Christine Benoit : "L’entretien de recadrage n’est pas un entretien disciplinaire"

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Christine Benoit, auteur de l’ouvrage « Recadrer sans démotiver » dont la seconde édition  vient tout juste d’être publiée chez GERESO, nous fait profiter de son expertise au sujet de l’entretien de recadrage : un exercice incontournable en entreprise, mais encore trop souvent (et à tort !) connoté négativement pour les managers et les salariés.

entretien de recadrage
entretien de recadrage

Dans un premier temps, pouvez-vous nous présenter votre parcours ?

Au tout début de ma carrière, je me suis naturellement dirigée vers le secteur de la formation. Cependant, je me suis rapidement aperçue que pour être crédible, il fallait obligatoirement passer par le monde de l’entreprise. C’est ainsi que pendant plus de 25 ans, j’ai dirigé des établissements dans des domaines aussi variés que la santé, la restauration collective et l’agroalimentaire. Forte de ces différentes expériences, je me suis ensuite redirigée vers ma première passion : la formation professionnelle. Je suis aussi l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages : l’un des derniers en date concernant l’entretien de recadrage.

Votre ouvrage aborde un thème relativement tabou en entreprise : l’entretien de recadrage. Pourquoi avoir écrit sur ce thème ?

Je me suis intéressée à ce sujet, car l’entretien de recadrage est un exercice méconnu des managers : ils ne sont tout simplement pas formés à cet entretien. Je m’en suis aperçue lors de mes formations en management. Les participants me demandaient souvent de les conseiller : à chaque fois qu’ils essayaient de conduire un entretien de recadrage avec un salarié, les conséquences étaient désastreuses.

Pourquoi cet exercice est-il connoté négativement, à la fois par le salarié et le manager ?

Dans l’esprit collectif, le recadrage est une leçon de morale : des reproches vont être faits au salarié par le manager mécontent. Il est d’ailleurs souvent confondu avec l’entretien disciplinaire. Le salarié active donc ses mécanismes de défense et se braque, parfois même avant que l’entretien ne débute. De son côté, le manager appréhende, ce qui le pousse à faire des erreurs, même inconscientes. Par exemple, en proposant directement une solution au salarié : il ne faut pas agir de cette manière lors de l’entretien, car celui-ci doit avant tout servir à entamer la discussion. De plus, c’est au salarié de proposer une solution qui lui convient.

L’entretien de recadrage est connoté négativement, alors qu’il s’agit d’un exercice positif : le manager, après avoir identifié un problème, va prendre le temps avec le salarié de faire le point sur la situation afin de trouver une solution qui convient à tous. L’objectif, durant l’entretien, est donc de demander au salarié ce qu’il se passe, ce qui lui arrive : les qualités d’écoute sont essentielles !

Prenons un exemple : lorsque je travaillais dans un établissement de santé, un agent d’entretien, dont le travail consistait à nettoyer les couloirs, a été convoqué en entretien de recadrage. Car les sols, après son passage, étaient collants. Lors de cet entretien, au lieu de simplement le sermonner et de lui dire de relire le protocole, je lui ai demandé ce qu’il se passait. Il s’est révélé que l’agent d’entretien était illettré et n’arrivait donc pas à lire le protocole à suivre.

Dans une relation de travail, quels sont les signes montrant qu’un entretien de recadrage est nécessaire ?

Plusieurs signes peuvent alerter les managers : la transgression des règles ou encore des retards à répétition. Mais attention : il ne faut surtout pas convoquer un salarié sur une impression, mais se baser sur des faits.

Par exemple, au lieu de convoquer un salarié pour lui dire qu’il ne s’investit pas suffisamment dans son travail, il est préférable de récolter des signes factuels. Par exemple, des retards chaque matin, des erreurs dans les dossiers, etc.

Dans ce domaine, il semble qu’il faut agir le plus tôt possible. Quels sont les risques si l’entretien de recadrage a lieu trop tardivement ?

Il faut agir dans les 48h. En général, après c’est déjà trop tard. En plus, cela ne va pas forcément se répercuter que sur la relation du manager avec le salarié concerné. En effet, un manager qui laisse passer des retards à répétition les accepte. Ce qui peut causer une forte démotivation au sein de l’équipe, mais aussi une incompréhension par rapport à ce qui est permis et ce qui ne l’est pas. Le manager risque aussi de perdre son autorité, ce qui peut être lourd de conséquences à terme.

Pourriez-vous nous citer 3 facteurs clés de succès d’un entretien de recadrage, pour le manager et pour le salarié ?

3 facteurs doivent être combinés pour qu’un entretien de recadrage soit un succès :

  • L’obtention d’un résultat : indispensable pour établir une solution efficace et durable
  • La motivation : montrer au salarié qu’il est important pour l’équipe et l’entreprise
  • La préservation de la relation : ne jamais être dans l’accusation. On souligne les erreurs, mais sans oublier de citer les qualités du salarié.

Selon vous, faut-il former les managers à l’entretien de recadrage ? Pourquoi ?

Oui, c’est essentiel ! Si les managers ne comprennent pas bien à quoi sert l’entretien de recadrage et ne savent pas comment le conduire, les salariés ne peuvent pas en avoir une bonne image. C’est au manager de rassurer le salarié : non, ce n’est pas un entretien disciplinaire, bien au contraire !

De nombreux salariés peuvent se sentir remis en question et démotivés à l’issue d’un entretien de recadrage : comment éviter cela ?

Les entreprises doivent mettre en place un process qui permet d’éviter d’en arriver à l’entretien de recadrage. Par exemple, lors d’un nouveau recrutement, il faut accompagner le salarié dans son intégration : ne pas seulement lui donner des informations factuelles, mais communiquer avec lui.

Lorsque l’entretien de recadrage devient inévitable, il faut respecter certaines règles :

  • Ne pas confondre entretien de recadrage et entretien disciplinaire : contrairement à ce dernier, le recadrage n’a pas pour objectif de se terminer avec une sanction.
  • Ne pas accuser le salarié : on ne juge pas la personne dans sa globalité, mais l’erreur ou la faute. Ainsi, il vaut mieux dire « J’ai constaté que » au lieu de « tu ».
  • Ne pas imposer une solution, mais responsabiliser le salarié en le laissant apporter sa solution.
  • Tout faire pour établir à nouveau la confiance : le manager doit signifier au salarié qu’il prend le temps pour comprendre et non pas pour accuser.
  • Toujours être dans le respect de l’autre et croire en son potentiel.

Au final, l’entretien de recadrage est un état d’esprit, associé à une posture et une communication.

Si vous deviez donner un seul conseil aux managers et aux employés avant un entretien de recadrage, quel serait-il ?

Avoir confiance et respecter l’autre : c’est essentiel et pour que cela fonctionne, il faut que ça soit réciproque. Et aussi tout faire pour tourner la page, une fois l’entretien de recadrage terminé et la solution identifiée puis mise en œuvre.

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