponse dans ce délai, enfin que le requérant s’est abstenu de répondre en temps utile.
En revanche, ne peuvent être utilement discutés les motifs pour lesquels le juge, auquel il incombe de veiller à une bonne administration de la justice, estime qu’il y a lieu de demander à l’une des parties de produire un mémoire récapitulatif, et qu’il n’est tenu d’indiquer ni dans la demande adressée au requérant, ni dans l’ordonnance par laquelle il prend acte, le cas échéant, de son désistement.
Le Conseil d’Etat précise cependant que le juge ne saurait faire usage des dispositions du second alinéa de l’article R. 611-8-1 du code de justice administrative lorsque le dossier ne comporte pas d’autre mémoire que la demande au tribunal ou la requête d’appel. En l’espèce, si la requérante n’avait produit devant le tribunal que sa demande, le juge pouvait faire application de l’article R. 611-8-1 du code de justice administrative en l’invitant à produire un mémoire récapitulatif dès lors que figurait au dossier au moins un autre mémoire que cette demande. Le requérant n’ayant pas produit de mémoire récapitulatif dans le délai requis alors que figuraient au dossier, outre sa demande, deux mémoires en défense, le Conseil d’Etat confirme l’ordonnance donnant acte de son désistement.
Discipline Conseil d’Etat 18 juillet 2018 M. B n° 418844
Mesure de suspension d’un agent public
A la suite de faits de harcèlement sexuel et moral un professeur des universités a été suspendu de ses fonctions sur le fondement de l’article L. 951-4 du code de l’éducation. Le conseil d’Etat dans sa décision du 18 juillet 2018 estime que cette mesure ayant été prise dans le but exclusif de préserver, alors même qu’une procédure disciplinaire venait d’être engagée pour ces faits à l’encontre du professeur en question, le bon fonctionnement du service public universitaire en restaurant et préservant, dans l’intérêt de l’ensemble des étudiants et du corps enseignant, la sérénité nécessaire au déroulement des cours et aux activités de recherche universitaire, la décision attaquée n’avait pas à être précédé du respect du contradictoire organisé par l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA) qui dispose qu’ « Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l’article L. 211-2 ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d’une procédure contradictoire préalable ».
Dans cette décision d’espèce, le Conseil d’Etat rappelle le caractère particulier d’une mesure de suspension qui intervenant dans l’urgence ne peut être analysée comme une mesure prise en considération de la personne au sens de l’article L. 121-1 du CRPA ce qui rend inutile de ce fait toute argumentation tendant à contester la méconnaissance d’une procédure contradictoire. Le conseil d’Etat en indiquant par ailleurs que la suspension n’est pas une sanction, ni une sanction déguisée précise son raisonnement quant à l’appréciation du caractère légal de la mesure de suspension laquelle ne peut être prononcée que lorsque les faits imputés à l’intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité.
Examinant la légalité de la mesure à la date à laquelle celui-ci est intervenu, la haute juridiction administrative précise l’office du juge administratif en la matière en indiquant qu’il doit pouvoir statuer au vu des informations dont disposait effectivement l’Université au jour de sa décision. Ainsi les éléments nouveaux qui seraient, le cas échéant, portés à la connaissance de l’établissement universitaire postérieurement à sa décision de suspension, ne pourraient, alors même qu’ils seraient relatifs à la situation de fait existant à la date de l’acte litigieux, être utilement invoqués au soutien d’une contestation de la suspension du fonctionnaire. L’Université serait en revanche tenue d’abroger sa décision de suspendre si de tels éléments font apparaître que la condition tenant à la vraisemblance des faits à l’origine de la mesure n’est plus remplie. Le Conseil d’Etat confirme ainsi l’appréciation du caractère conservatoire de la mesure de suspension qu’il avait pu déjà trancher dans sa précédente décision du 26 octobre 2005 M. X n°279189
Circulaire du 19 juillet 2018 relative à la procédure de signalement des alertes émises par les agents publics
Une circulaire du Ministre de l’action et des comptes publics du 19 juillet 2018 détaille le cadre juridique mis en place par la loi du 19 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique applicable aux lanceurs d’alerte dans la fonction publique.
Elle procède à une identification des agents de la fonction publique susceptibles d’effectuer ces signalements qui sont les membres du personnel ou encore les collaborateurs extérieurs et occasionnels. Rappelant le contexte des faits pouvant être à l’origine d’un signalement, la circulaire ajoute que ceux-ci doivent être marqués d’une particulière intensité afin de justifier la démarche. Ainsi « la violation doit être grave et manifeste, de même que la menace ou le préjudice doit être grave pour l’intérêt général. La violation de la loi ou du règlement, par exemple, doit être à la fois susceptible d’entraîner des conséquences graves et, par son caractère manifeste, reposer sur des éléments dont l’existence est difficilement contestable. L’appréciation de la gravité des faits, actes, menaces et préjudices incombe en tout premier lieu au lanceur d’alerte, avant de procéder au signalement ».
Les destinataires de ces signalements peuvent être le supérieur hiérarchique, qu’il soit direct ou indirect, l’employeur ou son référent, ou encore l’autorité territoriale dans le cas de la fonction publique territoriale.
Quant à la procédure de signalement, la circulaire prévoit que le décret d’application du 19 avril 2017 donne aux collectivités une certaine souplesse quant aux modalités les mieux adaptées pour répondre à leurs obligations en l’inscrivant dans un code de bonne conduite, une charte de déontologie ou une note de service.
Un modèle constitué de trois étages de signalements est fourni à titre d’illustration qu’il appartiendra à chaque administration de s’approprier en fonction du contexte et de la nature des faits dénoncés :
Le premier étage établit une procédure de signalement interne que les services sont tenus de mettre en place, le deuxième met en place une procédure de signalement externe, en l’absence de suite donnée dans un « délai raisonnable » au signalement interne. Le troisième instaure une procédure de divulgation publique, qui ne peut intervenir qu’après les deux premières procédures à défaut de traitement du signalement dans un délai de trois mois.
La circulaire évoque des mesures de garantie et de protection des agents à l’occasion d’un signalement en prévoyant :
une garantie de confidentialité de l’auteur du signalement, des personnes visées et des informations recueillies par l’ensemble des destinataires de l’alerte et une garantie d’irresponsabilité pénale de l’agent à l’origine du signalement.
Les protections contre les mesures discriminatoires prisent à l’encontre d’un agent du fait de l’alerte lancée sont prévues, de même que la possibilité pour l’auteur du signalement d’être poursuivi pénalement en cas de dénonciation calomnieuse ou de fausse déclaration.