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La mise en œuvre du CV anonyme relancée (CE, 9 juillet 2014)
Si la loi de 2006 relative à l’égalité des chances prévoyait l’anonymat des informations transmises par les candidats à l’embauche dans les entreprises de plus de 50 salariés, la mise en œuvre de ce dispositif était soumise à un décret d’application. Néanmoins, après expérimentation sur certaines entreprises, celui-ci n ‘a jamais été pris suite à des rapports peu favorables à sa généralisation.
Or, le Conseil d’État vient de donner 6 mois au gouvernement pour prendre ce décret. En effet, d’une part, il est rappelé que « l’exercice du pouvoir réglementaire comporte non seulement le droit mais aussi l’obligation de prendre, dans un délai raisonnable, les mesures qu’implique nécessairement l’application d’une loi ». D’autre part, en l’espèce, si l’élaboration de ce texte était soumise à des expérimentations et des évaluations, « la loi ne laissait pas à la libre appréciation du premier ministre l’édiction du décret prévu par cette même loi ».
Dans ces circonstances, le gouvernement a annoncé la réunion d’un groupe de travail avec les partenaires sociaux et les associations concernées pour faire une évaluation des méthodes de recrutement et déterminer les modalités d’application de la loi.
Sanctions en cas de non respect du délai de prévenance liée à la période d’essai (ordonnance de simplification no 2014-699 du 26 juin 2014)
Aucune sanction n’avait été prévue dans la loi de modernisation du travail de 2008, pour le non respect par l’employeur du délai de prévenance, institué en cas de rupture de la période d’essai. Si la Cour de cassation a statué en janvier 2013 sur le fait que ce manquement ne permettait pas de qualifier la rupture de licenciement sans cause réelle et séreuse, elle ne s’est pas pour autant prononcée sur le niveau d’indemnisation.
L’ordonnance a donc apporté la précision manquante en fixant les dommages intérêts aux salaires correspondant à la durée manquante du délai de prévenance, indemnité de congés payés comprise.
Cette position est conforme aux estimations que nous pouvions au préalable vous donner.
Validité ou non d’une clause de mobilité applicable sur l’ensemble du territoire national (Cass. soc., 9 juillet 2014, 13-11906)
La condition de validité d’une clause de mobilité tient à la définition précise de sa zone géographique d’application et à la non possibilité pour l’employeur d’en étendre unilatéralement la portée, via la formule « en fonction des nécessités de l’entreprise ».
La question soumise à la Cour de cassation était de savoir si une clause de mobilité susceptible de s’appliquer sur tout le territoire français était suffisamment limitée.
Dans un premier temps, la Cour d’appel de Nancy a jugé la clause nulle et donc le licenciement des salariés, ayant refusé d’intégrer leur nouveau lieu de travail, abusif.
Elle a, en effet, estimé que la clause n’était pas suffisamment précise, la mention du territoire français n’excluant pas les DOM-TOM et que les salariés ne savaient pas si elle se limitait aux établissements existants.
Dans un second temps, la Cour de cassation est revenu sur cette décision en jugeant la clause parfaitement opposable au salarié. Il est donc possible de prévoir une clause de mobilité s’appliquant à la France entière pour autant que sa mise en œuvre soit justifiée ensuite par l’intérêt de l’entreprise et ne porte pas une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de l’intéressé.
Publication de la loi sur le détachement de travailleurs et la lutte contre le travail illégal (loi no 2014-790 du 10 juillet 2014)
La France a anticipé la transposition de la directive communautaire en adoptant, dès le 26 juin 2014, une loi qui renforce le contrôle des conditions de détachement, responsabilise le donneur d’ordre et accentue la répression du travail illégal.
Ainsi, le donneur d’ordre ou maitre d’ouvrage qui a recours à un prestataire de service devra s’assurer que celui-ci accomplit les formalités déclaratives sous peine d’amende (2000 € par salarié détaché), sachant que l’ensemble des agents de contrôle (et non plus seulement les inspecteurs du travail) peuvent se faire remettre les documents inhérents au détachement.
Par ailleurs, le maitre d’ouvrage doit s’assurer que le prestataire de services applique à ses salariés un « noyau dur » de droits fondamentaux portant sur la durée du travail, les congés payés et jours fériés, les salaires minimum, l’hygiène et la sécurité, la protection de la maternité et paternité ainsi que les dispositions garantissant la non discrimination, sachant que le législateur institue, là encore, une responsabilité solidaire en matière de rémunération minimale.
Enfin, afin de lutter contre le travail illégal, des peines complémentaires peuvent être prononcées, à savoir l’inscription sur une liste, publiée sur internet, des entreprises condamnées en matière de travail illégal ainsi que l’interdiction de percevoir des aides publiques pendant cinq ans.
Projet de décrets sur le doublement de l’aide au contrat de génération
Le montant de l’aide accordée dans le cadre du contrat de génération dans les entreprises et groupes de moins de 300 salariés devrait être modulé. S’il resterait inchangé lorsqu’un jeune est embauché et qu’un senior est maintenu dans l’emploi, il serait porté de 4 000 € à 8 000 € par an (soit 24 000 € sur trois ans) en cas d’embauche simultanée d’un jeune de moins de 26 ans en CDI et d’un salarié d’au moins 55 ans, sachant que le recrutement du senior pourrait intervenir au plus tôt six mois avant le recrutement du jeune.
Si la dernière loi « formation » a permis aux PME de 50 à 299 salariés de bénéficier de l’aide liée au contrat de génération sans être couverte, de manière préalable, par un accord d’entreprise, un plan d’action ou un accord de branche, elles sont soumises à la pénalité des entreprises d’au moins 300 salariés non couvertes par un accord d’entreprise ou un plan d’action, ou par un accord de branche étendu. Le second projet de décret prévoit donc de supprimer l’obligation de transmission du diagnostic sur l’emploi des jeunes et des seniors lorsque l’entreprise est couverte par un accord de branche. En outre, pour ces mêmes entreprises, l’absence de décision sur la conformité des accords dans un délai de trois semaines et des plans d’action dans un délai de six semaines vaudrait décision de validation.
Organisation de la formation dans le cadre du contrat de professionnalisation (décret 2014-969 du 22 aout 2014)
Dans le cadre d’une période de professionnalisation, il est dorénavant fixé une durée minimale de formation de 70 heures réparties sur au maximum 12 mois, sachant que cette durée minimale ne s’applique ni aux actions s’inscrivant dans une VAE ou une certification, ni aux formations financées pour permettre l’abondement du CPF.
Par ailleurs, la loi du 5 mars 2014 ayant rendu obligatoire la désignation d’un tuteur dans le cadre d’un contrat de professionnalisation, le décret précise les conditions d’exercice du tutorat. Conformément à ce qui se passait auparavant de façon facultative, le tuteur doit toujours être volontaire et justifier d’une expérience professionnelle d’au moins deux ans dans une qualification en rapport avec l’objectif de professionnalisation visé. De plus, un tuteur salarié ne peut encadrer plus de trois personnes. Enfin, il est précisé que dans le cadre du travail temporaire, le titulaire d’un contrat de professionnalisation doit disposer de deux tuteurs, l’un dans l’entreprise de travail temporaire, l’autre dans l’entreprise utisatrice.
Nouvelles obligations pour les entreprises à l’égard des stagiaires (loi no 2014-788 du 10 juillet 2014)
Pour les conventions signées à compter du 1er septembre 2015, la gratification pour les stages de deux mois et plus sera fixée, par décret, à au moins 15 % du plafond horaire de la sécurité sociale ce qui représente une hausse de 87 € avec les valeurs de 2014. Il est donc prévu de répartir cette augmentation sur une année en augmentant la contribution de 43,50€ à compter de septembre 2014.
Par ailleurs, les stagiaires doivent avoir accès au restaurant d’entreprise ou aux tickets restaurant, selon ce qui existe dans l’entreprise, à la prise en charge de leurs frais de transports, s’ils existent pour les salariés, ainsi qu’aux congés prévus légalement au titre de la maternité et paternité.
Enfin, la grande nouveauté de ce texte est la limitation du nombre de stagiaire qu’une entreprise peut accueillir. Mesuré sur une base hebdomadaire, le quota maximum de stagiaires dont la convention de stage est en cours sera fixé par décret en fonction des effectifs. Selon les débats parlementaires, il pourrait être de trois stagiaires dans les entreprises d’au plus 30 salariés, et de 10 % de stagiaires dans les entreprises plus importantes.
Validité de l’exclusion des contrats aidés pour le calcul de l’effectif au regard des dispositions communautaires (Cass. soc., 9 juillet 2014, 11-21609)
Une association s’est opposée à la désignation d’un représentant de section syndicale sur la base de l’article 1111-3 du Code du travail, excluant les contrats aidés du calcul de l’effectif. En effet, si elle employait plus d’une centaine de personnes, son effectif, en application des dispositions légales, était de moins de 11 après déduction des contrats aidés.
Or, le syndicat a contesté la légalité de ce texte au regard du droit communautaire, l’article 27 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE reconnaissant le droit fondamental à l’information et à la consultation des salariés au même titre qu’une directive de 2002. L’affaire est montée jusqu’à la Cour de cassation, qui, avant de trancher, a pris soin de solliciter la CJUE dans le cadre d’une question préjudicielle pour savoir si ce droit fondamental relatif à l’information et à la consultation des travailleurs s’oppose à l’application de l’article L. 1111-3 du Code du travail. Si l’article du code du travail a été jugé contraire au droit communautaire, la Cour Européenne estime que ces dispositions sont dépourvues d’effet horizontal et n’autorise donc pas le juge à ne pas appliquer le texte français.
La Cour de cassation a donc repris le raisonnement.
La surveillance médicale renforcée (arrêt du Conseil d’État, 4 juin 2014, no 360829)
Suite au décret no 2012-135 du 30 janvier 2012 modifiant le régime de la surveillance médicale renforcée pour les salariés, exposés à des substances dangereuses, le ministre du travail de l’époque a abrogé par arrêté une série d’arrêtés antérieurs pour assurer une cohérence des textes. Or, des syndicats, estimant certains salariés privés de surveillance renforcée, ont demandé l’annulation de l’arrêté d’abrogation. Le Conseil d’État ne leur a pas donné gain de cause sur le fond mais uniquement sur la forme en considérant que l’abrogation aurait dû faire l’objet d’un arrêté conjoint des ministres du travail, de la mer et de l’agriculture et non du seul ministre du travail.
Ainsi, 9 arrêtés sont à nouveau applicables pour les salariés exposés à la silicose professionnelle, à des produits susceptibles de provoquer des lésions de la vessie, au benzène, au plomb métallique, au bruit, aux rayonnements ionisants, aux poussière d’amiante, aux risques liés au travail en milieu hyperbare et au port de charges lourdes. Dans l’attente d’un nouvel arrêté d’abrogation établi de façon conjointe, ces textes peuvent donner aux médecins du travail des indications sur la manière d’assurer cette surveillance médicale renforcée, compte tenu que les textes, relatifs à la réforme de la médecine du travail, prévoit seulement que le médecin du travail est juge des modalités de surveillance en tenant compte des recommandations existantes.
Projet de loi immigration
Le gouvernement va présenter le 16 juillet en Conseil des ministres un projet de loi relatif au droit des étrangers en France.
Ce projet vise à créer un titre de séjour pluriannuel et à modifier le dispositif, destiné à inciter la venue des étrangers en France. Il est, en effet, prévu, d’une part, qu’au terme d’une première année de séjour régulier en France, une carte de séjour pluriannuelle soit délivrée si la personne a été assidue aux formations en langue et droit civique, prescrites dans le cadre du parcours individualisé. Cette carte serait d’une durée de 4 ans sauf pour les étudiants et les titulaires d’un titre de séjour « vie privée et familiale » et pourrait être renouvelée de la même durée.
D’autre part, il serait créé une carte de séjour dite « passeport talent » pour remplacer la carte « compétences et talents », « profession artistique et culturelle » et celle délivrée au titre d’une contribution économique exceptionnelle.
Cette nouvelle carte, d’une durée de 4 ans également, serait délivrée, dans des conditions restant à fixer par décret en Conseil d’Etat, à des personnes, soient diplômées d’un niveau au moins égal à un master menant des travaux de recherche ou dispensant des enseignements universitaires, soient procédant à des investissements économiques, soient créant une entreprise en France si elles justifient d’un diplôme équivalent à un master et de 5 ans d’expérience professionnelle. Enfin, le gouvernement prévoit la possibilité de contrôler à tout moment que la personne d’origine étrangère continue de satisfaire aux conditions de délivrance des différentes cartes.
Proposition pour développer l’emploi des seniors
Le ministre du travail, François Rebsamen, a présenté le 23 juin un ensemble de mesures destinées à favoriser l’emploi des seniors qui se déclinent autour de trois axes :
- améliorer la formation et les conditions de travail. Pour cela, il est question de renforcer l’accès à la formation via le compte personnel de formation et le compte pénibilité. De plus, le ministre soulève la nécessité d’adapter les conditions de travail aux âges de la vie en mettant en place des aides pour les TPE et PME, en favorisant les aménagements de fin de carrière via le compte pénibilité et le dispositif de retraite progressive et en agissant sur les déterminants de l’usure professionnelle grâce à un partenariat entre l’Anact, le Cnam et la Cnav.
- favoriser le retour à l’emploi des seniors en instaurant un contrat de professionnalisation dit « nouvelle carrière » correspondant à une adaptation de l’actuel contrat de professionnalisation en terme de formation et de rémunération. Par ailleurs, il est prévu de doubler la prime pour le recrutement d’un senior en contrat de génération, soit 24 000 € sur trois ans. Enfin, il est prévu de recentrer l’accès des CIE sur les séniors et de développer les mises en situation professionnelle.
- soutenir des expérimentations au bénéfice de PME telles que le dispositif solidarité formation visant à remplacer un salarié qui part en formation par un demandeur d’emploi.
Le nouveau statut des auto-entrepreneurs
Adopté par le Parlement début juin, le projet de loi initial a été beaucoup modifié suite à la fronde de certains professionnels et au rapport d’un député PS. Mais le statut s’auto-entrepreneur est néanmoins réformé ainsi que l’accès à la qualité d’artisan, afin de limiter les phénomènes de concurrence déloyale.
Si ce statut n’est plus limité dans le temps et que l’accès n’est plus restreint par un abaissement des chiffres d’affaire permettant d’en bénéficier, il est crée un nouveau statut unique de la micro entreprise réunissant le régime micro social et micro fiscal. Ainsi, tous les travailleurs indépendants bénéficieront du régime micro social en même temps que celui micro fiscal sans avoir à exercer d’option. Les cotisations sociales seront donc calculées à partir d’un taux global défini par décret pour chaque catégorie d’activité et appliqué au chiffre d’affaire réalisé.
Par ailleurs, la dispense d’immatriculation est supprimée. L’exercice d’une activité commerciale ou artisanale, même à titre complémentaire, devra donner lieu à une immatriculation au registre du commerce ou des métiers. De plus, la présomption de non salariat dont bénéficiaient les travailleurs indépendants dispensés d’affiliation est abrogée. Seront donc présumées travailleur indépendant les personnes dont les conditions de travail sont définies exclusivement par lui-même ou par le contrat conclu avec son donneur d’ordre.
En matière de formation, les auto-entrepreneurs ne seront plus traités de manière différente puisqu’ils seront astreints à compter du 1er janvier 2015 au financement d’actions de formation par une contribution de 0,1% du montant de leur chiffre d’affaires pour ceux relevant du secteur du commerce et par une cotisation de 0,2 % pour ceux exerçant une activité de prestation de services.
Enfin, l’exercice d’une activité relevant du secteur de l’artisanat sera subordonné à la justification d’un diplôme ou d’une expérience professionnelle selon les conditions d’un décret à paraitre. La personne ne pourra donc plus se prévaloir d’une déclaration sur l’honneur selon laquelle elle possèderait les qualités requises. Au-delà de cette exigence, l’exercice d’une activité artisanale supposera l’inscription au répertoire des métiers pour autant qu’elle ne donne pas lieu à l’emploi de plus de 10 personnes.