Régimes de retraite complémentaire : les mesures à mettre en oeuvre

Les partenaires sociaux se mettent d’accord sur les mesures à mettre en œuvre pour « sauver » les régimes de retraite complémentaire.

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Les doutes sur la solidité financière des régimes de retraite complémentaire ARRCO et AGIRC existent depuis plusieurs années mais ce sont deux rapports, de la Cour des comptes et du Conseil d’orientation des retraites, publiés en décembre 2014, qui ont pointé du doigt « la faillite programmée et proche » de ces régimes.

Et les chiffres sont alarmants : d’environ 4,4 milliards d’euros de déficit estimé en 2013, on est passé à 5,3 milliards pour 2014 et des prévisions qui se rapprocheraient des 15 milliards pour 2020.

À ce rythme là les réserves financières des régimes de retraite seront épuisées dès 2024 (voir même avant pour le régime des cadres, en très grande difficulté).

Il faut donc arrêter l’hémorragie maintenant si l’on souhaite garder un système de retraite « à la française » aussi avantageux et ne pas basculer dans des mécanismes de capitalisation massive comme on en trouve déjà un peu partout en Europe et ailleurs…

Cette situation catastrophique est liée à la réunion de plusieurs facteurs négatifs déterminants dans le fonctionnement d’un système de retraite par répartition :

  • Des départs massifs à la retraite avec les « Baby-boomers » depuis la fin des années 2000, non compensés par la nouvelle génération de cotisants (même si le taux de natalité en France reste un des meilleurs d’Europe).
  • Un allongement de l’espérance de vie alors même que l’âge normal de départ à la retraite en France reste parmi les moins élevés d’Europe et du monde (62 ans). Ainsi les français profitent en moyenne entre 23 et 27 ans de leur retraite, soit environ 10 ans de plus que les portugais par exemple.
  • Une conjoncture économique défavorable, avec un taux de chômage important. Cela fait autant de cotisations vieillesse qui ne rentrent pas dans les Caisses des régimes de retraite.

Comment faire, donc, pour continuer à verser des pensions aux 12 millions de retraités du secteur privé ? C’est la question sur laquelle se sont penchés les partenaires sociaux depuis plusieurs mois déjà. Finalement après d’âpres négociations un accord a pu être signé le 30 octobre 2015 qui prévoit des « mesures douloureuses mais nécessaires à la sauvegarde des régimes de retraite complémentaire ».

Le calendrier établi dans le cadre de l’accord prévoit deux phases de réforme. Une première phase de mesures conjoncturelles (à court terme), applicables dès le 1er janvier 2016, et d’autres mesures plus structurelles (à moyen-long terme) à compter de 2019 au plus tard.

1ère phase : des « mesurettes », faciles à mettre en œuvre mais sans impact financier significatif

  • S’agissant de la revalorisation annuelle des pensions de retraite ARRCO et AGIRC. Il est décidé que cette revalorisation est maintenue en sous-indexation par rapport à l’inflation moins 1 point sans pouvoir être négative (autant dire une revalorisation nulle vue la situation économique actuelle). Par contre elle ne se fera plus au 1er avril comme précédemment mais au 1er novembre de chaque année. Cela devrait entraîner des gains de trésorerie puisque les retraités « toucheront pendant 7 mois une pension inférieure à ce qu’ils auraient dû recevoir grâce à la revalorisation ». Économies prévues pour les régimes : 4,1 milliards en 2030.
  • S’agissant du prix d’achat du point. L’accord prévoit de continuer à augmenter régulièrement le prix d’achat du point de retraite complémentaire (c’est à dire le montant de cotisations patronales et salariales à verser pour obtenir un point de retraite ARRCO et AGIRC) sur base de l’évolution des salaires majorée de 2% pour les exercices 2016, 2017 et 2018. Par contre la valeur de service du point (c’est à dire le montant auquel est rendu le point retraite par les régimes au moment de la liquidation de la retraite) serait gelée. Autrement dit, « pour le même salaire perçu, le salarié percevra moins de points de retraite». Gain estimé : 1,1 milliards en 2030.
  • S’agissant de l’extension de la cotisation AGFF sur la Tranche C de l’AGIRC. À ce jour, tous les salariés du secteur privé cotisent à l’AGFF sur l’ARRCO et la tranche B de l’AGIRC ; Cette cotisation leur permet de liquider les pensions de retraite complémentaire « dans les mêmes conditions que le Régime général de Sécurité sociale, à savoir en même temps et sans abattement». Néanmoins les cadres qui cotisent sur des rémunérations annuelles dépassant les 150 000 € (Tranche C de l’AGIRC) n’étaient pas concernés. C’est désormais chose faîte.

Conséquence : Alors qu’auparavant ils subissaient un abattement automatique de leur pension si celle-ci était liquidée avant 65-67 ans en fonction de leur génération, les cadres pourront dès le 1er janvier 2016 liquider leur retraite AGIRC Tranche C dans les mêmes conditions que les autres retraites de salarié.

Cette mesure permettrait une économie de 0,1 milliard en 2030.

À noter également que les partenaires sociaux se sont engagés à travailler sur la mise en place d’une « contribution de solidarité aux régimes ARRCO/AGIRC assise sur les indemnités transactionnelles de rupture du contrat de travail».

2e phase : des mesures d’ampleur pour sauver les régimes de retraite complémentaire

1ère mesure phare de l’accord du 30 octobre 2015 : créer un régime unifié de retraite complémentaire à l’horizon 2019. Les partenaires sociaux se sont entendus sur la fusion prochaine des régimes ARRCO et AGIRC au sein d’un régime unique qui reprendrait l’ensemble des droits et obligations des régimes de retraite complémentaire.

Pour se faire, un groupe de travail devrait être constitué dans les prochains mois afin de proposer « les règles encadrant la mise en place, la gestion et le fonctionnement de ce nouveau régime tout en garantissant le maintien d’un régime fondé sur les principes de contributivité et de solidarité ». Cela permettrait de réduire les coûts de gestion, de mettre en commun les réserves financières des régimes de cadres et de non cadres et d’harmoniser les taux de cotisation. Il s’agit surtout de sauver le régime AGIRC, en très grande difficulté financière.

Autre mesure phare : la mise en place d’un système de « bonus/malus» ou « coefficients temporaires » destinés à maintenir plus longtemps les salariés dans l’emploi. Les partenaires sociaux ont franchi le pas en souhaitant mettre en œuvre dès 2019 des mesures incitatives au repart de la date de liquidation des retraites complémentaires. Ainsi, le salarié qui réunit les conditions requises pour partir avec une pension de retraite sans abattement dès l’âge normal de départ à la retraite (62 ans) aura deux solutions :

S’il choisit de liquider ses retraites ARRCO et AGIRC immédiatement, il subira automatiquement un abattement temporaire de 10% pendant 3 ans sur le montant de ses pensions avant de récupérer l’intégralité de ses droits.

Exemple : Un salarié cadre né en 1958, peut en principe liquider ses pensions de retraite (RG, ARRCO et AGIRC) sans abattement à partir de 62 ans et sous condition de réunir dans sa carrière au moins 167 trimestres de retraite. Avec la nouvelle réglementation, si le salarié décide de liquider ses retraites complémentaires dès 62 ans il subira sur le montant calculé un abattement de 10% pendant 3 ans. Ce n’est donc qu’à partir de 65 ans qu’il touchera l’intégralité de ses droits.

L’imputation systématique de ce « coefficient de solidarité » pourra néanmoins être évitée si le départ en retraite est reporté de 4 trimestres calendaires « au delà de la date à laquelle le salarié remplit les conditions normales de départ ».

Exemple : Pour reprendre mon exemple précédent, si le salarié cadre accepte de reporter son départ à 63 ans, aucun abattement ne lui sera appliqué sur ses retraites complémentaires.

Il est même prévu de mettre en place des « coefficients majorants » pour les salariés qui accepteraient de reporter au-delà leur date de départ. Ce « bonus » serait progressif et temporaire : il permettrait aux personnes concernées de majorer pendant un an leur pension de 10% (pour un report de 2 ans), 20% (pour un report de 3 ans) voir 30% (pour un report de 4 ans).

Les gains estimés pour de telles mesures n’apparaissent pas si significatifs : 0,5 milliards d’euros dès 2020, 0,8 milliards en 2030.

L’objectif est clair : reporter le plus possible la date de départ à la retraite des salariés du secteur privé. Cette mesure en annonce d’autres, notamment concernant le Régime général de sécurité sociale, qui pour l’instant maintient l’âge de départ sans abattement à 62 ans. Le législateur envisage déjà un allongement progressif de l’âge légal de 62 à 64 ans, peut être dès 2018 ?

En effet, la mise en place de ces coefficients dans les régimes ARRCO et AGIRC ouvre la porte à d’autres réformes d’ampleur… Pour rappel, la dernière réforme des retraites du 20 janvier 2014 a déjà augmenter le nombre de trimestres requis pour avoir une carrière complète : les générations nées en 1973 et après devront de toute manière réunir 43 annuités de cotisations aux régimes de retraite (172 trimestres) pour partir sans abattement sur leurs pensions. Une possibilité de départ en retraite dès 62 ans apparaît de plus en plus utopique…

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