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Bonjour M. Kirady, votre intérêt pour les oraux d’examen est le fruit d’un parcours professionnel particulièrement riche… Pouvez-vous nous en dire plus ?
Au cours de ma carrière d’enseignant, j’ai été amené à professer le français langue étrangère, ce qui m’a donné l’opportunité d’enseigner dans différents pays : Canada, Djibouti et Nouvelle-Calédonie. J’ai aussi vécu 15 mois au Japon en échangeant avec des universitaires. Pour les étudiants dont le français n’est pas la langue maternelle, l’apprentissage commence souvent par la langue orale. C’est ainsi qu’est né mon intérêt pour le sujet.
A mon retour en France, je suis devenu inspecteur de l’Éducation Nationale durant 20 ans. A ce titre, j’ai été amené à faire passer de nombreux oraux pour recruter des personnels, dans le public comme dans le privé, avec parfois jusqu’à 200 entretiens par an. J’ai pu constater à la fois ce qui caractérise un excellent candidat et les défauts rédhibitoires que l’on rencontre chez d’autres.
Étant aujourd’hui à la retraite, j’ai eu envie de mettre cette expérience au service des candidats mais aussi des membres de jurys, qui sont parfois eux-mêmes très perfectibles !
L’approche de l’oral était-elle similaire dans toutes les cultures que vous avez côtoyées ?
Elle était totalement différente au Japon, où l’exercice est bien plus codifié. Le côté formel de la langue l’inscrit dans un cadre défini, où l’expression de la personnalité prend beaucoup moins de place qu’en France. Le Japonais doit avoir une personnalité qui correspond à l’image que l’on se fait d’un futur cadre mais on laisse peu de place aux spécificités de chacun. Il y a cette notion d’être « interchangeable », à la différence de l’approche occidentale où la personnalité est au contraire un critère de différenciation apprécié.
Cette expression de la personnalité est peut-être aussi ce qui différencie l’oral de l’écrit ?
Je dirais qu’il existe deux différences essentielles entre un oral et un écrit.
D’abord, à l’écrit, si l’on hésite sur la réponse à donner, il est possible de prendre le temps de réfléchir sans que ce délai de réflexion ne transparaisse pour l’examinateur qui corrige la copie. A l’oral, on doit répondre immédiatement et toute hésitation est visible.
Il existe aussi une seconde dimension dont bien des candidats n’ont pas conscience, à moins d’avoir effectué une préparation préalable : c’est la capacité à avoir une maîtrise corporelle suffisante, cette communication non verbale qui est le propre d’un oral. Ce sont les attitudes, les gestes, les regards, la tenue, tout ce qui traduit la personnalité du candidat. Certains, par exemple, vont avoir des gestes trop amples ou, à l’inverse, se recroqueviller complètement sur eux-mêmes. Cela se voit parfois dès qu’ils franchissent la porte de la salle.
Est-ce que cette dimension non verbale peut se travailler ?
Bien sûr ! La vidéo en particulier donne d’excellents résultats : le candidat filmé a souvent une véritable prise de conscience en visualisant sa prestation, ce qui lui permet d’intégrer plus facilement les erreurs à ne pas reproduire par la suite.
Par ailleurs, je donne dans mon livre de nombreuses clés concernant les attitudes ou comportements à éviter. La diversité des situations présentées et commentées permet à chaque lecteur de personnaliser sa préparation en déterminant avec précision les différentes composantes à retenir, en fonction de ses besoins propres. J’ai une expérience dans le secteur public mais aussi dans le secteur privé, ce qui permet des approches différentes. D’autre part, j’ai tenu à différencier examens et concours.
En quoi les enjeux sont-ils différents ?
Lors d’un oral d’examen, on cherche assez peu à savoir quelles sont les qualités personnelles du candidat. On tente surtout de déterminer s’il a acquis les compétences essentielles et s’il sait s’exprimer dans une langue claire. On organise souvent au préalable une réunion entre les personnes qui vont recevoir les candidats, afin d’indiquer précisément les critères à retenir pour évaluer les connaissances qu’ils doivent maîtriser.
Lors d’un oral de concours, avoir la moyenne ne suffit pas. On doit se dépasser pour être certain d’avoir convaincu et d’avoir apporté la preuve que l’on est un bon candidat. Il ne suffit pas d’être bon, il faut être meilleur que les autres. Le registre est donc plus étendu car en plus des connaissances factuelles et des savoir-faire, on exige aussi que les candidats fassent preuve de capacités personnelles.
La plupart des écoles ont un « cahier des charges » des qualités recherchées chez les candidats. Elles varient d’une école à l’autre. Ce sera, par exemple, la capacité à prendre des décisions pertinentes très rapidement, la curiosité et l’ouverture d’esprit, etc.
Pour beaucoup de candidats, un oral de concours ou d’examen implique d’abord d’apprendre à gérer son stress…
En réalité, le stress est extrêmement utile. Si un danger se présente dans votre quotidien alors que vous vous trouvez en état d’alerte, ce stress vous permettra justement de mettre en place rapidement des comportements adaptés pour faire face au danger. Il en va de même sur le plan intellectuel.
Quand on sait qu’on va devoir affronter des difficultés, se pousser dans ses retranchements, on sera meilleur grâce au stress. Il faut apprendre à l’affronter pour qu’il devienne une attitude de réussite. Je donne souvent ce conseil : si vous êtes stressé et que vous rencontrez quelqu’un qui possède un charisme indéniable et une personnalité imposante, dites-vous que le simple fait de l’avoir abordé, de lui avoir présenté un point de vue – même maladroit – est une réussite.
Ce sont les petites réussites comme celle-là qui, accumulées, vont rendre la gestion du stress positive : vous aurez alors plus rapidement une fluidité de parole et une aisance corporelle qui vous permettront d’être convaincant, dynamique et de prouver votre capacité à être un élément porteur dans telle ou telle formation ou école.
La phrase de préparation est donc primordiale ?
Oui, elle constitue d’abord une excellente occasion de réfléchir à sa motivation et à la manière de la faire valoir. C’est, au fond, une véritable réflexion sur les enjeux que représente cet oral d’examen ou de concours pour vous. Est-ce un enjeu fondamental ou secondaire par rapport à d’autres projets, d’autres écoles ? Comment convaincre de sa motivation ? Pourquoi voulez-vous faire une formation dans cette école là ? Les membres du jury sont très sensibles à ces questions car elles témoignent aussi d’une certaine curiosité de la part du candidat.
D’autre part, il faut travailler sur la maîtrise de la langue. Il convient que les candidats aient acquis un vocabulaire extrêmement précis, qu’ils sachent utiliser des termes précis plutôt que des mots vagues. Ça exige un véritable apprentissage pour que ça devienne une habitude.
Il y a d’autres habitudes à acquérir dans la vie courante : apprendre à être bien dans son corps et à être content de soi. Je connais bon nombre d’étudiants en médecine qui se résument à effectuer une préparation intellectuelle (mémoriser des informations jusqu’au « bourrage de crâne ») mais qui négligent l’importance d’entretenir aussi leur forme physique et même leur beauté.
Pourquoi cette dimension physique est-elle si importante à vos yeux ?
Avoir une présentation soignée aide à se faire confiance. Et se faire confiance, c’est s’apercevoir que l’on réussit le jour J à produire des performances dont on n’était pas capable un mois avant. C’est réaliser que l’on est sur une trajectoire positive et croissante.
Je conseille donc aux candidats de se faire plaisir et, pour être bien avec eux-mêmes, de ne pas hésiter à aller voir une esthéticienne ou un coiffeur qui les mettra en valeur. Les vêtements ont eux aussi une réelle importance : habillez-vous comme les personnes qui ont déjà été admises dans l’école que vous convoitez. De même, présentez-vous le jour du concours avec des vêtements que vous avez déjà portés afin de ne pas vous rendre compte le jour J que vous n’êtes pas à l’aise ou que vous n’avez pas noué votre cravate correctement parce que vous n’en portez jamais.
N’y a-t-il pas une part de subjectivité dans un oral de concours ? On évoque justement l’apparence…
La part de subjectivité existe mais normalement, un membre de jury apprend à se méfier de sa propre subjectivité. On sait que chacun prête attention à des éléments différents : par exemple, certains seront très attentifs au fait qu’un candidat utilise un même mot de manière répétitive (en répétant par exemple « voilà » à tout bout de champ) tandis que d’autres relégueront ce point au second plan.
A l’issue d’une passation, les membres du jury échangent et évoquent les traits pertinents ou gênants qui les ont marqués chez le candidat : ça permet de faire évoluer ses critères d’appréciation et c’est aussi très formateur. Un examinateur est en réalité en perpétuelle formation, chaque rencontre avec un candidat ou un membre de jury est riche en enseignements. GERESO propose d’ailleurs des formations lors desquelles ces aspects sont abordés.
Certaines personnes sont convaincues de ne pas être « douées » pour la prise de parole en public. Que pourriez-vous leur dire ?
Ce serait une tromperie monumentale de dire que l’on part tous avec des chances identiques… En revanche, on peut s’améliorer de manière très significative. J’ai en tête l’exemple d’une personne qui était gênée de prendre part à des réunions avec seulement six personnes, elle se pensait incapable d’assumer la conduite des débats. Elle a peu à peu accumulé de petites victoires qui ont fait croître progressivement sa confiance en elle et quelques années plus tard, elle pouvait gérer sans stress des salles de 300 personnes… et en plus, en y trouvant du plaisir !
On peut travailler sur sa personnalité pour acquérir des capacités nouvelles et se présenter comme quelqu’un de convaincant. On peut s’améliorer mais il y a quoi qu’il arrive un préalable indispensable : la motivation, sans laquelle on ne pourra pas consentir les efforts nécessaires pour atteindre l’excellence.
Il faut s’en donner les moyens et avoir un minimum de compétences au départ : certaines personnes sont très riches mais ne savent pas le montrer. Elles peuvent y parvenir en cumulant des expériences qui montrent qu’elles sont capables d’entraîner l’adhésion des personnes auxquelles elles s’adressent.
Pour certains candidats, la pression familiale à suivre un cursus particulier paraît parfois supérieure à leur propre motivation…
Dans ce cas, il y a toujours moins de conviction que lorsque le candidat a choisi une filière par passion pour un métier. Celui qui cherche seulement à donner satisfaction à son environnement social ou familial ne sera pas allé chercher certaines connaissances que d’autres, plus passionnés, auront acquises. Les candidats l’ignorent souvent mais les membres du jury sont confrontés très régulièrement à la répétition des mêmes propos, ce qui peut être soporifique ! Sentir chez un candidat le « feu sacré » est rafraîchissant.
Les candidats aux oraux de concours ou d’examen partagent souvent une crainte commune : celle de la « question piège ». Selon vous, existe-t-elle vraiment ?
Je pense qu’il faut différencier examen et concours. Lors d’un examen, on attend la restitution d’un minimum de connaissances avec une certaine organisation. On cherche à répondre à une question simple : le programme est-il acquis et à quel degré ? C’est ce qui permet de moduler la note donc il n’y a pas de question piège… à une exception près : lorsque l’examinateur se trouve face à un candidat suffisant qui prétend en savoir plus que lui, il peut chercher à le pousser dans ses retranchements… mais pas pour la bonne cause !
Lors d’un concours, il faut se préparer à l’éventualité de rencontrer des questions quelque peu perfides sur son engagement politique, ses valeurs voire sa sexualité. La plupart des candidats estiment que cela relève de la sphère privée et que de telles questions sont indécentes. J’ai en tête une candidate à qui un membre du jury avait demandé si ses sous-vêtements provenaient ou non d’un supermarché. Elle avait réagi intelligemment en maniant l’humour pour lui retourner la question, lui demandant s’il portait un boxer ou un slip à pois.
En réalité, un jury qui pose ce type de question se moque totalement du type de sous-vêtements que porte la candidate. Il veut simplement voir sa réaction : est-elle déstabilisée ou pas ? Bien entendu, je ne recommande pas de poser ce genre de question mais ça peut arriver lors d’un oral de concours, d’où l’importance de s’y préparer. Au-delà de l’humour, on peut faire état d’un refus de répondre, à condition que la formulation soit élégante.
On rencontre aussi parfois des questions piège exigeant des connaissances qui dépassent le niveau attendu du candidat. Dans ce cas, c’est souvent le signe que le candidat a fait bonne impression. Le jury cherche à savoir jusqu’où il peut aller dans sa capacité à raisonner, à passer d’un sujet à l’autre et à se distinguer de candidats reçus précédemment.
Toutefois, il convient de préciser que la très grande majorité des jurys, plutôt que de poser des « questions piège » de peu d’intérêt, cherche à connaître la personnalité du candidat et son potentiel de savoir-être.
Un dernier conseil ou souvenir personnel à partager ?
J’ai vécu une situation de concours où j’avais beaucoup travaillé et où je m’étais attaché à revoir tout ce qui me motivait, toutes les capacités que j’avais acquises. J’ai réalisé à quel point il était important de se sentir très bien dans son corps avant d’affronter une situation intellectuelle. Un oral est un tout : une personne, avec une certaine personnalité… Soyez attentifs à votre sommeil et à votre santé.
J’insiste aussi sur l’intérêt de constituer des réseaux sociaux : plus on tisse de liens autour d’un métier ou d’une école, plus on a de possibilités d’en faire état… et plus on améliore ses chances d’obtenir un futur emploi. C’est une problématique que j’évoquerai d’ailleurs dans mon prochain livre aux éditions GERESO, qui portera sur l’évaluation professionnelle (recrutement, évolution au cours de la carrière, préparation aux entretiens d’évaluation).