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Nous nous intéresserons ici à l’élection des délégués du personnel. Ces délégués ont notamment pour missions de représenter le personnel auprès de l’employeur et lui faire part de toute réclamation individuelle ou collective en matière d’application de la réglementation du travail (Code du travail, convention collective, salaires, durée du travail, hygiène et sécurité…).
A partir d’une certaine taille, l’entreprise doit obligatoirement procéder à l’élection de ces délégués du personnel (articles L2312-1 et suivants du code du travail). Quelles sont les entreprises concernées ? Comment est organisé le scrutin ? Quelles sont les modalités du vote ? Comment sont établis les collèges et les listes ? Etc. Autant de questions auxquelles nous allons tenter de répondre dans ce dossier consacré à la mise en place des délégués du personnel dans l’entreprise.
Dans quels cas l’employeur doit-il organiser l’élection des délégués du personnel ?
Tout employeur de droit privé doit organiser les élections des délégués du personnel, quels que soient sa forme juridique (SA, SARL, etc.) et son objet. Une seule condition : l’effectif doit avoir atteint au moins 11 salariés !
Cet effectif de 11 salariés doit être atteint pendant au moins 12 mois, consécutifs ou non, au cours des 3 années précédant la date des élections professionnelles.
Pour calculer les effectifs de l’entreprise, il est nécessaire de respecter certaines règles. Ainsi, sont pris intégralement en compte dans l’effectif de l’entreprise et comptent pour une unité entière les salariés titulaires d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein ainsi que les travailleurs à domicile.
En revanche, les salariés sous contrat de travail à durée déterminée (CDD), les salariés sous contrat de travail intermittent, les travailleurs mis à la disposition de l’entreprise par une entreprise extérieure présents dans les locaux de l’entreprise utilisatrice et y travaillant depuis au moins un an, mais aussi les salariés temporaires, sont pris en compte dans l’effectif de l’entreprise au prorata de leur temps de présence au cours des 12 mois précédents.
Bon à savoir. Les salariés sous CDD, sous contrat de travail temporaire ou mis à disposition par une entreprise extérieure sont toutefois exclus du décompte des effectifs s’ils remplacent un salarié absent ou dont le contrat de travail est suspendu en raison d’un congé de maternité, d’un congé d’adoption ou d’un congé parental d’éducation.
Par ailleurs, les salariés travaillant à temps partiel, quelle que soit la nature de leur contrat de travail (CDI ou CDD), sont pris en compte en divisant la somme totale des horaires inscrits dans leurs contrats de travail par la durée légale ou conventionnelle du travail.
Exemple. Une entreprise compte 3 salariés à temps partiel accomplissant respectivement 21 heures, 20 heures et 18 heures. Ils travaillent donc 59 heures au total à eux 3 chaque semaine. La durée de travail hebdomadaire est fixé à 35 heures. Ces 3 travailleurs à temps partiel sont donc comptabilisés de la manière suivante : 59/35 = 1,68 salariés.
Notons que si le salarié est en CDD à temps partiel, il est nécessaire d’appliquer les deux règles de proratisation :
- D’une part, la règle de la prise en compte en fonction du temps de présence au cours des 12 mois précédents ;
- Et d’autre part, la règle de prise en compte au prorata du temps de travail.
Exemple. Une entreprise compte 2 salariés en CDD à temps partiel. Le premier salarié a travaillé pendant 6 mois à raison de 22 heures par semaine et le second salarié a travaillé pendant 3 mois à raison de 21 heures par semaine. La durée de travail hebdomadaire est fixée à 35 heures. Ces 2 travailleurs en CDD à temps partiel sont donc comptabilisés de la manière suivante : (6/12) x (22/35) + (3/12) x (21/35) = 0,314 + 0,15 = 0,464 unité
L’employeur est-il le seul à pouvoir organiser les élections professionnelles ?
En principe, c’est effectivement l’employeur qui doit organiser les élections professionnelles tous les 4 ans. Mais si l’employeur n’agit pas, un salarié ou une organisation syndicale peut saisir l’employeur pour demander l’organisation de ces élections professionnelles.
Bon à savoir. Une protection contre le licenciement s’applique au salarié qui a demandé à l’employeur l’organisation des élections professionnelles.
Dès lors que cette demande a été effectuée, l’employeur dispose alors d’un délai d’un mois pour organiser les élections professionnelles. Pour des raisons évidentes de preuves, il est donc conseillé d’effectuer la demande d’organisation des élections professionnelles par lettre recommandée avec accusé de réception.
Par ailleurs, notons que l’employeur doit également prendre l’initiative d’organiser des élections partielles si un collège électoral n’est plus représenté ou si le nombre des représentants du personnel titulaires est réduit de moitié ou plus. Toutefois, cette règle ne s’impose pas si ces événements interviennent moins de six mois avant le terme du mandat des délégués du personnel.
Quelles sont les personnes considérées comme électeurs et/ou éligibles ?
Les salariés électeurs
Pour être électeur aux élections des délégués du personnel, le salarié doit répondre aux critères cumulatifs suivants :
- être âgé d’au moins 16 ans ;
- avoir au moins 3 mois d’ancienneté dans l’entreprise ;
- ne faire l’objet d’aucune interdiction, déchéance ou incapacité relative aux droits civiques.
Les salariés éligibles
Pour être éligible aux élections des délégués du personnel, le salarié doit répondre aux critères cumulatifs suivants :
- être âgé d’au moins 18 ans ;
- avoir au moins un an d’ancienneté dans l’entreprise.
Toutefois, même si ces critères sont respectés, ne sont pas éligibles à l’élection des délégués du personnel les personnes suivantes : le conjoint, le partenaire d’un pacte civil de solidarité, le concubin, les ascendants, les descendants, les frères, les sœurs et les alliés au même degré de l’employeur.
Bon à savoir. L’inspecteur du travail accorde parfois des dérogations aux conditions d’ancienneté.
Si un salarié travaille à temps partiel simultanément dans plusieurs entreprises, il ne peut alors être éligible que dans l’une de ces entreprises. C’est au salarié de choisir l’entreprise dans laquelle il décide d’être candidat aux élections des délégués du personnel.
Bon à savoir. Si le salarié mis à disposition est comptabilisé dans les effectifs de l’entreprise utilisatrice, il doit alors respecter une condition de présence dans l’entreprise utilisatrice de 12 mois continus pour être électeur et de 24 mois continus pour être éligible. Et s’il remplit ces conditions, le salarié mis à disposition a la possibilité de choisir s’il exerce son droit de vote et de candidature dans l’entreprise qui l’emploie ou l’entreprise utilisatrice.
Quelles sont les formalités à respecter pour organiser au mieux les élections ?
Plusieurs formalités doivent être accomplies lorsque l’employeur décide d’organiser l’élection des délégués du personnel : informations des salariés et des délégués du personnel, négociation du protocole d’accord préélectoral ou encore, respect des règles de validité du protocole d’accord préélectoral.
Informer les salariés et les organisations syndicales par l’employeur
L’employeur doit informer les salariés par tout moyen de l’organisation des élections professionnelles. Cette information doit préciser la date envisagée pour le premier tour du scrutin.
En principe, le premier tour du scrutin se déroule, au plus tard, le 45ème jour suivant le jour où l’information est diffusée. Cette limite de 45 jours peut être porté à 90 jours si l’entreprise dépasse le seuil de 11 salariés pour la première fois.
Bon à savoir. En principe, l’élection des délégués du personnel et celle des membres du comité d’entreprise (si l’effectif est d’au moins 50 salariés) doivent avoir lieu à la même date. Ces élections doivent intervenir pour la première fois lors de la constitution du comité d’entreprise ou lors de son renouvellement. Ainsi, la durée du mandat des délégués du personnel est augmentée ou réduite pour coïncider avec la fin du mandat des membres du comité d’entreprise.
Bon à savoir. S’il s’agit d’un renouvellement des délégués du personnel, le premier tour des élections doit avoir lieu dans les 15 jours qui précédent la fin du mandat des représentants.
De même, l’employeur doit informer, par tout moyen, les organisations syndicales représentatives de l’organisation des élections. Il doit également les inviter à négocier le protocole d’accord préélectoral mais aussi à établir leurs listes de candidats.
Pour être considérée comme une organisation syndicale représentative, plusieurs critères doivent être respectés. Ainsi, l’organisation syndicale doit satisfaire aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance, être légalement constituée depuis 2 ans au minimum et couvrir le champ professionnel et géographique de l’entreprise ou l’établissement concerné.
Négocier le protocole d’accord préélectoral
L’invitation à négocier doit être transmise au plus tard 15 jours avant la date de la première réunion de négociation. Si c’est un renouvellement de l’institution, l’invitation doit être effectuée 2 mois avant la fin du mandat en cours des délégués du personnel.
L’employeur doit négocier le protocole d’accord préélectoral avec les organisations syndicales qui le souhaitent.
Dès lors, si une ou des organisations syndicales se sont manifestées, l’employeur doit négocier avec elle(s) le protocole d’accord préélectoral. La négociation de ce protocole doit notamment porter sur les points suivants :
- le nombre et la composition des collèges électoraux ;
- la répartition du personnel dans ces collèges ;
- la répartition des sièges à pourvoir entre ces collèges ;
- les modalités pratiques de l’élection : date et heure de scrutin, propagande, moyens matériels, date limite de dépôt des candidatures, constitution du bureau de vote, etc.
Respecter les règles de validité du protocole d’accord préélectoral
Le protocole d’accord préélectoral conclu entre l’employeur et les organisations syndicales est valide s’il obéit au principe de la double majorité. Ainsi, pour être valide le protocole d’accord préélectoral doit :
- d’une part, être signé par la majorité des organisations syndicales ayant participé à sa négociation ;
- et d’autre part, parmi les organisations signataires, doivent figurer les organisations syndicales représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles ou, si ces résultats ne sont pas disponibles, la majorité des organisations représentatives dans l’entreprise.
Quelles sont les règles à respecter concernant l’organisation du scrutin ?
L’élection des délégués du personnel s’effectue par un scrutin de liste avec attribution des sièges à la proportionnelle. Il est parfois nécessaire d’organiser deux tours d’élection.
Établir les collèges électoraux et les listes de candidats
L’élection est organisée distinctement par collèges électoraux. Deux collèges se distinguent :
Le 1er collège : les ouvriers et les employés ;
Le 2ème collège : les techniciens, les agents de maîtrise, les ingénieurs et les cadres.
Bon à savoir. Un collège unique peut être mis en place lorsqu’un seul siège est à pourvoir ou le lorsque le protocole d’accord préélectoral, signé par la totalité des organisations syndicales représentatives, le prévoit.
Dans chacun des collèges, les listes de candidats sont distinctes pour les délégués du personnel titulaires et les délégués du personnel suppléants. Ces listes ne peuvent pas comporter plus de noms que de sièges à pourvoir. Au contraire, ces listes peuvent être incomplètes.
Mettre en place le bureau de vote
Un bureau de vote doit être désigné à la date de l’annonce du premier tour de scrutin, donnée par voie d’affichage ou fixée par le protocole d’accord préélectoral. La mission de ce bureau de vote est d’assurer la surveillance du bon déroulement du scrutin. Il va également consigner les résultats mais aussi toute observation jugée utile dans un procès-verbal.
Sauf disposition contraire mentionné dans le protocole d’accord préélectoral, le bureau de vote peut être constitué, pour chacun des collèges, de la manière suivante : les deux électeurs les plus âgés et l’électeur le plus jeune.
Déterminer le nombre de délégués du personnel à élire
Le nombre de délégués du personnel à élire diffère selon l’effectif de l’entreprise :
- de 11 à 25 salariés = 1 titulaire et 1 suppléant ;
- de 26 à 74 salariés = 2 titulaires et 2 suppléants ;
- de 75 à 99 salariés = 3 titulaires et 3 suppléants ;
- de 100 à 124 salariés = 4 titulaires et 4 suppléants ;
- de 125 à 174 salariés = 5 titulaires et 5 suppléants ;
- de 175 à 249 salariés = 6 titulaires et 6 suppléants ;
- de 250 à 499 salariés = 7 titulaires et 7 suppléants ;
- de 500 à 749 salariés = 8 titulaires et 8 suppléants ;
- de 750 à 999 salariés = 9 titulaires et 9 suppléants.
Dès lors que l’effectif atteint 1 000 salariés, il est nécessaire d’élire 1 délégué titulaire et 1 délégué suppléant supplémentaires par tranche supplémentaire de 250 salariés.
Dans les entreprises de moins de 300 salariés, l’employeur peut décider de mettre en place une délégation unique du personnel. Dans ce cas, les délégués du personnel constituent la délégation du personnel au comité d’entreprise et au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).
Cette décision ne peut être prise qu’après consultation des délégués du personnel et, s’ils existent, du comité d’entreprise et du CHSCT. Le nombre de représentants constituant la délégation unique du personnel est fixé comme suit :
- de 50 à 74 salariés : 4 titulaires et 4 suppléants ;
- de 75 à 99 salariés : 5 titulaires et 5 suppléants ;
- de 100 à 124 salariés : 6 titulaires et 6 suppléants ;
- de 125 à 149 salariés : 7 titulaires et 7 suppléants ;
- de 150 à 174 salariés : 8 titulaires et 8 suppléants ;
- de 175 à 199 salariés : 9 titulaires et 9 suppléants ;
- de 200 à 249 salariés : 11 titulaires et 11 suppléants ;
- de 250 à 299 salariés : 12 titulaires et 12 suppléants.
Organiser le déroulement du premier tour du scrutin
Le premier tour du scrutin est réservé aux listes établies par les organisations syndicales qui ont été invitées à négocier le protocole d’accord préélectoral.
Au terme de ce premier tour du scrutin, 3 situations se distinguent :
- Soit une absence de liste présentée par les organisations syndicales habilitées à présenter des candidats : le bureau de vote prend alors acte de la carence de candidature dans un procès-verbal. Un second tour est obligatoirement organisé ;
- Soit le quorum n’est pas atteint: Un second tour est alors organisé pour chaque collège ou scrutin pour lequel le quorum n’a pas été atteint ;
- Soit le quorum a été atteint: Il est alors procédé au dépouillement et à l’attribution des sièges. Un second tour est organisé si tous les sièges n’ont pas été pourvus, les listes présentées au premier tour étant incomplètes.
Bon à savoir. On considère que le quorum est atteint si le nombre de suffrages valablement exprimés (c’est-à-dire le nombre de suffrages exprimés moins les bulletins blancs et nuls) est au moins égal à la moitié du nombre des électeurs inscrits. Il s’apprécie par collège et par liste (titulaires et suppléants).
Organiser le déroulement du second tour du scrutin
Dans certains cas, un second tour doit donc être organisé. Ce second tour est organisé dans les 15 jours qui suivent le premier tour du scrutin. Il est ouvert à toutes les candidatures, présentées ou non par une organisation syndicale.
Définir les modalités du vote
En principe, l’élection a lieu pendant le temps de travail. Toutefois, un accord contraire peut être conclu entre l’employeur et les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise (par exemple, en cas de travail en continu).
Dans tous les cas, l’employeur doit permettre aux salariés de s’isoler pour voter. En effet, l’élection des délégués du personnel s’effectue à bulletin secret.
Le vote par procuration, permettant de se faire représenter le jour de l’élection par un électeur de son choix, est strictement interdit en matière d’élections professionnelles. En revanche, le vote par correspondance est admis. Ainsi, les modalités d’organisation du vote par correspondance doivent être prévues dans le protocole d’accord préélectoral pour les salariés qui sont absents le jour de l’élection.
Bon à savoir. Le vote par correspondance peut être ouvert à tous les salariés, sans avoir à justifier de circonstances exceptionnelles.
Enfin, il est également possible de mettre en place le vote électronique. Le vote électronique permet aussi bien de voter sur le lieu de travail (des machines à voter sont mises à disposition des salariés au lieu des enveloppes dans l’urne) que de voter à distance. Ce vote peut venir en complément d’un vote à bulletin secret sous enveloppe ou au contraire, être le seul mode de vote admis.
La mise en place du vote électronique n’est possible que si un accord d’entreprise ou de groupe, préalable à la conclusion du protocole préélectoral le prévoit et si les signataires du protocole d’accord préélectoral font référence à cet accord.
Effectuer le dépouillement des votes et proclamer les résultats
Le dépouillement s’effectue en commençant par les sièges des délégués titulaires. Ces sièges sont attribués sur la base du scrutin proportionnel à la plus forte moyenne, au premier tour et au second tour.
En principe, les candidats sont déclarés élus dans l’ordre de présentation de la liste. Toutefois, cet ordre n’est pas respecté si le nombre de ratures apposés à un candidat atteint au moins 10 % des suffrages valablement exprimés en faveur de la liste qui le présente.
Si des candidats sont élus, l’employeur dispose de 15 jours pour transmettre le procès-verbal établi par le bureau de vote en 2 exemplaires à l’inspection du travail.
Au contraire, s’il y a une carence de candidatures aux deux tours de scrutin, l’employeur dispose de 15 jours pour transmettre à l’inspecteur du travail le procès-verbal de carence établi par le bureau de vote et l’afficher dans l’entreprise.
Enfin, l’employeur doit transmettre, par tout moyen, une copie des procès-verbaux aux organisations syndicales de salariés ayant présenté des listes de candidats mais aussi à celles ayant participé à la négociation du protocole d’accord préélectoral.