Décryptage : la prise d'acte ou autolicenciement

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Lorsque le salarié prend l’initiative de la rupture de son contrat de travail en raison des faits qu’il reproche à son employeur, on parle alors de « prise d’acte » ou « d’autolicenciement ». Ce mode de rupture du contrat reste rare, mais ses incidences peuvent être très lourdes. Définition, conséquences sur le contrat, justification ou non de la rupture… Toutes les infos dans cette fiche pratique.

 

Définition

La prise d’acte est un mode de rupture créé par les tribunaux. Elle n’est donc pas codifiée. Lors d’une prise d’acte, un salarié en contrat à durée indéterminée prend l’initiative de la rupture de son contrat de travail, en raison de faits qu’il reproche à son employeur.

Le salarié qui prend acte de la rupture de son contrat de travail a donc des griefs contre son employeur suffisamment graves pour envisager la rupture de son contrat de travail sans pour autant souhaiter subir les conséquences d’une démission. C’est donc une sanction à une faute de l’employeur, au non respect par ce dernier de ses obligations contractuelles.

C’est pourquoi la Cour de cassation exige que le non-respect par l’employeur de ses obligations doit être suffisamment grave pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail (cass. soc. 30 mars 2010, n° 08-44.236)

 

Conséquences sur le contrat de travail

La prise d’acte de la rupture par le salarié en raison de faits qu’il reproche à son employeur entraîne la cessation immédiate du contrat de travail. C’est donc un mode de rupture assez brutal et soudain. Le salarié n’est donc pas tenu d’exécuter son préavis même s’il peut décider du contraire.

La prise d’acte entraînant la cessation immédiate du contrat de travail, l’ancienneté dans l’entreprise retenue pour calculer le montant de l’indemnité de licenciement due au salarié est calculée à la date de la rupture, c’est-à-dire celle de la prise d’acte (cass. soc. 28 septembre 2011, n° 09-67.510). Il en est de même pour le calcul des droits à congés payés (cass. soc. 4 avril 2007, n°05-43.406)

 

Contentieux obligatoire

La prise d’acte étant une création prétorienne, ce mode de rupture s’achève nécessairement sur un contentieux prud’homal afin de donner à cette séparation une véritable qualification juridique.

Aussi, si les griefs invoqués par le salarié ne sont pas suffisamment grave, la prise d’acte produit les effets d’une démission  (cass. soc. 21 janvier 2009, n° 07-41.822).

A l’inverse, si les griefs du salarié sont jugés assez graves par le tribunal, la prise d’acte est qualifié de licenciement sans cause réelle et sérieuse sauf si le salarié est un représentant du personnel, auquel cas le licenciement est alors nul (cass. soc. 27 janvier 2010, n° 08-44.897).

 

La prise d’acte justifiée : conséquences du licenciement

Lorsque les faits invoqués pour prendre acte de la rupture du contrat justifient cette rupture, l’employeur doit verser au salarié :

  • l’indemnité de préavis à laquelle il aurait eu droit en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse (cass. soc. 20 janvier 2010, n° 08-43.471 et n°08-43.476).
  • l’employeur doit indemniser le salarié pour la perte de chance d’utiliser son droit individuel à la formation (cass. soc. 18 mai 2011, n° 09-69.175).
  • l’indemnité pour rupture brusque et vexatoire (cass. soc. 16 mars 2010, n° 08-44.094)
  • l’ensemble des indemnités auquel peut prétendre un salarié dont le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse
  • éventuellement des dommages-intérêts pour non respect de la procédure de licenciement

Le salarié a en plus droit au chômage. A ce titre, l’employeur est tenu de délivrer une attestation Pôle Emploi au salarié. Pour remplir cette dernière, il convient de :

  • cocher la case « Autre motif », à défaut d’emplacement spécifiquement prévu ;
  • et préciser « Prise d’acte de la rupture du contrat par le salarié ».

À défaut, l’employeur s’expose à être condamné à verser des dommages-intérêts (cass. soc. 27 septembre 2006, n° 05-40.414). L’employeur doit aussi remettre au salarié un certificat de travail (cass. soc. 4 juin 2008, n° 06-45.757).

 

La prise d’acte injustifiée : conséquences de la démission

Le salarié qui démissionne n’a droit à rien (pas d’indemnités, pas de chômage en principe). De plus, l’employeur est fondé à lui demander une indemnisation pour non respect du préavis (cass. soc. 4 février 2009, n° 07-44.142). Le salarié qui prend acte de la rupture de son contrat de travail doit donc réfléchir avant d’agir et être certain que ses griefs sont suffisamment graves.

 

Exemples de prise d’acte justifiée

L’absence de fixation d’objectifs permettant l’attribution d’une prime d’objectif peut justifier une prise d’acte du contrat de travail aux torts de l’employeur (cass. soc. 29 juin 2011, n° 09-65.710).

Le harcèlement moral avéré justifie une prise d’acte de la rupture du contrat aux torts de l’employeur (cass. soc. 8 novembre 2011, n°10-15.834).

Un salarié exposé à la fumée de cigarette de ses collègues parce que l’employeur ne fait pas respecter l’interdiction de fumer peut prendre acte de la rupture de son contrat (cass. soc. 29 juin 2005, n°03-44.412).

Face à une modification de rémunération, la prise d’acte de la rupture est toujours justifiée (cass. soc. 8 avril 2010, n°08-42.812).

Le défaut de visite médicale justifie la prise d’acte de la rupture du contrat (cass. soc. 22 septembre 2011, n°10-13.568).

Le non paiement des salaires pendant deux mois justifie la prise d’acte (cass. soc. 10 mars 2010, n°08-44.391).

 Afin d’y voir plus clair en matière de prise d’acte, il convient de noter qu’elle est systématiquement justifiée en cas de modification du contrat de travail ou en cas de non respect par l’employeur de son obligation de sécurité de résultat. Cette liste n’est bien entendu pas exhaustive et elle est susceptible d’évoluer au gré des jurisprudences abondantes dans le domaine.

 

Cette notion de prise d’acte ou d’auto-licenciement est abordée en détails au cours de la formation de 3 jours proposée par GERESO « Rupture du contrat de travail : Démission, licenciement, retraite, départs négociés« , et également dans l’ouvrage « Le contrat de travail » édité par GERESO Édition, en vente libre sur la librairie rh.

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