Réforme des retraites 2013 : pour mieux comprendre les différentes mesures prévues

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Après un suspens de plusieurs mois, le projet de réforme des retraites a finalement été adopté en Conseil des ministres fin septembre 2013 et est actuellement examiné par le Parlement (l’Assemblée a adopté, en première lecture, le projet de loi mardi 14 octobre dernier. C’est désormais au Sénat de se prononcer). L’allongement de la durée d’assurance, la revalorisation des pensions reportée au 1er octobre de chaque année, l’amélioration des dispositifs de fin de carrière, la création d’un « compte pénibilité » ainsi que plusieurs autres mesures correctrices constituent les principales dispositions du texte en discussion. Florent Sarrazin, consultant formateur en retraite et protection sociale, nous éclaire sur la mise en œuvre et le fonctionnement de ces différentes mesures.

travail difficile
L’une des nouveautés du projet de réforme des retraites 2013 : la création d’un compte individuel de pénibilité pour les salariés exposés à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels.

 

Réforme des retraites : des objectifs financiers et sociaux

Pour chacune de ses réformes d’envergure, le gouvernement produit une étude d’impact qui liste les mesures annoncées et leurs impacts au niveau financier et organisationnel. L’étude d’impact du projet de loi de réforme sur les retraites de 2013 traduit une volonté de « rétablir la confiance des assurés dans l’avenir, et de sauvegarder ce système de retraite par répartition qui afficherait environ 20 milliards d’euros de déficit en 2020 ».

Le Gouvernement a décidé d’engager « une réforme structurante portée par une triple ambition » :

  • tenir compte de l’allongement de l’espérance de vie ;
  • partager équitablement les efforts entre toutes les forces de la nation ;
  • accorder à certaines catégories de travailleurs, plus fragiles, de nouveaux droits.

 

Comment retrouver un système de retraite à l’équilibre ?

Le gouvernement envisage des mesures d’économies à court et long terme, avec un effort « justement réparti entre les assurés, les employeurs et les retraités » :

  • à l’horizon 2020 : la fiscalisation des majorations de pension pour les retraités ayants 3 enfants et plus (1,3 Md€), le décalage de la revalorisation des pensions (1,4 Md€) et la hausse des cotisations patronales et salariales sur la période 2014-2017 (4,4 Mds€).
  • A l’horizon 2040 : l’augmentation de la durée d’assurance requise pour le taux plein (5,6 Mds€)

 

Comment rendre le système plus juste ?

Le gouvernement souhaite également améliorer la situation professionnelle des travailleurs, pour cela il a prévu de :

  • Apporter une réponde durable à la question de la pénibilité au travail avec la création d’un « compte individuel pénibilité ».
  • Favoriser l’emploi des « seniors » avec le renforcement des dispositifs de « cumul emploi-retraite » et de « retraite progressive » ;
  • Mieux prendre en compte la situation des travailleurs « précaires » face à la retraite (validation de trimestres au titre du congé maternité, au titre de l’apprentissage ou encore au titre du chômage indemnisé, faciliter l’accès à la retraite anticipée des travailleurs handicapés, augmenter les pensions des non salariés agricoles) ;

 

Comment améliorer l’image du système de retraite face à ses assurés ?

Trop complexe et mal considéré des français, le système des retraites ne bénéficie pas d’une bonne image. Le gouvernement a donc décidé de placer la question du « bien être » de l’usager au cœur de la réforme :

  • Améliorer le droit à l’information (création de nouveaux services en ligne, mise en place d’un « compte unique » de retraite…) ;
  • Améliorer la coordination et le pilotage des Caisses de retraite, en particulier pour améliorer la situation des poly-pensionnés.

 

Réforme des retraites : les principales mesures

Voici l’exposé plus détaillé des principales mesures prévues par le projet de loi de réforme des retraites « visant à garantir l’avenir et la justice du système de retraite » :

 

Augmentation de la durée de cotisation et du taux de cotisation

L’assuré qui souhaite partir à la retraite et bénéficier d’une pension à taux plein doit avoir atteint l’âge légal de départ à la retraite et justifier d’une certaine durée d’assurance dans sa « carrière » (c’est à dire tous régimes confondus), durée qui varie en fonction de son année de naissance.

Malgré plusieurs augmentations successives, ces dernières années, de la durée d’assurance requise pour le taux plein (la dernière remontant à la réforme des retraites de 2010), la tendance ne faiblit pas puisque le projet de loi prévoit un nouveau relèvement au rythme d’un trimestre toutes les trois générations de 1958 à 1972, soit 172 trimestres pour les assurés du secteur privé ou du secteur public nés à compter du 1er janvier 1973.

Par ailleurs, cet allongement de la durée de cotisation devrait être associé à une mesure de court terme destinée à « assurer l’équilibre financier des régimes de retraite » : la hausse des cotisations vieillesse salariales et patronales à hauteur de + 0,15 % dès 2014, puis + 0,05 % chacune des trois années suivantes.

 

Revalorisation des pensions – report de la revalorisation annuelle au 1er octobre

À ce jour, les pensions de retraite sont revalorisées au 1er avril de chaque année afin de préserver le pouvoir d’achat des retraités. Le projet de loi prévoit de faire intervenir désormais cette revalorisation au 1er octobre, et ce dès l’année 2014. Le gouvernement espère ainsi réaliser des économies grâce au gel temporaire de la revalorisation des pensions (En principe chaque année, les pensions que perçoivent les retraités sont automatiquement revalorisées du montant de la hausse des prix – l’inflation – évaluée par l’Insee, hors tabac, pour l’année qui commence).

Cependant, certaines pensions spécifiques continueront d’être revalorisées au 1er avril. Il s’agit des pensions d’invalidité, de l’allocation supplémentaire d’invalidité, des rentes d’AT/MP et de l’ASPA, ainsi que toutes les autres prestations constitutives du minimum vieillesse disparues qui continuent à être versées au 1er avril. L’objectif : « ne pas demander un effort trop important aux petites retraites » (Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé).

 

La fin de carrière – aménagement des dispositifs de fin de carrière dans l’intérêt « des seniors »

Vers la fin de sa carrière, l’assuré peut bénéficier de plusieurs dispositifs lui permettant soit de partir plus tôt (départ anticipé pour carrière longue ou pour handicap), soit au contraire de continuer à travailler sous certaines conditions (retraite progressive, cumul emploi-retraite).

S’agissant des conditions d’emploi en fin de carrière, le projet de loi prévoit également certaines évolutions :

  • Le dispositif « retraite progressive », qui permet au salarié de percevoir une partie de sa pension tout en poursuivant une activité professionnelle à temps partiel et donc tout en continuant à cotiser pour sa future retraite, devrait être étendu. En effet, il est prévu que l’âge qui conditionne le bénéfice de ce dispositif soit ramené à 60 ans au lieu de 62 ans actuellement. De plus, on pourrait prendre en compte l’ensemble des trimestres validés dans chacun des régimes de retraite de base français pour déterminer si le salarié a bien acquis le nombre de trimestres requis pour y accéder (150 trimestres), et non plus seulement les trimestres validés dans les régimes qui appliquent la  » retraite progressive « .
  • Le dispositif « cumul emploi-retraite », lui, permet à une personne qui a liquidé sa retraite, d’exercer une activité professionnelle et de cumuler le versement de revenus professionnels avec sa pension de retraite. Avec la réforme, il est prévu à compter du 1er janvier 2015 que les règles qui le régissent soient unifiées : quelque soit le régime auquel le salarié est affilié, il devra avoir liquider sa pension. Ensuite, la reprise d’activité ne pourra plus lui permettre d’acquérir de nouveaux droits, même s’il continue à cotiser (à l’exception des retraités militaires).

 

S’agissant des départs anticipés :

  • Le dispositif carrière longue, qui permet aux salariés justifiant d’une durée d’assurance minimale en début de carrière (avant 20 ans) et d’une durée d’assurance cotisée égale ou supérieure à la durée d’assurance requise pour le taux plein de liquider leur pension avant l’âge d’ouverture des droits à la retraite, devrait être aménager pour tenir compte de l’allongement de la durée d’assurance. À compter du 1er janvier 2014, certaines périodes d’assurance validées mais non cotisées pourraient également être prises en compte et  » réputées cotisées  » (2 trimestres supplémentaires au titre du chômage et/ou au titre de l’invalidité, tous les trimestres de congé maternité).
  • Le dispositif de départ anticipé pour handicap, qui permet aux assurés reconnus travailleurs handicapés ou ayant un taux d’IP supérieure à 80 % de partir à la retraite à partir de 55 ans devrait également voir ses conditions d’attribution assouplie. À compter du 1er janvier 2014 le dispositif serait élargi à tous les salariés ayant un taux d’IP supérieur à 50 %.

 

Le « compte individuel pénibilité » – pour une meilleure prise en compte de la pénibilité

Toujours dans l’objectif de rendre le système de retraite « plus juste », le gouvernement prévoit dans son projet de réforme la création d’un compte personnel de prévention de la pénibilité, qui doit permettre aux salariés du secteur privé de cumuler des points lorsqu’ils sont exposés à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels. Ces points seraient calculés à partir des fiches « pénibilité » qui consigne déjà ces facteurs de risque.

Ce dispositif sera financé exclusivement par des cotisations employeur :

  • une cotisation pénibilité de base dans la limite de 0,2 % de la rémunération des salariés concernés.
  • une cotisation additionnelle à un taux compris entre 0,3 et 0,8 % des rémunérations pour les salariés exposés à un seul facteur, ou entre 0,6 et 1,6 % si ils sont exposés à plusieurs facteurs.

Comment utiliser ces points ? Trois possibilités :

  • la prise en charge des frais de formation en cas de réorientation professionnelle du salarié.
  • le financement du complément de rémunération et des cotisations et contributions sociales, sur la base d’un temps plein, pour les salariés qui souhaitent bénéficier d’une retraite progressive.
  • le financement d’une majoration de la pension de retraite afin d’avancer l’âge de départ sous la forme de trimestres cotisés.

Comment déterminer la valeur de ces points ?

En principe, un trimestre d’exposition devrait être égal à 1 point, ou à 2 points en cas d’exposition multifactorielle. Ainsi, 10 points cumulés pourraient permettre de bénéficier d’un trimestre (formation, temps partiel ou retraite) sans que les 20 premiers points cumulés puissent être utilisés pour autre chose que pour une formation (sauf si le salarié est en fin de carrière).

Le Gouvernement a également prévu, dans le projet de loi, un suivi de la mise en oeuvre du nouveau dispositif il devra présenter au Parlement, après avis du Conseil d’orientation sur les conditions de travail, et avant le 31 décembre 2020, un rapport sur l’évolution des conditions de pénibilité auxquelles les salariés sont exposés.

 

Des mesures correctrices spécifiques pour plus de « justice »

Toujours soucieux d’aider les populations les plus en difficultés au sein de l’entreprise (les femmes, les jeunes actifs, les « carrières heurtées »), le gouvernement a prévu dans son projet de loi des mesures visant à améliorer leurs situations face à l’allongement de la durée d’assurance requise pour le taux plein.

Ces mesures peuvent être listées ainsi :

  • un abaissement du coût de rachat de trimestres au titre d’années d’études supérieures afin de rendre plus attractif, notamment vis à vis des plus jeunes, l’utilisation de ce dispositif. Ainsi, un barème spécifique à cette population serait mis en place, avec des tarifs préférentiels de rachat  » si la demande est effectuée dans les 5 ou 10 ans suivant la fin des études « , le passage de 3 à 4 trimestres de rachat maximum et le passage d’un coût fixé en fonction de l’âge à un coût forfaitaire plus avantageux.
  • l’élargissement de l’assiette de calcul des droits à retraite des apprentis, actuellement basé sur un montant inférieur à leur rémunération réelle (abattement de 11 points), à  » la totalité de la rémunération « . Le surcoût entraîné par cette mesure pour les employeurs serait évidemment compensé par une exonération de charges patronales.
  • la diminution du montant minimum de cotisations permettant de valider des trimestres d’assurance, de 200 heures rémunérées au SMIC (1 886 € en 2013) à 150 heures, afin d’améliorer la retraite des salariés  » peu rémunérés « . En compensation, le gouvernement souhaite mettre en place un plafond pour la validation des trimestres des hauts revenus, à hauteur de 1,5 fois le SMIC (par mois).
  • la création d’une majoration de durée d’assurance (1 trimestre pour 30 mois de prise en charge dans la limite de 8 trimestres) à destination des assurés ayant la qualité d’aidants familiaux, c’est à dire des assurés qui prennent en charge un adulte handicapé. D’autres mesures concernant les adultes handicapés sont également à l’étude avec une mise en oeuvre prévue dès le 1er janvier 2014 : suppression de la condition de ressources pour bénéficier de la validation de trimestres au titre de l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) et abaissement de l’âge à laquelle les assurés handicapés peuvent liquider leur pension de 65 à 62 ans (l’âge légal d’ouverture de droits) lorsqu’ils justifient d’un taux d’incapacité au moins égal à 50 %.

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