Pratiques religieuses en entreprise : que dit la loi ?

Les faits religieux en entreprise peuvent prendre plusieurs formes. Parmi ceux les plus fréquemment rencontrés, on peut citer les demandes d’absences pour fêtes religieuses, le port ostentatoire d’un signe religieux (croix, kippa, foulard, turban, etc.), les prières pendant le temps de travail, le refus de travailler avec un(e) collègue pour motif religieux, etc .

Il est parfois difficile pour l’employeur de gérer ces différentes pratiques religieuses. Si les textes juridiques permettent d’orienter l’employeur, il ne faut pas oublier que le dialogue est souvent la meilleure solution pour éviter ou régler tout litige !

Cet article a été publié il y a 8 ans, 8 mois.
Il est probable que son contenu ne soit plus à jour.
Pratiques religieuses au travail : un sujet sensible, mais encadré par la loi

Exprimer sa religion dans l’entreprise : Une liberté accordée au salarié !

La liberté de conviction est un droit fondamental consacré par la Convention européenne des droits de l’homme (article 9 CEDH). Ainsi, l’employeur ne peut pas interdire au salarié d’avoir une conviction religieuse (article L1121-1 du code du travail).

En pratique, cela signifie que le salarié a le droit de porter un insigne ou un vêtement exprimant publiquement son appartenance à une religion.

Dans le même sens, il faut savoir que le salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire en raison de ses convictions religieuses (article L1132-1 du code du travail). Cette protection vise tous les salariés, quelle que soit leur situation dans l’entreprise (contrat à durée indéterminée, contrat à durée déterminée, intérimaire, apprenti, etc.) et toutes les périodes de la relation contractuelle :

  • au moment du recrutement : par exemple, l’employeur ne peut pas mentionner de critères religieux dans une annonce, refuser à un candidat qui porte un signe religieux visible, de participer à une procédure de recrutement, demander au candidat la nature de ses croyances ;
  • au cours de l’exécution du contrat : par exemple, l’employeur ne peut pas refuser d’accorder une promotion au salarié en raison de ses opinions ;
  • au moment de la rupture du contrat de travail : par exemple, l’employeur ne peut justifier un licenciement en raison des opinions religieuses.

Le Code pénal condamne les refus d’embauche, les sanctions ou les licenciements fondés sur la religion par une peine maximale de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.

Une liberté parfois limitée par l’employeur !

Le Code du travail permet à l’employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction, d’apporter des restrictions aux libertés individuelles et collectives au sein de l’entreprise si elles sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché (article L1121-1 du code du travail). En pratique, l’employeur a donc la possibilité de limiter le droit d’expression religieuse du salarié pour des raisons liées à la bonne marche de l’entreprise ou encore, pour des raisons liées à l’hygiène, la santé ou la sécurité au travail.

Des restrictions liées à la bonne marche de l’entreprise

L’employeur a la possibilité de limiter le droit d’expression religieuse du salarié si ce dernier s’oppose à la bonne marche de l’entreprise. Ainsi, le salarié a l’obligation, quelles que soient ses convictions religieuses, de respecter ses horaires de travail, respecter les lieux de travail, d’être en conformité avec les techniques professionnelles utilisées, d’adhérer à la stratégie commerciale de l’entreprise, etc.

Ainsi, dans un arrêt de principe, un boucher de religion musulmane avait demandé à son employeur de ne plus être en contact avec de la viande de porc. Ce salarié ne pouvait donc plus effectuer une grande partie de ses obligations contractuelles. Le salarié a été licencié pour refus d’exécuter sa prestation. La Cour de cassation a estimé que l’employeur ne commettait aucune faute en demandant au salarié d’exécuter la tâche pour laquelle il a été embauché (Cass. soc., 24 mars 1998, n° 95-44. 738).

Par ailleurs, l’employeur peut refuser pour des raisons liées à la bonne marche de l’entreprise une demande d’absence pour fêtes religieuses, une demande d’aménagement du temps de travail pour les prières ou en période de jeûne, etc. Toutefois, le refus de l’employeur doit reposer sur des éléments objectifs et totalement étrangers à la finalité religieuse de la demande.

Des restrictions liées à l’hygiène, la santé ou la sécurité au travail

L’employeur peut également limiter le droit d’expression religieuse du salarié pour des raisons liées à l’hygiène, la santé ou la sécurité au travail.

Par exemple, l’employeur peut demander au salarié de retirer certains signes ou vêtements si le fait de les porter entrave les règles de sécurité ou d’hygiène (Cass. soc. 29 janv. 1984, n° 81-42.321). Cela peut concerner le port de gourmette, de pendentifs, de croix ou de médailles à proximité de machines de travail.

Pour des questions liées à la sécurité et l’hygiène, l’employeur peut également imposer au salarié le port de tenues de travail spécifiques qui ne peuvent s’associer avec le port de certains signes religieux comme le foulard, le voile, la burqa, etc. Il en est ainsi notamment dans le secteur agro-alimentaire, le secteur médical, etc.

Il est interdit de dissimuler son visage ….

Depuis la loi du 11 octobre 2010, applicable depuis le 11 avril 2011, il est formellement interdit de porter une tenue destinée à dissimuler son visage sur les voies publiques et dans les lieux ouverts au public ou affectés à un service. Cette interdiction concerne donc le port d’une cagoule, d’un voile intégral (burqa, niqab).

Cette loi, qui s’adresse à tous, s’applique bien évidemment aux salariés ou aux agents publics dans l’exercice de leur activité professionnelle. Ainsi, les salariés et agents public n’ont pas le droit de dissimuler leur visage pour des motifs religieux lorsqu’ils travaillent :

  • dans un lieu ouvert au public : un commerce, un restaurant, un parc d’attraction, un cinéma, une banque, etc.,
  • ou dans un lieu chargé d’une mission de service public : un hôpital, une caisse primaire d’assurance maladie, une caisse d’allocations familiales, etc..

Si le salarié dissimule son visage, il peut être sanctionné par une amende de 150 € maximum.

Attention : l’interdiction de dissimuler son visage dans l’espace public ne s’applique pas au salarié travaillant dans une entreprise dont l’accès est strictement réservé au personnel. En pratique, si l’employeur souhaite appliquer cette interdiction, il doit alors justifier sa décision pour des raisons liées à la nature des tâches à accomplir ou pour des raisons liées à l’hygiène, la santé ou la sécurité.

… Et de se livrer à des actes de prosélytisme !

Les actes de prosélytisme sont interdits dans l’entreprise.

En effet, il est interdit au salarié de faire état d’un zèle ardent pour recruter de nouveaux adeptes à un culte donné ou de tenter d’imposer aux autres ses idées et ses convictions. Ces actes peuvent prendre la forme de prises de parole répétées, distributions intempestives de tracts à caractère religieux durant les heures de travail, affichage de publicités religieuses dans les différents bureaux de l’entreprise.

Par exemple, est condamné pour prosélytisme l’animateur d’un camp de centre de loisirs qui procède à la lecture de la Bible et distribue des prospectus des témoins de Jéhovah dans le cadre de son activité (Conseil de prud’hommes de Toulouse, 9 juin 1997).

Qu'avez-vous pensé de cet article ?

Note moyenne de 0/5 basé sur 0 avis

Soyez le premier à donner votre avis

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *