Il est probable que son contenu ne soit plus à jour.
Partager la publication "Manager une PME : les clés du succès selon Patrick Dussossoy"
Pourriez-vous revenir en quelques mots sur votre parcours ?
Votre question me renvoie à une autre question sur laquelle beaucoup s’interrogent avant de devenir entrepreneur : faut-il être né entrepreneur pour réussir à diriger une entreprise ? Enfant, j’étais l’aîné de sept ; je devais montrer l’exemple. Ce faisant, je me préparais très jeune à prendre des responsabilités. Mes parents avaient décidé mon plan de carrière : ce serait une école d’ingénieur. Je suivais en parallèle une formation en Sciences économiques, puis 4 ans plus tard, l’INSEAD où j’allais pendant un an acquérir les bases nécessaires à mes projets. Ce fut ensuite la banque américaine J.P. Morgan qui m’envoyait à New York. Trois ans plus tard je démissionnais de cette situation très confortable dans laquelle je n’arrivais pas à me situer et à me projeter pour l’avenir.
30 ans passés à la tête de 5 PME
Je devenais tout de suite numéro 2 d’une petite entreprise en difficulté que venait de racheter Bich, Tabur Marine. Nous avons lancé en quelques mois la Dufour Wing qui fut la planche à voile la plus vendue au monde dès sa première année. La suite de l’histoire se passera à la tête de 5 PME industrielles et exportatrices dans 4 métiers différents. La première fut la création de Tiga qui devient en 5 ans numéro 1 mondial de la planche à voile. Je reprenais ensuite la direction du rhum Mount Gay à la Barbade aux Antilles. Une restructuration rapide d’une société en grosses difficultés. Suite dans les spiritueux avec la direction d’un fabricant de l’armagnac Clés des Ducs et de la liqueur du Pays basque, Izarra. Je rachetais ensuite avec ma femme une société fabricant de rôtissoires industrielles et de matériel de restauration, la seule entreprise dont j’ai contrôlé totalement le capital.
Après quatre ans nous avons cédé l’entreprise. Finalement je reprenais la direction d’un fabricant d’étiquettes adhésives, ayant pour clientèle essentiellement des multinationales du cosmétique. Là encore il s’agissait de restructurer.
Depuis quelque temps j’ai décidé de m’éloigner de l’industrie. J’ai créé une autoentreprise de services, et je fais du conseil auprès de dirigeants de PME. Surtout, j’accompagne des créateurs de petites entreprises, en étant bénévole dans la principale association de microcrédit en France, l’ADIE. Ceci m’a conduit à la formation.
Quels types de profils êtes-vous amenés à former ?
J’accompagne en formation deux types de profils : d’une part des dirigeants de PME, dans le cadre de mon entreprise de conseil, d’autre part, des créateurs de petites entreprises, en tant que bénévole à l’Adie, la principale Association de micro-crédit en France.
Je conseille et forme les premiers aussi bien sur l’ensemble de leur stratégie, que sur des points spécifiques, positionnement marketing et avantages concurrentiels, actions marketing jusqu’à la communication, ressources humaines, gestion de production, analyse financière pour leur apprendre où sont les raisons de leurs difficultés.
A l’Adie je peux accompagner des créateurs dès le montage de leur projet en les aidant à construire leur business plan, ou lorsqu’ils ont démarré et rencontrent des difficultés qui sont le plus souvent d’ordre marketing.
Selon vous, tout un chacun est-il capable de lancer sa propre entreprise ou certaines qualités sont indispensables ?
Dans une grande entreprise, dans une institution, les recruteurs vous auraient demandé si vous êtes un commercial, un financier, un technicien, un spécialiste du social, du marketing de la qualité… Ils vous auraient interrogé ensuite sur votre métier. Si vous créez votre petite entreprise, à moins de vous associer à un partenaire qui vous complète, vous incarnerez toutes ces fonctions. Vous devrez donc à la fois connaître un produit ou un service, et être un commercial, un technicien, un peu gestionnaire…
Rapidement, si vous recrutez, vous devrez aussi être capable de manager des hommes et des femmes. Et comme vous n’aurez pas toutes ces compétences, vous serez plus ou moins bon dans votre métier de chef d’entreprise. Choisissez donc de préférence un secteur dans lequel vous pourrez exercer au mieux votre expertise et vos qualités. Vous apprendrez ensuite à compléter vos capacités dans les domaines que vous maîtrisez peu. Le marketing par exemple que voudraient ignorer beaucoup de ceux qui viennent du technique, et qui est pourtant totalement indispensable. La finance qui inquiète dont il faut avoir un minimum de compréhension. L’organisation sans laquelle vous vous trouverez un jour totalement débordé si votre entreprise doit grandir. La capacité à mener une équipe surtout si vous devez embaucher un jour du personnel.
Vous avez créé 2 sociétés et n’aviez pas le premier euro lorsque vous avez lancé la première. Vous en avez restructuré 4. Quelles sont selon vous les clés de ce succès ?
Les 6 sociétés que j’ai dirigées l’ont toutes été avec la volonté de recherche d’une grande cohérence de la stratégie menée et de la faire partager par l’équipe qui m’entourait. Le modèle est chaque fois le même : choix d’un métier qui me plaisait, mise en place d’une stratégie marketing permettant un ou des avantages concurrentiels forts, grande importance accordée au choix de l’équipe proche et à sa mobilisation, et surtout l’équipe commerciale, mise en place de processus précis sur les fonctions de gestion commerciale et de production, l’ensemble s’appuyant sur un outil de gestion informatisé efficace, importance accordée à toutes les autres fonctions de l’entreprise (achats, gestion des stocks, gestion du personnel, reporting, trésorerie, communication).
Quels sont à vos yeux les moments les plus difficiles à vivre pour un chef d’entreprise, et les plus satisfaisants ?
La gestion d’une entreprise est un exercice qui sera beaucoup plus satisfaisant si les résultats sont bons et si l’équipe qui la constitue va dans le sens de la stratégie, si l’entreprise progresse régulièrement, à la fois dans ses résultats, sa capacité à innover et dans son organisation, et surtout si le dirigeant se comporte lui-même comme un véritable leader.
Malheureusement l’entreprise rencontre souvent des difficultés voire des crises. Celles-ci peuvent venir de l’extérieur, marché en baisse, concurrence vive, nouvelles innovations par exemple. Elles sont une réalité qui oblige à changer sa stratégie ce qui peut être compliqué si vous n’avez pas préparé des solutions pour ces éventualités. D’autres viennent de l’intérieur, parce que la stratégie ne fonctionne pas, parce que des erreurs ont été commises, des crises ne sont pas réglées ou ne trouvent pas de solution, parce que des membres de votre équipe avancent contre l’entreprise… Autant de points que le dirigeant n’arrive pas à régler, ou n’a pas le courage de régler, et qui pèsent de plus en plus sur sa capacité à diriger. Tous ces points résultent le plus souvent du dirigeant lui-même et de sa manière de diriger.
Parmi les nombreux conseils que vous prodiguez dans votre ouvrage « 150 attitudes pour piloter votre PME », apparaît celui de réduire les niveaux de hiérarchie, voire de les court-circuiter, en quoi est-ce si important ?
La plupart des spécialistes des ressources humaines vous expliqueront qu’il faut respecter la hiérarchie dans la transmission des informations à l’intérieur de toute organisation. C’est aussi la pratique la plus courante dans les grandes entreprises. Le défaut d’une telle structure est qu’elle ne fait qu’accentuer les inconvénients d’une hiérarchie excessive.
Dans une PME, pour augmenter l’efficacité, il ne faut pas hésiter à court-circuiter occasionnellement ses collaborateurs, voire à faire reporter directement à soi des postes qui devraient dépendre en théorie de l’un de vos responsables. Ceci permet de réduire les circuits d’information ou d’influence. Ceci permet de limiter les niveaux hiérarchiques, tout en conservant la maîtrise de la décision et de l’efficacité. C’est à gérer avec précaution parce qu’aucun responsable n’apprécie d’être court-circuité. Il faudra donc l’avoir prévenu au préalable.
Quelle position un PDG doit-il adopter vis-à-vis de son équipe ?
À défaut d’avoir autour de soi les meilleurs, il est plus facile d’obtenir le meilleur de son équipe. Ce qui dépend beaucoup d’eux bien sûr, mais surtout du patron lui-même.
Écoute
Soyez constamment à l’écoute. Écoute et partage des idées sont nécessaires, indispensables. Tout le monde a des idées intéressantes et qui peuvent être très utiles au groupe. Écouter son interlocuteur, c’est lui faire plaisir, c’est le respecter. Écouter, c’est aussi apprendre ce qui se passe de bien, de mal dans l’entreprise, et qu’il ignore peut-être.
Valorisation
Valorisez l’expérience des autres parce qu’ils savent souvent mieux et que vous ne savez pas tout : le patron est responsable de la stratégie, des idées, des décisions… Il n’est pas obligé de tout savoir. Il n’a pas toujours raison. Celui qui arrive à la direction d’une entreprise ne doit pas avoir peur de dire dans les premières semaines qu’il ne sait pas et de demander.
Mobilisation
La mobilisation est plus indispensable que la motivation. L’idée courante qu’il faut s’appuyer sur la motivation de son équipe pour obtenir son adhésion à un projet, repose sur le fait que nous sommes tous influençables. Il faut donc, pour motiver les membres de son équipe des plans de promotion, des primes, des stock-options… beaucoup de promesses. C’est important, mais ce n’est pas suffisant. Pour qu’ils atteignent un haut niveau de performance, de qualité de leur travail, il faut que leur métier leur plaise. Que l’enthousiasme avec lequel ils vont s’y consacrer résulte d’un choix profond. Les équipes croient ce qu’elles voient, plus que ce qu’elles entendent. C’est un domaine où il est fondamental d’avoir un projet d’entreprise, un projet pour chacun.
Droit à l’erreur
La peur de l’erreur, de l’échec, d’être durement critiqué, voire sanctionné, va entraîner des comportements complètement improductifs. Elle va bloquer l’initiative, la prise de risque. Le patron qui veut que son entreprise progresse vite doit absolument donner le droit à l’erreur à tous les membres de son équipe. Parce que seuls ceux qui n’entreprennent rien ne se tromperont jamais. Ils n’avanceront pas non plus. Et toute l’organisation freinera.
En quelques mots, comment décririez-vous un « bon PDG » ?
Le PDG est au cœur de l’entreprise. Il incarne la vision de l’entreprise. À chaque instant il doit montrer l’exemple, être cohérent avec ses valeurs, avec l’objectif fixé à l’entreprise.
Le PDG doit inspirer une grande confiance, encore plus que n’importe quel leader. Pour que tous les salariés soient engagés à suivre la direction qu’il a choisie.
Le PDG prend les risques plus que n’importe quel leader, pour conduire son entreprise plus loin. Pour se faire il doit accepter d’échouer, savoir reconnaître ses erreurs et en tirer les conséquences.
En toutes circonstances, il est déterminé dans le sens du projet qui a été fixé.
Il doit être enthousiaste, sinon il aura du mal à transmettre l’envie.
Dans une PME, le PDG a tout intérêt à être un exemple de transparence et de franchise.
Il est modeste parce que le contraire n’impressionnera pas. Il n’a pas peur de dire qu’il ne sait pas.
Le PDG respecte les autres comme il souhaite être respecté.
Il se montre ferme, sévère, mais sans méchanceté, ni vexation.
Il montre du courage et de la volonté, et si un jour il doute, il le fait en secret.
Il a le courage de prendre des décisions impopulaires.
C’est un positif qui garde toujours son sang-froid. Qui est convaincu de son efficacité et donc de sa capacité à sortir d’une crise, d’une erreur, d’un échec.
Mieux vaut aussi pour le PDG d’être un optimiste parce que sans optimisme il n’agirait point. Il aurait trop peur d’échouer. En période de crise il serait paralysé. Son stress serait trop dur à porter.
Le PDG c’est celui qui prend tous les coups, celui qui absorbe le maximum de stress, et qui doit tout encaisser avec le sourire pour communiquer son enthousiasme. Le PDG doit être un champion des relations humaines.