La discrimination en entreprise : une réalité en France

La discrimination peut être définie comme étant une « inégalité de traitement fondée sur un critère interdit par la loi (sexe, âge, état de santé…) et dans un domaine cité par la loi (accès à un service, embauche…) ».

Ainsi, la discrimination n’existe que si elle est mise en relation avec un critère distinctif (caractère discriminant) de la personne, dont la prise en compte est interdite par la loi. Le Code du travail, en son article L 1132-1, dresse une liste exhaustive des critères « prohibés » caractérisant la discrimination.

Cet article a été publié il y a 8 ans, 5 mois.
Il est probable que son contenu ne soit plus à jour.
La discrimination en entreprise : un fléau pour tous

Les inégalités de traitement peuvent être de différents ordres, mais au niveau de l’entreprise, les cas de discriminations concernées sont :

  • au niveau de l’accès à l’emploi (phase de recrutement/d’embauche)
  • au niveau de la vie professionnelle du salarié (formation, promotion, sanctions…)
  • au niveau des critères de la vie personnelle (religion, état civil, maternité, situation de santé, orientation sexuelle…)
  • au niveau du libre exercice des droits en tant que salarié (représentation syndicale, droit de grève…)
  • au niveau de la dénonciation dans le cadre de la vie en entreprise (corruption, risque pour la santé, harcèlement sexuel ou moral…)

Quels sont les motifs de discriminations interdits ?

En entreprise, d’après le principe d’égalité des traitements, tous les salariés doivent avoir accès et être traités d’une manière équitable, sans distinction d’après des critères non fondés sur une vision objective. Opérer une distinction entre les salariés (ou entre les personnes candidates à un recrutement ou à l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise) sur des motifs autres que les nécessités de l’emploi ou les qualités professionnelles du salarié constitue une discrimination prohibée par la loi.

Selon l’article L. 1132-1 du Code du travail, sont visées les discriminations fondées sur l’un des motifs mentionnés suivants, à savoir :

  • l’origine
  • le sexe
  • les mœurs
  • l’orientation ou l’identité sexuelle
  • l’âge
  • la situation de famille ou la grossesse,
  • les caractéristiques génétiques
  • l’appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race,
  • les opinions politiques,
  • les activités syndicales ou mutualistes,
  • les convictions religieuses,
  • l’apparence physique,
  • le nom de famille,
  • le lieu de résidence (le motif a été ajouté à l’article L. 1132-1 du code du travail par la loi n° 2014-173 du 21 février 2014, et est entré en vigueur depuis le 23 février 2014),
  • l’état de santé ou le handicap.

Discrimination directe ou indirecte

Une discrimination peut être directe ou indirecte, et l’auteur présumé de cette discrimination peut être une personne privée (un individu) ou morale (une association, une entreprise…).

Selon la Loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations :

  • Une discrimination directe est constituée par une situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, sa perte d’autonomie, son handicap, son orientation ou identité sexuelle, son sexe ou son lieu de résidence, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été dans une situation comparable.
  • Une discrimination indirecte, quant à elle est constituée par une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner, pour l’un des motifs mentionnés ci-dessus, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés.

Et le législateur de préciser que la discrimination inclut :

  • tout agissement lié à l’un des motifs mentionnés ci-dessus et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant;
  • le fait d’enjoindre à quiconque d’adopter un comportement discriminatoire.

Ainsi, toute décision de l’employeur (embauche, promotion, sanctions, mutation, licenciement, formation…) doit être prise en fonction de critères professionnels et non sur des considérations d’ordre personnel, fondées sur des éléments extérieurs au travail (sexe, religion, apparence physique, nationalité, vie privée…). A défaut, des sanctions civiles et pénales sont encourues.

Les différences de traitement admises par la loi

A regard de la loi, quelques différences de traitements sont admises et ne constituent donc pas une discrimination, si tant est que de telles dispositions prises par une entreprise soient considérées comme pourvues de fondement et de légitimité.

Ainsi, si les mesures mises en place répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante, en vue de satisfaire à des impératifs (légitimité de l’objectif) pour le bon fonctionnement de l’entreprise ou pour les requis du poste concerné, la loi ne fait pas obstacle aux différences de traitement.

Considérations sur l’âge

Dans le souci de préserver la santé ou la sécurité des travailleurs, de favoriser leur insertion professionnelle, d’assurer leur emploi, leur reclassement ou leur indemnisation en cas de perte d’emploi, si les moyens de réaliser ce but sont nécessaires et appropriés (objectivement et raisonnablement justifiés), les différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination.

Par exemple, ces mesures pourraient être : l’aménagement de conditions spéciales afin d’assurer la protection des jeunes travailleurs ou de ceux âgés, une réglementation à caractère discriminatoire pour certains travaux en raison de leur pénibilité…

Considérations sur l’état de santé ou le handicap

Fondées sur la constatation d’une inaptitude, effectuée par le médecin du travail, les différences de traitement en raison de l’état de santé ou d’un handicap du salarié ne constitue pas une discrimination lorsqu’elles sont objectives, nécessaires et appropriées.

En revanche, afin de respecter le principe d’égalité de traitement des salariés, les employeurs sont tenus de mettre en place des « mesures appropriées » pour permettre aux travailleurs handicapés d’accéder, de conserver, ou de progresser dans un emploi qui correspond à leurs qualifications. Le refus par les employeurs de mettre en place ces mesures serait constitutif d’une discrimination.

Considérations sur le sexe

Dans le cadre du recrutement, lorsque l’appartenance à l’un ou l’autre sexe détermine l’exercice de l’activité professionnelle, l’offre peut être expressément réservée à une femme ou à un homme. (Exemple :  le métier mannequin)

Comment la loi protège-t-elle les personnes contre une discrimination en entreprise ?

Selon la loi, tout salarié, tout candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise est protégé contre les discriminations au travail.

En outre, les salariés qui ont été témoins ou qui ont relaté des agissements à caractère discriminatoire ne peuvent pas non plus être sanctionnés, licenciés ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire. De plus, aucune décision qui soit défavorable à une personne ne peut être fondée sur sa soumission ou son refus de se soumettre à une discrimination prohibée par la loi.

Les recours des victimes et témoins d’une discrimination

Recours pénal

La personne faisant l’objet d’une discrimination peut déposer une plainte auprès du Procureur de la République, du commissariat de police, de la gendarmerie ou du doyen des juges d’instruction du tribunal de grande instance afin que les agissements dont elle est victime soient pénalement sanctionnés par le Tribunal correctionnel.

Recours civil

Les salariés victimes ou témoins de discriminations disposent également d’un recours devant le conseil de prud’hommes afin de faire annuler la mesure ou la décision fondée sur un motif discriminatoire et demander réparation du préjudice subi.
Il appartient dans ce cas à la personne faisant l’objet d’une discrimination de présenter au juge les éléments de fait laissant supposer l’existence d’une telle discrimination, directe ou indirecte.

Il faut remarquer que :

  • L’action en réparation du préjudice résultant d’une discrimination se prescrit par 5 ans à compter de la révélation de la discrimination. Ce délai n’est pas susceptible d’aménagement conventionnel.
  • Si la discrimination est reconnue, les dommages et intérêts devront réparer l’entière préjudice résultant de cette discrimination, pendant toute sa durée.

Vers qui se tourner en cas de discrimination ?

En fonction du caractère discriminatoire que le salarié pense être l’objet, il peut entrer en contact avec plusieurs structures, à savoir :

  • l’inspection du travail
  • les organisations syndicales
  • les associations de lutte contre les discriminations
  • les délégués du personnel
  • le « Défenseur des droits »

Discrimination en entreprise : le cas particulier de la discrimination à l’embauche

Malgré une tendance à l’amélioration, la discrimination à l’embauche reste une pratique réelle en France. Selon un article publié le 19 avril 2016 sur le site du gouvernement, à compétence égale, le nom et l’origine peuvent conduire à envoyer 4 fois plus de CV pour pouvoir décrocher un entretien d’embauche.

En effet, selon les statistiques, 85% des demandeurs d’emploi estiment que les discriminations à l’embauche sont fréquentes (8e baromètre OIT de perception des discriminations dans l’emploi, Ifop 2015).

43 % des demandeurs d’emploi ont abandonné leurs recherches suite à une situation qu’ils considèrent comme discriminante.

Concernant les facteurs de discrimination, selon les considérations des sondés :

  • l’âge au delà de 55 ans est le facteur de discrimination le plus récurrent (88%)
  • le fait d’être enceinte vient en deuxième position (85%)
  • une situation d’handicap (77%) ou d’obésité (75%)
  • l’origine, eu égard à un nom à consonance étrangère (66%)
  • la couleur de peau peut être un facteur de discrimination à raison de 62 % d’incidence.

Le gouvernement a de ce fait lancé une série de mesure visant à contrebalancer cette situation.

La mise en place d’une campagne de sensibilisation aux discriminations à l’embauche liées à l’origine

Depuis le 18 avril 2016, 2000 affiches arborant le slogan « Les compétences d’abord » ont été déployées en France pour une durée de 15 jours. Chaque affiche représente deux visages fusionnés d’un candidat blanc et d’un candidat de couleur. Le visage blanc est associé à une réponse positive du recruteur, à savoir « Bienvenu dans l’équipe », ‘vous commencez lundi », tandis que le visage de couleur offre une réponse négative « « désolé, on ne cherche personne », « vous n’avez pas le profil ».

Cette campagne de sensibilisation vise à faire évoluer les mentalités sur les discriminations à l’embauche, et fait partie des engagements pris à l’issue du Comité interministériel à l’égalité en mai 2015.

Un testing à grande échelle sur les entreprises de plus de 1000 salariés

Afin d’inciter les entreprises à revoir leurs pratiques au niveau de l’embauche, une campagne de testing a été lancé depuis le mois d’avril. Elle vise à savoir si les candidats qui portent un nom à consonance arabe sont victimes de discriminations au stade de l’embauche.

Ainsi, sur les offres d’emploi relevant de métiers et de secteurs variés, deux CV seront envoyés dont l’un portera un patronyme d’origine arabe et un autre un patronyme plus français, sur un même profil. D’après Jean-Christophe Sciberras, qui est le Président du Groupe de Travail  » lutte contre les discriminations dans l’accès à l’emploi et au travail « , a annoncé que cette opération va mettre à l’épreuve entre 20 et 50 entreprises de plus de 1000 salariés pour déterminer si des candidats sont écartés en fonction de leur origine.

D‘ici septembre 2016, les résultats de cette campagne de testing feront l’objet d’une publication, et chaque entreprise testée devra faire un bilan de ses résultats afin de mettre e place des mesures correctives efficaces et rapides.

Ainsi, sur la base des résultats du testing, un dialogue sera engagé avec les entreprises testées, afin que des mesures à très court terme soient prises pour changer les éventuelles dérives constatées. Le Gouvernement dit qu’il sera « intraitable et n’hésitera pas à diffuser les noms publiquement, en cas d’immobilisme ou de mesures purement cosmétiques », pour que chacun puisse avoir l’occasion de faire preuve de sa bonne volonté.

Le développement d’outils à destination des entreprises qui s’engagent dans la lutte contre la discrimination

Le Label Diversité marque la reconnaissance des mesures concrètes prises par les entreprises afin de promouvoir la diversité et prévenir les discriminations, dans le cadre de leur gestion des ressources humaines à tous les niveaux : recrutement, intégration, gestion des carrières, …

Récemment, 18 organismes se sont vus remettre le Label diversité afin de témoigner reconnaissance et valoriser leurs engagements dans la prévention des discriminations en entreprise.

Actuellement, 358 organismes sont titulaires de ce label, et sa remise intervient après la conduite d’un audit effectué par l’agence de certification AFNOR, et validé par un avis positif d’une commission nationale représentant des experts, des syndicats et les Ministères concernés.

Un autre axe stratégique développé dans l’optique d’une lutte contre la discrimination est la promotion de méthodes de recrutement alternatives. Elles permettent la sélection sur la base des compétences requises pour un poste, et non par rapport aux informations partielles contenues dans le CV. Les principales méthodes sont : la Méthode du recrutement par simulation, les CV vidéo, le recrutement sans CV, le CV anonyme, …

De nouveaux recours pour les victimes de discriminations

Dans le cadre du projet de loi « la Justice du 21e siècle », qui prévoit une déclinaison spécifique sur les discriminations dans l’entreprise, une action de groupe contre les discriminations a été créée, en vue de prendre en compte les spécificités des discriminations.

Depuis octobre 2014, un groupe de dialogue réunissant les principales parties prenantes, à savoir les partenaires sociaux, les associations, les acteurs économiques et les universitaires, a été mis en place. L’objectif étant de permettre la mise en relation des travaux engagés par ces différents acteurs au niveau de la lutte contre les discriminations à l’embauche et dans l’emploi.

 

Sources :

http://www.gouvernement.fr/argumentaire/lescompetencesdabord-lutter-contre-les-discriminations-a-l-embauche-4409
http://www.defenseurdesdroits.fr/fr/competences/missions-objectifs/lutte-contre-les-discriminations
http://stop-discrimination.gouv.fr/ressources/infographies
http://travail-emploi.gouv.fr/droit-du-travail/relations-au-travail/harcelement-discrimination/article/la-protection-contre-les-discriminations

Qu'avez-vous pensé de cet article ?

Note moyenne de 0/5 basé sur 0 avis

Soyez le premier à donner votre avis

2 réponses pour La discrimination en entreprise : une réalité en France

  1. L’employeur a également l’obligation d’afficher dans ses locaux, les textes de loi sur la lutte contre les discriminations. Il s’expose à une amende en cas d’absence d’affichage.

  2. Ma convention collective prévoit 6 jours de congés par ans… mais pour les mères en priorité. Les pères ne peuvent pas s’occuper de leurs enfants malades à moins de prendre sur leurs congés annuels…
    La solution pour ce genre de cas est de saisir le défenseurs des droits. C’est vraiment gratuit et il interviendra auprès de l’entreprise qui pratique ce genre de discrimination.
    Dans mon cas, l’employeur à était reconnue coupable de discrimination pour l’ensemble de son personnel (entreprise de 60.000 personnes tout de même en ile de France). Perpétuant un schéma classique sexiste: les mères doivent s’occuper des enfants au détriment de leurs carrières, les pères doivent faire du présentéisme au travail.
    Voir défenseur des droits décision MLD 2016 071 consultable sur internet… C’est éloquent.
    Merci au défenseur des droits.
    Même si à ce jours la discrimination est toujours présente dans mon entreprise, au moins cela devrait changer bientôt… Dommage que les entreprises n’ait pas le bon sens d’elle même…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *