Interview d'Isabelle Desmidt sur la mobilité internationale

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Isabelle Desmidt, auteure chez GERESO, a accepté de répondre à quelques questions à l’occasion de la sortie de son nouvel ouvrage « La mobilité internationale des salariés ».

mobilite internationale des salariés
Le transfert de salariés internationaux : un projet RH qui ne s’improvise pas !

Pouvez-vous nous présenter votre parcours professionnel ?

Dans les années 90, j’ai commencé par travailler dans le service des ressources humaines d’une usine du groupe Péchiney (un groupe industriel français spécialisé dans la production d’aluminium, l’électrométallurgie, l’emballage, la chimie, et le combustible nucléaire)  dans le Nord de la France. A cette époque, il fallait gérer quelques salariés impatriés (principalement des spécialistes venant d’Australie) : ce fut ma toute première expérience en mobilité internationale.

Dans les années 2000, je suis partie m’installer en région parisienne. Chez Carbone Lorraine (aujourd’hui Mersen), j’ai occupé un poste en gestion des carrières et de la mobilité internationale. Avec le recul, je réalise que cette entreprise était en avance du point de vue de la politique de mobilité internationale. Je me suis alors spécialisée  sur ce sujet en obtenant en 2005 un diplôme dans le cadre d’une formation à l’Institut Magellan.

Suite à cette expérience, j’ai travaillé quelques temps avec un ancien collègue de Carbone Lorraine qui a créé son entreprise de services pour les sociétés souhaitant externaliser la gestion de la mobilité internationale : Helma.

En 2006, J’ai rejoint GERESO comme consultante et formatrice auprès de publics de grandes entreprises. J’ai eu l’occasion de créer plusieurs modules de formation et de rédiger un premier ouvrage sur le sujet.

Je suis ensuite repartie sur le terrain en tant que responsable Mobilité internationale chez Arc International. Et depuis 2013, je travaille chez Technip en tant que chargée de mobilité internationale senior : je gère au quotidien plus de 120 personnes impatriées et expatriées.

Selon vous, quel est le visage de la mobilité internationale aujourd’hui ?

Depuis que j’ai commencé à travailler dans le secteur de la mobilité internationale, j’ai observé plusieurs types de changements :

  • Sur le plan géographique, on voit de nouvelles destinations à mesure que les pays s’industrialisent ou se développent.
  • Sur le plan de l’accompagnement des missions : Les salariés sont plus demandeurs d’un encadrement familial même pour des missions dites courtes (6 mois par exemple).
  • Sur le plan de l’organisation de la fonction mobilité internationale : on observe que de plus en plus d’entreprises déplacent leur centre de gestion vers des « hubs » régionaux proches des centres d’activités des groupes.

Quelles sont les principales problématiques auxquelles les employeurs sont confrontés ?

Pour certains employeurs dont les opérations se trouvent sur des destinations peu attractives, il est parfois compliqué de motiver les salariés pour partir. De plus, dans des contextes de réduction des coûts, les « packages » de mobilité deviennent moins avantageux qu’auparavant et les salariés ne se bousculent plus pour partir !

Et côté salariés, quelles sont les difficultés ?

Les principales difficultés et craintes exprimées par les salariés sont :

  1. Pour ceux qui partent en famille, une éventuelle perte de leur pouvoir d’achat du fait de la perte du salaire du conjoint qui démissionne pour suivre le salarié. En effet, selon les destinations, cette perte n’est pas toujours compensée par les différentes primes du package.
  2. Pour ceux qui partent en célibataire, la demande la plus fréquente et d’avoir les moyens financiers pour rentrer le plus souvent possible dans le pays d’origine pour passer du temps avec leur famille. Or une entreprise ne peut pas payer l’équivalent d’un billet d’avion par semaine, ni par mois entre Shanghai et Paris par exemple, ce qui peut créer certaines frustrations.

Votre livre peut intéresser des dirigeants de PME qui souhaiteraient expatrier pour la première fois un salarié à l’étranger. Quels conseils pouvez-vous leur donner ?

Le premier conseil que je peux donner est de ne pas essayer de tout faire depuis la France ou le siège de l’entreprise en déléguant les tâches ”locales” à des mastodontes de la fiscalité ou du droit du travail ! Il est important de créer des liens concrets avec les équipes locales qui vont gérer le quotidien des packages de mobilité notamment en termes de paie et de taxes.

Mon second conseil est de ne pas chercher faire des packages trop complexes pour alléger la charge fiscale dans les pays d’accueil. En effet, les pays s’équipent de plus en plus en systèmes de taxation des revenus quels qu’ils soient. Ainsi, les économies faites en impôts sont parfois englouties dans les honoraires et les frais de gestion de ces packages complexes.

Enfin, les entreprises ne doivent pas hésiter à réviser une modalité de leur politique de mobilité si elle ne fonctionne pas. De même il est important de baser cette politique sur du bon sens et de s’équiper de documents didactiques pour expliquer clairement les choix de l’entreprise.

Et côté candidat, quelles sont selon vous les qualités du « bon » expatrié ?

La première qualité à posséder pour une bonne intégration est l’humilité : il vaut mieux éviter les comportements de ”conquérant” et prendre le temps d’écouter et d’observer pour comprendre comment le pays fonctionne .

La seconde qualité à posséder est une bonne dose de patience et de self-control pour aborder sereinement les comportements parfois déroutants des nouveaux interlocuteurs.

Enfin, de réelles capacités de pédagogie peuvent constituer un atout supplémentaire pour un expatrié qui est envoyé à l’étranger, pour y transmettre son savoir-faire.

Dans tous les cas, une petite phase de remise en cause de ses propres façons de vivre ou de travailler sera presque inévitable.

Une fois la mission terminée, comment gérer au mieux le retour du salarié et de sa famille ?

En fait, il ne faut surtout pas attendre que la mission soit terminée pour envisager le poste suivant. Les équipes RH doivent s’occuper de cet aspect très en amont : la meilleure façon de conserver l’expatrié dans sa ligne de mire et ne jamais couper les ponts avec le service de gestion de carrière. Ainsi on peut tout à fait confier au manager du pays d’origine la responsabilité de la carrière de son salarié parti temporairement à l’étranger..

Une passerelle efficace doit exister entre la gestion de la mobilité internationale et la gestion des carrières ou des talents. Certaines entreprises on d’ailleurs « couplé ces deux fonctions”, ce qui à mon sens est bénéfique pour le salarié et pour l’entreprise.

Comment se positionne votre ouvrage« La mobilité internationale des salariés » par rapport aux autres guides pratiques ?

Les principaux ouvrages que l’on trouve sur le marché traitent en général d’un seul sujet ou sont des bibles de technicité sur les domaines tels que l’immigration, le droit du travail, la fiscalité ou la protection sociale. Mon ouvrage est fait pour expliquer comment connecter pratiquement tous ces sujets sans s perdre dans les méandres de technicité. Il permet de construire un cadre pour la mobilité internationale qui permettra à l’entreprise d’industrialiser ses processus.

Le temps ainsi gagné pourra être consacré au coeur du métier de l’entreprise plutôt qu’à une gestion artisanale et chronophage des transferts de ses salariés.

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