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Henri Grego, consultant en droit du travail, spécialisé en relations sociales, a accepté de répondre à quelques questions pour GERESO à l’occasion de la sortie de son dernier ouvrage « Quel pouvoir disciplinaire pour l’employeur ? » :
Dans un premier temps, pouvez-vous vous présenter et nous expliquer votre parcours ?
C’est grâce à mon parcours syndical que je me suis intéressé aux relations sociales au sein de l’entreprise. C’est justement cet intérêt qui m’a amené à devenir conseiller prud’hommes en 2002 puis président d’audience de 2008 à 2012.
J’ai par ailleurs fondé SINCA, un cabinet conseil en relations sociales. Je suis aujourd’hui consultant-formateur auprès de nombreuses entreprises et groupes internationaux : j’interviens sur les problématiques collectives grâce à ma maîtrise des questions propres à la gestion des conflits. Les problématiques individuelles sont aussi de mon domaine d’expertise et plus particulièrement le pouvoir disciplinaire de l’employeur.
Dans votre ouvrage « Quel pouvoir disciplinaire pour l’employeur ? », pourquoi avoir choisi de traiter la question du pouvoir disciplinaire du point de vue de l’employeur et non du salarié ?
Le pouvoir disciplinaire du point de vue du salarié n’a tout simplement pas d’intérêt. Ce dernier, du fait de son contrat de travail doit respecter un lien dit de subordination, ce qui l’oblige à suivre les ordres et les consignes de son employeur. Alors que le pouvoir disciplinaire est le droit de l’employeur à faire respecter ce lien de subordination.
Bien évidemment, le salarié peut et doit contester le pouvoir disciplinaire de son patron si il le juge nécessaire. Mais selon moi, cela ne justifiait pas un ouvrage sur le point de vue du salarié. Mon ouvrage s’adresse donc directement aux employeurs.
Selon vous, la législation doit-elle être simplifiée pour être plus compréhensible par les employeurs et par les salariés ?
La législation n’est pas si compliquée que cela à suivre : il existe quelques grandes règles à connaître et à respecter. Le problème ne se situe donc pas là. Par expérience, j’ai tendance à penser qu’on intellectualise trop la question du pouvoir disciplinaire.
Cette intellectualisation s’explique car les employeurs ont souvent peur des prud’hommes. Lorsqu’il y a un conflit dans une entreprise, plutôt que de simplement suivre les règles établies, l’employeur peut être amené à s’interroger sur la mise en œuvre de son pouvoir disciplinaire. Et c’est à ce moment-là que de nombreuses erreurs sont commises.
Par exemple, il faut savoir que le pouvoir disciplinaire est principalement pensé pour recadrer les salariés et non pour les licencier. De nombreux employeurs pensent qu’il faut donner 3 avertissements à un salarié avant de le licencier. Alors qu’en réalité, le principe de graduation des sanctions est fondamental.
Quelles sont, selon vous, les grandes évolutions en cours ou à venir sur ce sujet ?
La plus grande évolution du moment concerne la loi Macron. L’objectif étant de simplifier l’accès aux prud’hommes ou tout du moins de mieux réguler les contestations liées à l’exercice du pouvoir disciplinaire.
En soi cette loi ne modifie en rien les dispositions applicables à l’exercice du pouvoir disciplinaire, mais prévoyait deux dispositions pouvant avoir des conséquences sur l’exercice du pouvoir disciplinaire de l’employeur. La première qui consistait à fixer un barème indicatif en matière d’indemnités prud’homales à été censurée par le Conseil Constitutionnel. La seconde qui vise à modifier le rôle du bureau de conciliation (désormais rebaptisé bureau de conciliation et d’orientation), pourrait à termes avoir des conséquences.
Assiste-t-on à une plus grande « judiciarisation » des litiges entre employeur et salarié depuis quelques années ?
Non, la mise en place de la rupture conventionnelle a permis au contraire de limiter cette judiciarisation.
On prétend que les ruptures conventionnelles sont souvent utilisées comme une solution de facilité pour régler les différents entre employeur et salarié. Qu’en pensez-vous ?
Je pense que quand une situation n’est pas conflictuelle, il faut en profiter. Tant que le conflit n’est pas ouvert, on peut faire une rupture conventionnelle. Lorsqu’un salarié ne se sent plus bien dans son entreprise, il est préférable pour tous que ce dernier parte à l’amiable.
Cependant, la rupture conventionnelle ne doit pas être la solution en cas de conflit ouvert. Par exemple, s’il est avéré que l’employeur a abusé de son pouvoir disciplinaire, le salarié a davantage intérêt à saisir les prud’hommes, plutôt que de céder à l’appel d’une rupture qui n’a plus rien de « conventionnelle ».
Vous évoquez la place importante du règlement intérieur dans les entreprises. Pourquoi les organisations n’utilisent pas ce document comme il le faudrait ? Les employeurs et les RH sont-ils suffisamment formés et informés sur le sujet ?
Les employeurs et les professionnels des ressources humaines sont suffisamment formés, mais ils considèrent que le règlement intérieur est une contrainte. C’est pourquoi, en général, ils utilisent un modèle de base qui n’est pas personnalisé à l’entreprise ni aux contraintes et obligations du secteur d’activité.
Mais ce n’est pas suffisant. En effet, depuis la loi de 1982, l’employeur doit se rattacher à un document écrit (le règlement intérieur) dans le cas d’une procédure disciplinaire. Mais comme ce document est bien souvent inadapté, il est rarement utilisé. Alors que si l’employeur souhaite mettre en œuvre son pouvoir disciplinaire dans de bonnes conditions, ce document est essentiel.