Partager la publication "Requalification du contrat à durée déterminée (CDD) en contrat à durée indéterminée (CDI)"
Dans ce dossier, nous allons donc étudier quelles sont les situations dans lesquelles le salarié peut demander cette requalification du CDD en CDI mais aussi les règles à respecter lors de cette demande de requalification.
Notons que nous écartons de ce dossier le cas de l’employeur qui souhaite embaucher un salarié en CDI à l’issue de son CDD.
Dans quelles situations peut-on demander la requalification d’un CDD en CDI ?
Le Code du travail encadre strictement le CDD (C. trav. art. L1245-1 al 1). Dès lors, il est possible au salarié de demander la requalification de son CDD en CDI dès lors que l’employeur ne respecte pas ces règles.
En pratique, deux types de motifs justifient la requalification du CDD en CDI :
- les motifs liés au fond (par exemple, le non-respect des motifs de recours au CDD) ;
- les motifs liés à la forme (par exemple, le non-respect des différentes mentions obligatoirement inscrites au contrat).
Demander la requalification en cas de non-respect des motifs de recours au CDD
D’une manière générale, un CDD ne peut être conclu que pour exécuter une tâche précise et temporaire et seulement pour l’un des cas énumérés par la loi :
- remplacement d’un salarié absent (pour grossesse, maladie, passage à temps partiel, etc.) ;
- accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise ;
- emploi saisonnier ;
- remplacement du chef d’entreprise artisanale, industrielle ou commerciale, d’une personne ayant une activité libérale ;
- remplacement d’un chef d’exploitation agricole ou d’entreprise ;
- pour certaines activités qui par nature sont saisonnières (par exemple, dans le secteur du tourisme, pour les récoltes dans l’agriculture, etc.).
Dès lors qu’un CDD n’est pas conclu pour l’un de ces motifs, il peut être requalifié en CDI. En pratique, les causes de requalification concernent souvent les situations suivantes :
- la conclusion d’un CDD pour pourvoir un emploi permanent ;
- la conclusion d’un CDD pour remplacer un salarié gréviste ;
- la conclusion d’un CDD pour effectuer des travaux dangereux.
Demander la requalification en cas de non-respect de la forme du CDD
La requalification d’un CDD en CDI peut également avoir lieu lorsque l’employeur ne respecte pas certaines conditions de forme lors de la rédaction et de la signature du CDD. Il en est notamment ainsi lorsque le contrat ne mentionne pas le motif du recours au CDD, ne contient pas la signature de l’employeur, etc.
Jusqu’aux ordonnances Macron, le CDD était également requalifié en CDI lorsque le contrat de travail était remis au salarié plus de deux jours après l’embauche. En effet, on assimilait cette transmission tardive à une absence d’écrit. Mais désormais, le fait de ne pas transmettre au salarié son contrat de mission dans le délai de deux jours ouvrables suivant l’embauche n’entraîne plus, à lui seul, la requalification du CDD en CDI. Cette méconnaissance ouvre toutefois droit, pour le salarié, au versement d’une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être supérieure à un mois de salaire (C. trav. art. L1245-1 al 2).
Demander la requalification en cas de non-respect des règles relatives à la durée et au renouvellement du CDD
La requalification du CDD en CDI peut également avoir lieu lorsque les règles applicables à la durée ou au renouvellement du CDD ne sont pas respectées.
En effet, la durée maximale d’un CDD est en principe de 18 mois, renouvellement inclus (C. trav. art. L1242-8-1). Si le contrat se poursuit au-delà de cette durée, il peut alors être requalifié en CDI. Sachez toutefois que depuis les ordonnances Macron, les conventions ou accords collectif de branche étendus peuvent prévoir des règles différentes de celles mentionnées dans le Code du Travail.
De même, un CDD ne peut être renouvelé que s’il prévoit les conditions de son renouvellement ou à défaut, si un avenant prévoyant ces conditions est conclu avant la fin du contrat. La Cour de cassation considère ainsi que l’avenant de renouvellement d’un CDD doit être conclu avant son terme. A défaut, la poursuite de la relation de travail entraîne une requalification en CDI (Cass. soc. 5 octobre 2016 n° 15-17458).
Demander la requalification en cas de succession systématique de CDD avec le même salarié
Tout employeur se voit, un jour ou l’autre, dans l’obligation de pourvoir au remplacement d’un salarié absent. Le code du travail permet alors à l’employeur de conclure plusieurs CDD successifs, avec un même travailleur, pour remplacer un salarié absent ou dont le contrat est suspendu (C. trav. art. L1244-1). Néanmoins, cette succession de contrats avec un même salarié pour assurer des remplacements est limitée par l’interdiction de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise (C. trav. art L.1242-1).
Jusqu’à maintenant, dès lors qu’un nombre important de CDD successifs était signé avec le même salarié sur une période significative, le juge requalifiait quasi-automatiquement la relation de travail en CDI. En effet, le juge estimait ainsi que ce recours systématique au CDD pour faire face à un besoin permanent lié aux absences justifiait la requalification des CDD en CDI.
Dans un arrêt rendu le 14 février 2018, la Cour de cassation assouplit sa position dans le cas des employeurs qui, en raison des effectifs de leur entreprise, doivent de manière récurrente, voire permanente, pourvoir au remplacement de salariés absents. Elle estime en effet que cette situation, à elle seule, ne permet pas de caractériser un recours systématique aux contrats à durée déterminée pour faire face à un besoin structurel de main d’œuvre et pourvoir ainsi un emploi durable lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. La requalification du CDD en CDI n’était donc pas justifiée.
Toutefois, cette jurisprudence récente ne signifie pas que l’employeur peut user des CDD comme bon lui semble. En effet, l’employeur ne peut toujours pas recourir à un CDD, quel que soit son motif, si celui-ci a pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
Dès lors, la demande de requalification ne peut aboutir que si le CDD est de nature à pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise, compte tenu de la structure des effectifs de l’entreprise et de la nature des emplois occupés successivement par le salarié.
Quelles sont les règles à respecter pour demander la requalification d’un CDD en CDI ?
Dès lors que le salarié estime que son CDD doit être requalifié en CDI, il doit adresser une demande au Conseil de prud’hommes. Le salarié dispose alors d’un délai de deux ans pour agir. Ce délai de prescription débute à compter de la signature du CDD.
Seul le salarié peut demander la requalification de son CDD en CDI. Une organisation syndicale représentative peut également se saisir d’une telle demande à condition toutefois de prévenir le salarié par écrit de son intention de le représenter. En revanche, l’employeur ne peut pas agir pour demander cette requalification.
Le litige est directement porté devant le bureau de jugement qui statue au fond dans un délai d’un mois suivant sa saisine. Le litige ne passe donc pas par la phase de conciliation devant le bureau de conciliation et d’orientation.
Quelles sont les conséquences de la requalification du CDD en CDI ?
La reconnaissance d’un éventuel licenciement
Si la requalification intervient avant le terme du CDD, le salarié va alors continuer son travail dans le cadre d’un CDI. Si l’employeur souhaite mettre fin à cette relation de travail, il devra alors respecter les règles relatives au licenciement c’est-à-dire justifier d’un motif réel et sérieux mas aussi respecter la procédure applicable au licenciement (convocation à un entretien préalable, entretien préalable, notification du licenciement, préavis, versement des indemnités).
L’échéance du CDD ne constitue bien entendu pas une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Le versement de différentes indemnités
Si le juge accorde la requalification du CDD en CDI, le salarié peut obtenir le versement d’une indemnité de requalification. Cette indemnité de requalification est fixée par les juges et ne peut pas être inférieure à un mois de salaire (C. trav. art. L1245-2). Le calcul repose sur le salaire moyen touché par le salarié.
Attention. Pour calculer le montant de l’indemnité de requalification, l’indemnité de précarité ne doit pas être prise en compte (Cass. soc. 23 juin 2016 n° 14-29794).
A cette indemnité de requalification, peuvent s’ajouter une indemnité due pour rupture abusive d’un CDI et une indemnité pour procédure irrégulière.
Notons également que si le salarié obtient la requalification de son CDD en CDI après avoir reçu le versement de sa prime de précarité, l’employeur ne peut pas demander le remboursement de cette dernière prime.