Article 81A du Code Général des Impôts : jurisprudence et législation

L'article 81A du Code Général des Impôts prévoit que les salariés domiciliés en France et envoyés par un employeur dans un Etat autre que la France puissent bénéficier d'une exonération d'impôt sous certaines conditions. La jurisprudence récente offre un éclairage intéressant sur l'interprétation que l'on peut faire de l'article en question.

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Code Général des Impôts : comment interpréter l'article 81A ?
Code Général des Impôts : comment interpréter l'article 81A ?

Depuis la loi n°2011-1978 du 28 décembre 2011 relative à la loi de finances rectificative pour 2011 qui a apporté des modifications substantielles aux dispositions de l’article 81A du Code Général des Impôts, le législateur n’a pas modifié ni retouché cette disposition fiscale consacrée à la mobilité internationale des salariés. Cependant, c’est le juge fiscal qui a eu l’occasion de se prononcer sur l’interprétation des dispositions de l’article 81A du Code Général des Impôts.

Plusieurs décisions du juge fiscal retiennent l’attention pour la période 2015-2016. La première décision est celle du Conseil d’État du 08 juin 2015. La seconde est celle de la Cour Administrative d’Appel de Lyon du 2 juin 2015. Ces deux décisions portant sur les contestations de l’interprétation par l’Administration fiscale des dispositions de l’Article 81A du Code Général des Impôts ont connu des fortunes diverses.

Dans la première décision, le Conseil d’État a donné raison au contribuable qui contestait l’interprétation de l’Administration fiscale de l’article 81A du Code Général des Impôts. Dans la seconde décision rendue par la Cour Administrative d’Appel de Lyon, le juge des impôts n’a pas fait droit aux revendications de la contribuable.

Il convient donc d’analyser ces deux décisions pour en tirer les conséquences pour les principaux acteurs de la mobilité internationale, notamment les employeurs et les salariés en commençant d’abord par la décision de la Cour d’appel Administrative de Lyon.

Analyse de la décision de la Cour administrative d’appel de Lyon du 2 juin 2015, n° 14 LY01375

Résumé des faits

Les faits de cette affaire peuvent être résumés ainsi. Monsieur B. est co-gérant salarié d’une société à responsabilité limitée dont la maison mère se trouve en Grande-Bretagne, ayant pour fonction de chargé de mission de prospection commerciale pour la société dont il est co-gérant. La rémunération de monsieur B. était refacturée par filiale française à la société-mère britannique.

Ce dernier s’est fondé sur les dispositions de l’article 81A du Code Général des Impôts pour déduire de ses revenus les sommes correspondant à leur séjour à l’étranger auxquelles ont droit les salariés détachés à l’étranger.

Monsieur B. prétendait avoir effectué plusieurs déplacements à l’étranger dont total de 148 jours en 2003 et 52 en 2004, soit 200 jours sur neuf mois consécutifs.

Après un contrôle fiscal, monsieur B. a fait l’objet d’un redressement fiscal correspondant au montant indûment déduit.

Monsieur B. a saisi le juge fiscal pour faire valoir ses droits en alléguant plusieurs arguments selon lesquels :

  • l’exigence d’un lien statutaire ou contractuel des salariés détachés à un employeur établi en France comme condition de bénéfice de cette exonération fiscale est restrictive de la liberté de travailler dans n’importe quel autre État membre de l’Union Européenne,
  • la nature de ses fonctions et de l’activité de la société induisaient nécessairement qu’il ait exercé des fonctions de prospection commerciale hors de France,
  • il n’a pas à justifier que ses démarches ont conduit à l’implantation effective d’une société à l’étranger.

La décision de l’administration fiscale

L’Administration fiscale a opposé une fin de non-recevoir aux arguments de monsieur B. en alléguant que…

  • D’une part, ce dernier ne peut bénéficier du dispositif d’exonération prévu par les dispositions de l’article81A du Code Général des Impôts, dans la mesure où ses rémunérations se rapportent pas à l’une des activités énumérées audit code.
  • D’autre part, que les mesures particulières d’exonération qu’elles prévoient ne trouvent à s’appliquer que si l’employeur est établi en France, alors que monsieur B. ne peut être regardé comme ayant exercé ses missions à l’étranger dans le cadre de son activité au sein de la société française.

La Cour d’Appel Administrative a jugé que « le contrat de travail liant monsieur B. à cette société ne prévoyait le versement d’aucun complément de rémunération pour l’exercice d’une activité hors de France, de sorte que ce dernier ne justifie pas qu’une partie de sa rémunération était constituée de compléments de salaires versés à raison de séjours à l’étranger susceptibles d’entrer dans le champ des dispositions précitées ».

Elle a ainsi débouté monsieur B. de sa requête.

Une confirmation par la Cour administrative d’appel de Paris

Cette décision a été confirmée par celle de la Cour Administrative d’Appel de Paris n°14PA00638 en date du 03 février 2016. Dans ce cas d’espèce, une Présidente-Directrice-Générale détenant 51% des parts de sa société d’équipement hospitalier avait déduit de sa rémunération des années 2008 et 2009 une certaine somme sur le fondement de l’article 81A II du Code Général des Impôts.

Dans sa décision, la Cour Administrative d’Appel de Paris a estimé « que ses bulletins de salaire, de même que la déclaration des salaires versés souscrite par ladite société ne la font apparaître que comme Présidente-Directrice Générale, et aucun document produit ne démontre que ses séjours à l’étranger se rattachaient à des fonctions techniques de prospection, distinctes de ses fonctions de représentation de la société ; que la tolérance administrative qu’elle invoque, qui admet l’application de l’exonération aux mandataires sociaux, ne s’applique que s’ils disposent d’un contrat de travail pour l’exercice de fonctions techniques spécifiques ».

La leçon à tirer de cette affaire est qu’en toute hypothèse, il faut toujours prévoir dans le document contractuel d’un salarié ou d’un mandataire social détaché à l’étranger les conditions de rémunération justifiant l’exonération fondée sur l’article 81A du Code Général des Impôts. Aussi, il faut bien vérifier que les fonctions exercées à l’étranger remplissent bien les conditions fixées par ledit article. Dans le cas contraire, le juge fiscal ne saurait examiner favorablement les prétentions du demandeur.

Analyse de la décision du Conseil d’Etat du 08 juin 2015 n°376348

Contrairement à la décision de la Cour Administrative d’Appel de Lyon du 2 juin 2015, le Conseil d’État, dans une décision du 08 juin 2015, a donné raison à un contribuable qui s’est fondé sur les dispositions de l’article 81A II du Code Général des Impôts pour exonérer ses sursalaires relatifs aux missions exercées à l’étranger dont les montants étaient : 27 224 euros en 2006, 30 260 euros en 2007 et 26 442 euros en 2008. Les sommes ainsi diminuées correspondaient aux montants suivants : 14 396 euros en 2006, 14 580 euros en 2007 et 14 390 euros en 2008.

L’Administration fiscale ayant procédé à la réintégration de ces sommes dans la base taxable, monsieur A. a saisi le juge fiscal pour l’interprétation des dispositions fiscales contestées.

En effet, l’article 81A II du Code Général des Impôts dispose que : « lorsque les personnes mentionnées au premier alinéa du I ne remplissent pas les conditions définies aux 1° et 2° du même I, les suppléments de rémunération qui leur sont éventuellement versés au titre de leur séjour dans un autre État sont exonérés d’impôt sur le revenu en France s’ils réunissent les conditions suivantes :

  1. Être versés en contrepartie de séjours effectués dans l’intérêt direct et exclusif de l’employeur ;
  2. Être justifiés par un déplacement nécessitant une résidence d’une durée effective d’au moins vingt-quatre heures dans un autre Etat ;
  3. Être déterminés dans leur montant préalablement aux séjours dans un autre Etat et en rapport, d’une part, avec le nombre, la durée et le lieu de ces séjours et, d’autre part, avec la rémunération versée aux salariés compte non tenu des suppléments mentionnés au premier alinéa. Le montant des suppléments de rémunération ne peut pas excéder 40 % de celui de la rémunération précédemment définie ».

Ayant reçu partiellement gain de cause en première et deuxième instance, monsieur A. a saisi le Conseil d’État afin que la Haute juridiction se prononce en dernier ressort.

En effet, le Conseil d’État a fait droit aux prétentions de monsieur A. au motif qu’il « est fondé à demander la décharge des impositions supplémentaires restant à sa charge au titre de ces trois années à concurrence des rehaussements portant sur les traitements et salaires ».

Le Conseil d’État a estimé que « ces conditions étant remplies, limiter le montant du revenu pouvant être exonéré pendant la période d’imposition à 40 % de la rémunération, laquelle doit ainsi s’entendre comme correspondant au montant global de la rémunération hors suppléments versée au salarié pendant cette période, et non à celui de la seule rémunération perçue pendant la durée des séjours hors de France donnant lieu au versement de ces suppléments ».

Il convient de préciser, en définitive, que le juge fiscal suprême donne ici dans cette décision une interprétation définitive de cette disposition fiscale de l’article 81A II du Code Général des Impôts mettant fin à tous les doutes qui pouvaient subsister.

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