Partager la publication "Le droit disciplinaire et les ruptures de contrat de travail"
Les échanges entre l’employeur et le médecin du travail peuvent-ils suffire à établir l’impossibilité de reclassement (Cass. Soc., 3 mai 2018, no 17-10234) ?
En l’espèce, après la reconnaissance de l’inaptitude prononcée par le médecin du travail, l’employeur le sollicite pour avoir des précisions sur l’existence d’activités compatibles avec l’état de santé du salarié. Or, le médecin du travail estimant qu’il n’y a aucune tache dans l’entreprise pouvant correspondre aux facultés résiduelles du salarié, l’employeur ne procède à aucune recherche de reclassement et licencie aussitôt l’intéressé pour inaptitude. Pour l’employeur, la réponse négative du médecin du travail suffisait donc à justifier l’impossibilité de reclassement.
Or, la cour de cassation estime que, sauf si le médecin du travail fait état de l’une des mentions suivantes :
- Soit « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi »;
- Soit « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé », il appartient à l’employeur de chercher des solutions de reclassement au sein de l’entreprise ou du groupe sans s’en remettre au seul avis du médecin.
Quelles sont les juridictions compétentes pour statuer sur un litige lié à la rupture du contrat de travail pour inaptitude et reposant sur un manquement à l’obligation de sécurité (Cass . soc., 3 mai 2018, no 16-26850, 17-10306 et 14-20214) ?
Dans un arrêt de 2013, la Cour de cassation a posé le principe selon lequel «si la juridiction prud’homale est seule compétente pour connaître d’un litige relatif à l’indemnisation d’un préjudice consécutif à la rupture du contrat de travail, relève, en revanche, de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale l’indemnisation des dommages résultant d’un accident du travail, qu’il soit ou non la conséquence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité».
Néanmoins, dans deux affaires où les salariés contestaient la validité de leur licenciement pour inaptitude, les deux conseils de prud’hommes ont fait une application différente de ce principe. Dans la première affaire, les juges du fond ont rejeté la demande du salarié au motif qu’elle tendait à la réparation née de l’accident du travail et relevait donc du TASS. Dans l’autre, l’employeur a fait valoir l’exception d’incompétence du conseil de prud’hommes au motif qu’il estimait que la demande d’indemnisation du salarié pour la perte de son emploi, suite à un accident du travail, relevait de la compétence exclusive du TASS mais le conseil de prud’hommes a rejeté la demande et attribué des dommages-intérêts.
Avec ces deux affaires, la Cour de cassation, saisie dans les deux cas, fait la distinction suivante :
- Soit le TASS est compétent car le salarié réclame des dommages intérêts au titre d’un préjudice résultant de l’accident de travail et d’un manquement présumé à l’obligation de sécurité de l’employeur ;
- Soit le conseil de prud’hommes est compétent car la demande porte sur la rupture du contrat et une demande de dommage-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.