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L’adoption du dispositif de sur-amortissement : les différentes étapes
Un avantage fiscal égal à 40% de la valeur du bien
C’est à l’issue du Conseil des ministres du 8 avril 2015 que le Gouvernement a annoncé une mesure exceptionnelle pour relancer l’investissement productif en France. L’avantage fiscal, codifié à l’article 39 decies du CGI, consiste en un complément d’amortissement permettant aux entreprises d’augmenter leurs charges fiscalement déductibles et donc de réduire leur impôt sur les bénéfices. Les entreprises peuvent ainsi amortir leurs investissements éligibles au dispositif sur 140% de leur valeur, le complément de 40% étant étalé sur la durée de vie du bien.
Initialement, la déduction exceptionnelle ne concernait que les investissements réalisés du 15 avril 2015 au 14 avril 2016.
Si ce dispositif a été intégré dans le cadre de la loi n°2015-990 du 6 août 2015, dite « Loi Macron », à l’article 123, l’instruction administrative correspondante (BOFiP) a été publiée avant, dès le 21 avril 2015.
Une prorogation jusqu’au 14 avril 2017
Afin de tenir compte du long processus nécessaire pour valider un investissement, particulièrement dans les grandes entreprises, le Gouvernement a ensuite prorogé le dispositif pour les investissements réalisés jusqu’au 14 avril 2017. Cette prolongation a été adoptée par un amendement au projet de la loi pour une République numérique, publiée au Journal officiel le 8 octobre dernier. À nouveau, l’instruction fiscale a été publiée en amont (actualité BOFiP du 12 avril 2016, BOI-BIC-BASE-100).
Le 30 juin dernier, le quotidien Les Echos publiait une interview du Président de la République dans laquelle il annonçait la dernière phase du Pacte de compétitivité : taux d’IS à 28%, CICE à 7%, et … prorogation du dispositif de sur-amortissement jusqu’au 31 décembre 2017. À l’inverse des autres annonces, cette prorogation n’a pas été intégrée dans le budget 2017, ni dans le budget rectificatif 2016.
Les sénateurs ont bien adopté un amendement au projet de loi de finances rectificatif pour 2016 en vu de proroger ce dispositif jusqu’à la fin de l’année 2017 mais l’Assemblée nationale à ensuite retirer cette disposition. En revanche les députés on ajouté une nouvelle tolérance (voir paragraphe suivant).
Cette déduction exceptionnelle semble avoir atteint son objectif. Selon les derniers chiffres révélés, le montant de l’investissement devrait progresser en France de 3,6% en 2016. Une augmentation de 5% est attendue pour 2017.
Date exacte à retenir
À l’approche de la date couperet (14 avril 2017), il est légitime de poser la question de la date à retenir pour considérer l’investissement comme éligible.
Il est nécessaire de retenir les dates suivantes :
- pour les biens acquis : date où l’entreprise en devient propriétaire soit le plus souvent, à la date de livraison effective (une date antérieure peut être retenue, le bon de commande notamment, à condition que l’élément soit déjà fabriqué et nettement individualisé)
- pour les biens fabriqués par l’entreprise : date d’achèvement du bien
- pour les biens faisant l’objet d’un contrat de location ou de crédit-bail : date de conclusion du contrat.
La loi de finances rectificative pour 2016 prévoit en outre à l’article 99, une tolérance sur la date à prendre en compte. Un investissement à une date postérieure au 15 avril 2017 devient éligible à condition :
- qu’une commande avec versement d’un acompte au moins égal à 10 % du montant total de la commande soit réalisée avant cette date
- et que l’acquisition intervienne dans les 24 mois de la commande.
Les entreprises et les équipements visés
Entreprises concernées
À l’exclusion des micro-entrepreneurs (auto-entrepreneurs), toutes les entreprises peuvent bénéficier de la déduction exceptionnelle de 40% en cas d’investissement dans un équipement productif éligible. Les entreprises transparentes fiscalement (bénéfices soumis à l’impôt sur le revenu), et les entités soumises à l’impôt sur les sociétés peuvent donc en profiter, quel que soit le montant de leur chiffre d’affaires.
Les équipements concernés
Cet avantage fiscal qui autorise l’amortissement d’un bien à hauteur de 140% de sa valeur vise 10 grandes classes d’investissements productifs. Ils sont énumérés de façon exhaustive dans une instruction fiscale (BOFiP, BOI-BIC-BASE-100, §40) :
Investissement productif | Dates d’investissement pour être éligible | |
1 | les matériels et outillages utilisés pour des opérations industrielles de fabrication ou de transformation
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Entre le 15 avril 2015 et le 14 avril 2017 |
2 | les matériels de manutention
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3 | les installations destinées à l’épuration des eaux et à l’assainissement de l’atmosphère
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4 | les installations productrices de vapeur, de chaleur ou d’énergie à l’exception des installations de production d’énergie électrique dont la production bénéficie de tarifs réglementés d’achat
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5 | les matériels et outillages utilisés à des opérations de recherche scientifique ou technique
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6 | les installations, les équipements, les lignes et câblages des réseaux de communications électroniques en fibre optique ne faisant pas l’objet d’une aide versée par une personne publique | |
7 | les logiciels qui contribuent à des opérations industrielles de fabrication et de transformation (logiciels de conception, de simulation, de pilotage, de programmation, de suivi et de gestion de production, ou de maintenance) | |
8 | les appareils informatiques prévus pour une utilisation au sein d’une baie informatique (les serveurs informatiques, de stockage, les matériels de réseau comme les switchs et les pare-feux, les routeurs, les matériels d’alimentation électrique comme les onduleurs, les super-calculateurs) | Entre le 12 avril 2016 et le 14 avril 2017 |
9 | les éléments de structure, matériels et outillages utilisés à des opérations de transport par câbles et notamment au moyen de remontées mécaniques (funiculaire, téléphérique, téléski)
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Entre le 1er janvier 2016 et le 14 avril 2017 |
10 | Les véhicules de plus de 3,5 tonnes qui utilisent exclusivement comme énergie le gaz naturel et le biométhane carburant | Entre le 1er janvier 2016 et le 31 décembre 2017 |
Les matériels mobiles ou roulants affectés à des opérations de transport (les véhicules) sont expressément exclus du champ d’application.
Attention, l’instruction fiscale précise que seuls les biens présents dans cette liste et éligibles à l’amortissement dégressif prévu à l’article 39A du CGI (même si celui-ci n’est effectivement pas pratiqué) peuvent bénéficier du dispositif. Ainsi, les biens acquis d’occasion ne peuvent profiter de cette mesure, car ils sont exclus du champ d’application des immobilisations éligibles à l’amortissement dégressif.
Pour les biens éligibles, la déduction exceptionnelle de 40% s’applique :
- aux acquisitions auprès d’un fournisseur
- à la fabrication par l’entreprise (livraison à soi-même)
- mais également pour les biens faisant l’objet d’un contrat de crédit-bail ou d’un contrat de location avec option d’achat.
Dans ce dernier cas, c’est le crédit-preneur ou le locataire qui bénéficie du dispositif de sur-amortissement. Le propriétaire du bien ne peut évidemment pas profiter de la déduction.
La mise en œuvre de la déduction
Les règles de calcul
Le montant de la déduction exceptionnelle est déterminé selon la formule suivante :
Déduction exceptionnelle = 40 % x valeur d’acquisition de l’investissement, hors frais financiers
Concrètement, l’avantage fiscal est réparti linéairement sur la durée normale d’utilisation du bien, même lorsque l’amortissement dégressif est retenu. Attention, en cas de cession, le sur-amortissement est calculé prorata temporis et la déduction n’est plus opérée les années suivantes.
Exemple
Une entreprise clôture son exercice comptable au 31/12/2016. Le 1er juillet 2016, elle a acquis une machine-outil pour 100.000 € HT. Un amortissement linéaire sur 5 ans est pratiqué.
Le calcul des dotations aux amortissements et des déductions exceptionnelles est présenté dans le tableau ci-dessous.
Années | Dotations aux amortissements | Déduction exceptionnelle |
2016 | 100.000 x 20% x 6/12 = 10.000 | (100.000 x 40%) x 20% x 6/12 = 4.000 |
2017 | 100.000 x 20% = 20.000 | (100.000 x 40%) x 20% = 8.000 |
2018 | 100.000 x 20% = 20.000 | (100.000 x 40%) x 20% = 8.000 |
2019 | 100.000 x 20% = 20.000 | (100.000 x 40%) x 20% = 8.000 |
2020 | 100.000 x 20% = 20.000 | (100.000 x 40%) x 20% = 8.000 |
2021 | 100.000 x 20% x 6/12 = 10.000 | (100.000 x 40%) x 20% x 6/12 = 4.000 |
TOTAL | 100.000 | 40.000 |
On constate dans cet exemple que le bien génère une charge globale sur 5 ans de 140.000 € soit 140% de la valeur du bien.
Si l’entreprise est soumise à un taux d’impôt sur les sociétés de 33,1/3%, l’avantage fiscal s’élève à 13,1/3% de la valeur de l’investissement (soit 40% x 33,1/3%). Pour ce taux d’IS, l’économie d’impôt global s’élèvera à 13.333,33 € (40.000 x 33,1/3% ou 100.000 x 13,1/3%).
Cas des biens pris en location ou crédit-bail
Pour les biens pris en location avec option d’achat ou en crédit-bail, la déduction est déterminée sur la base de la valeur du bien loué ou pris en crédit-bail à la date de signature du contrat. Selon les textes, il est nécessaire de retenir le prix que le locataire aurait pu inscrire en immobilisation s’il en avait été propriétaire. Dans les faits, on trouve cette information dans le contrat de location ou de crédit-bail.
La déduction de 40% est répartie sur la durée normale d’utilisation du bien et prend fin au terme de cette durée ou lors de la cession ou de la cessation du contrat, si cette durée est plus courte.
Une déduction opérée de manière extra-comptable
Le dispositif de sur-amortissement ne nécessite pas d’écriture comptable, ni une dotation d’exploitation, ni une dotation pour amortissement dérogatoire.
Elle déduction exceptionnelle est opérée de manière « extra-comptable », directement sur le tableau de détermination du résultat fiscal.
La déduction extra-comptable est à mentionner :
- sur la ligne XG (déductions diverses) de la 2058-A pour les entreprises qui relèvent du régime réel normal
- sur la ligne 350 de la 2033-B pour les entreprises qui relèvent du régime réel simplifié.
Cette déduction n’a donc au final, aucun impact sur la valeur nette comptable de l’immobilisation.