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- Actualité 1 : Les incidences du changement de définition de l’astreinte
- Actualité 2 : Précisions de la Cour de cassation sur les points de vigilance vis-à-vis des salariés en forfait jour
- Actualité 3 : Un entretien d’évaluation peut-il faire état de l’activité de représentant du personnel ?
- Actualité 4 : Se tromper sur les majorations d’heures supplémentaires est-il considéré comme du travail dissimulé ?
- Actualité 5 : Le CHSCT d’une entreprise peut-il intervenir sur les conditions de travail des salariés de son sous-traitant ?
- Actualité 6 : Les obligations de sécurité de résultat
Les incidences du changement de définition de l’astreinte
(Cass. Soc., 25 janv. 2017, no 15-26235)
Depuis la loi Travail, l’astreinte est une sujétion par laquelle la salarié, sans être sur son lieu de travail et à la disposition permanente de l’employeur, se doit d’être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail mais sans être pour autant obliger de demeurer à son domicile ou à proximité.
Dans cette affaire, datant de 2007 et donc jugée sous l’empire des anciennes dispositions requérant l’obligation de présence du salarié à son domicile ou à proximité, un directeur de magasin de produits alimentaires pour professionnels, n’était contraint à aucune astreinte. Mais l’employeur avait, néanmoins, communiqué à la société de télésurveillance du magasin les numéros de portable professionnel et personnel de l’intéressé et de son collègue et ils avaient ainsi été régulièrement appelés.
Dans ce contexte, le demandeur à l’instance formule, lors d’une rupture portée en contentieux, une requête d’indemnisation au titre de l’astreinte subie.
La demande est néanmoins rejetée dans la mesure où le salarié ne parvenait pas à établir « l’obligation de tenir une permanence téléphonique à son domicile ou à proximité ».
Néanmoins, il n’est pas sure qu’à l’avenir dans un contexte similaire, compte tenu de la nouvelle définition, la Cour de cassation ne soit pas amenée à statuer de manière différente, le salarié n’ayant plus l’obligation de demeurer à son domicile ou à proximité.
Précisions de la Cour de cassation sur les points de vigilance que l’employeur doit avoir vis-à-vis des salariés en forfait jour
(Cass. Soc., 25 janvier 2017, no 15-12459, no 15-14807, no 15-21850)
Depuis le 1er janvier 2017, les conventions de forfait conclues sur la base d’accords collectifs ne comportant pas les mentions exigées par la Cour de cassation sont sécurisées et non plus frappées de nullité, sous réserve que l’employeur mette en place un certain nombre de modalités permettant de pallier à l’absence de ces mentions conventionnelles.
Ainsi les conventions de forfait conclues sur la base d’un accord collectif incomplet ne seront plus frappées de nullité à la condition que l’employeur :
- Établisse un document de contrôle sur le nombre et la date des jours travaillés ;
- S’assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ;
- Organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail devant être raisonnable, l’organisation de son travail, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.
Par ailleurs, si l’employeur n’exécute pas les mesures contenues dans l’accord collectif pour garantir le respect des durées maximales de travail et des temps de repos, la convention de forfait n’est plus frappée de nullité mais est privée d’effet ouvrant ainsi droit, pour le salarié concerné, à un rappel de salaire au titre d’heures supplémentaires. La Cour de cassation l’a admis dans trois situations :
- Un salarié ayant de nombreux temps de déplacement à l’étranger ne bénéficiait pas des durées minimales de repos car si ces temps de déplacement ne sont pas du temps de travail effectif, ils ne sont pas non plus intégrés dans le temps de repos ;
- Un employeur avait omis, une année, d’organiser l’entretien portant sur la charge de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise et l’articulation entre la vie professionnelle et personnelle et ne justifiait pas non plus avoir pris des mesures effectives pour remédier à la surcharge de travail évoquée par le salarié au cours de l’entretien annuel professionnel ;
- L’employeur se contentait de fournir des attestations de salariés pour affirmer que les entretiens réguliers sur la charge de travail prévus par l’accord collectif avaient été réalisés mais était dans l’incapacité de fournir un compte rendu de ces entretiens, éléments corroborés par des plaintes formulées à la direction de l’entreprise sur l’absence d’entretiens individuels depuis 2 ans.
Même si ces affaires portent sur des faits antérieurs à la loi Travail de 2016, les principes retenus restent parfaitement actuels.
Un entretien d’évaluation peut-il faire état de l’activité de représentant du personnel ?
(Cass. Soc., 1er fev. 2017, no 15-20799)
Selon le Code du travail, parmi les motifs de discrimination, il est interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’activité syndicale pour arrêter ses décisions concernant l’avancement du salarié ou sa rémunération. Or, l’employeur mentionnait dans des comptes rendus d’entretien d’évaluation que le salarié « devait être vigilant dans l’organisation de son travail du fait qu’il était conseiller prud’homal ». Le salarié s’estime victime de discrimination syndicale mais la Cour d’appel le déboute estimant qu’il n’y avait pas de différence dans les commentaires si l’on comparait les comptes rendus avant et après la prise de ses fonctions. Néanmoins, la Cour de cassation n’est pas de cet avis et estime que, sauf application d’un accord collectif visant à en assurer la neutralité ou à le valoriser, l’exercice d’activités syndicales ne peut être pris en considération dans l’évaluation professionnelle d’un salarié.
Le fait de se tromper sur les majorations applicables en cas d’accomplissement d’heures supplémentaires peut-il justifier des poursuites sur le fondement du travail dissimulé ?
(Cass. Soc., 1er fev. 2017 ,no 15-23039)
En l’espèce, un employeur s’était trompé sur les majorations applicables aux heures supplémentaires effectuées puisque celles, au-delà de la 43ème heure, n’étaient pas majorées à 50 %. Si le salarié demande une indemnité pour travail dissimulé, celle-ci est rejetée par la haute juridiction estimant que l’ensemble des heures figuraient, cependant, sur le bulletin de salaire et qu’aucun élément ne fondait donc le caractère intentionnel de l’infraction pour travail dissimulé.
Le CHSCT de l’entreprise utilisatrice peut-il intervenir sur les conditions de travail des salariés d’un sous-traitant ?
(Cass. Soc., 7 dec. 2016, no 15-16769)
Une SS2I, exploitant à Cherbourg une activité d’assistance informatique, destinée aux utilisateurs de la société Areva, confie à un prestataire, spécialisé dans le support aux utilisateurs finals, le soin d’assurer cette assistance.
Or, suite à un rapport d’expertise, le CHSCT de la SS2I saisit le tribunal de grande instance à l’encontre de la SS2I et du prestataire pour demander, d’une part, la suspension des objectifs fixés aux salariés du sous traitant en termes de taux de décroché, de résolution et d’intervention, d’autre part, la modification des espaces de travail.
Néanmoins, le prestataire conteste la recevabilité de cette action car il estime qu’il n’appartient pas au CHSCT de l’entreprise utilisatrice de veiller à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des travailleurs d’une entreprise sous-traitante si ces derniers ne sont pas placés sous l’autorité de la société donneuse d’ordre.
Cependant, pour les juges, si « le CHSCT est compétent, pour exercer ses prérogatives, à l’égard de toute personne placée à quelque titre que ce soit sous l’autorité de l’employeur », il n’est pas nécessaire d’aller rechercher la présence d’un lien de subordination entre les salariés du sous-traitant et l’entreprise donneuse d’ordre, seule une autorité de fait suffit. Or, dans cette affaire, les salariés du prestataire exerçaient largement sous le contrôle du personnel d’encadrement de la SS2I, présent sur le site.
Aussi, le CHSCT était donc « recevable à agir contre les deux sociétés pour obtenir le respect des dispositions légales en terme de prévention des risques.
L’obligation de sécurité de résultat suppose d’agir et pas seulement de dire que cela va être fait ?
(Cass. Soc., 15 dec. 2016, no 15-20987)
Dans cette affaire, en janvier 2009, une éducatrice spécialisée dans une association accueillant des enfants en grandes difficultés sociales, psychologiques et relationnelles, est victime d’une première agression physique de la part d’un jeune accueilli par l’institution. Cela entraîne un arrêt de travail de 2 jours et le dépôt de plainte contre l’auteur des faits. En avril 2009, une deuxième agression physique se produit auprès de la même victime par le même agresseur entraînant un arrêt de travail de plusieurs semaines, un dépôt de plainte et une déclaration d’accident du travail. A sa reprise du travail en août 2009, une nouvelle agression verbale a lieu. Estimant que son employeur n’avait pas adopté le comportement lui incombant au regard de son obligation de sécurité, la salarié saisit les prud’hommes d’une demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité.
Considérant que l’employeur s’est limité à annoncer ses intentions d’engager une réflexion sur la question, sans jamais s’impliquer activement dans une prise en compte réelle et efficace des risques de violence et d’incivilités, ni surtout sans prendre en compte avec sérieux le risque particulier auquel était exposée la salariée pour sécuriser son retour, sans doute en raison d’une certaine difficulté à agir, la cour d’appel en déduit un manquement à l’obligation de sécurité de résultat.
La Cour de cassation valide ce raisonnement estimant que l’obligation d’accueil qui pèse sur l’association ne peut permettre d’écarter la responsabilité de l’employeur comme tentait de le plaider ce dernier.