Existe-t-il un SMIC optimal ?

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La récente campagne ayant précédé les élections européennes a donné lieu à un certain nombre de joutes verbales sur l’opportunité de mettre en place un SMIC européen, c’est-à-dire un salaire minimum en deçà duquel aucun travailleur européen ne pourrait être rémunéré. Au-delà de l’harmonisation des systèmes socio-fiscaux, ce sont plus généralement les questions de l’impact multifactoriel du SMIC et de son niveau « optimal » qui se trouvent posées.

 

Au-delà des récents débats autour du SMIC européen,  c’est la question d’un salaire minimum optimal qui est posée.
Au-delà des récents débats autour du SMIC européen,
c’est la question d’un salaire minimum optimal qui est posée.

 

Le SMIC français : 4e salaire minimum le plus élevé au monde

La France possède aujourd’hui le 4e salaire minimum le plus élevé au monde (derrière le Luxembourg, l’Australie et les Pays-Bas) ce qui, nous allons le voir, n’est pas anodin s’agissant des pratiques de recrutement, de licenciement, ou de formation par les employeurs.

Depuis le milieu des années quatre-vingt-dix, les gouvernements successifs ont fait le choix d’imposer un revenu minimum du travail élevé, près de 60% supérieur à la moyenne OCDE, et parallèlement de maintenir, voire renforcer, les exonérations de charges sur les bas salaires.

Malgré ces allègements, avec un coût horaire net du travail supérieur à 11,5 euros contre à peine 7 euros pour la moyenne OCDE, la France reste au 4e rang mondial. (1)

Le fondement de ce choix politique est relativement clair. En garantissant un revenu plancher du travail plus élevé que chez la plupart de nos partenaires, les inégalités salariales sont réduites. Le poids accordé à cet argument d’équité dépend toutefois de sa contrepartie en termes d’optimalité économique, au travers notamment de l’emploi et de la productivité, qui tous deux conditionnent la création de richesse (le PIB). Les études macroéconomiques et économétriques menées sur le cas français indiquent que le niveau du SMIC aurait des effets de sens opposé sur ces deux indicateurs.

(1) Il est ici fait référence aux chiffres de 2010, synthétisés dans la récente étude de l’OCDE (Novembre 2013) intitulée « France. Redresser la compétitivité ».

 

Une augmentation de 1% du SMIC entraînerait une diminution de l’ordre de 1% de l’emploi

On peut tout d’abord fournir un intervalle encadrant l’élasticité de l’emploi au coût du travail. Cette élasticité serait comprise entre -0,6 et -1,2, qui plus est décroissante avec le niveau du salaire. En d’autres termes, une augmentation de 1% du SMIC se répercuterait au niveau macroéconomique par une diminution d’environ 1% de l’emploi. Ces chiffres pourraient même se révéler plus élevés en focalisant notre attention sur l’emploi des seniors. (2)

Si à l’inverse on s’intéresse à l’impact que pourrait avoir une diminution du SMIC, on note une augmentation de la demande de travail et de l’emploi, résultant principalement d’une diminution des destructions plutôt que d’une augmentation des embauches. Ces dernières s’avèrent en effet relativement moins sensibles au coût du travail, d’autres facteurs de coûts intervenant à ce niveau (recrutement, formation).

(2) La proximité de la retraite tend à accentuer la sensibilité des politiques de ressources humaines vis-à-vis du coût du travail (voir Chéron 2013, EDHEC Position Paper http://professoral.edhec.com/recherche/publications-edhec/2013/pour-une-reforme-de-l-assurance-chomage-des-50-ans-et-plus-179977.kjsp?RH=1294997429934)

 

Une baisse du SMIC serait responsable d’une baisse de la productivité du travail

Mais il apparaît ensuite qu’un arbitrage existe entre emploi et productivité. Une baisse du SMIC contribue – toutes choses égales par ailleurs – à diminuer  la productivité du travail. Toute diminution du SMIC, qui tend à accentuer les inégalités salariales, est en effet responsable d’une intensification des mobilités d’emploi à emploi des travailleurs qui cherchent des opportunités de rémunérations supérieures ; les démissions sont plus fréquentes. Les durées d’emploi anticipées et l’horizon de rentabilisation des investissements spécifiques réalisés par les employeurs se trouvent réduits. Ces derniers ont donc relativement moins intérêt à investir dans le capital humain de leurs salariés, ce qui pèse globalement sur la productivité du travail.

 

Le niveau de SMIC optimal : 90% du SMIC actuel ?

Au bilan, la recherche (complexe) du bon compromis entre emploi et productivité,maximisant la création de richesse, suggère qu’il existerait un niveau optimal du SMIC, sensiblement inférieur de l’ordre de 10% à celui pratiqué en France (3). Ces 10% « en trop » traduisent le souci en termes d’équité salariale de nos gouvernements successifs, avec donc un coût en emplois du même ordre (4), qu’il est possible d’assumer mais ne peut être négligé.

(3) Voir Chéron, Hairault et Langot (2008), Journal of Public Economics, vol.92, « A quantitative evaluation of payrolltax subsidies for low-wageworkers : an equilibriumsearchapproach », etChéron, Hairault et Langot (2005), Revue Française d’Economie, vol. 19, « La baisse des charges en France. Un bon compromis entre emploi et productivité. »

(4) Sur la base des élasticités au coût du travail évoquées précédemment.

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