La lettre GERESO : » Bonjour Philippe Fossé. Pouvez-vous nous décrire votre parcours professionnel ? «
Philippe FOSSE :
J’ai une maîtrise en « Sciences de l’Education ». J’ai travaillépendant plus de 20 ans dans des organismes de formation et des cabinetsde conseil en ressources humaines comme responsable de formation etconsultant et outplacement et en recrutement.
Depuis2004, j’ai créé mon activité de conseil en ressources humaines etj’interviens auprès des entreprises sur les thèmes de la prise deparole et du management d’équipe.
J’ai complété ceparcours opérationnel par une formation d’acteur et j’alterne monactivité de consultant avec celle de comédien. Je joue régulièrement authéâtre dans des pièces du répertoire classique ou contemporain.
Aujourd’hui, je mets cette double compétence au service des salariés qui intègrent les formations « prise de parole » et j’alterne entre mon approche de consultant et celle d’acteur de théâtre.
J’espère ainsi contribuer à la réussite des salariés dans leurs interventions orales.
La lettre GERESO : » Qu’est-ce qui vous a amené à proposer des formations sur la prise de parole ? «
Philippe FOSSE :
L’intérêtque je porte au langage et à la communication, le plaisir detransmettre, et cette double approche à la fois théâtrale et« ressources humaines » m’a amené à vouloir aider les autres às’améliorer. Aujourd’hui tout salarié et je dirai même tout citoyen estamené à prendre la parole de façon quasi quotidienne.
Malheureusement peu de gens ont été formés à cela et ce n’est pas leurparcours scolaire et universitaire qui les aide beaucoup. Parler devantun public n’est pas inné. Il y a des règles complexes à connaître surle langage verbal et non-verbal et sur la gestion du stress, qu’il fautapprivoiser pour l’utiliser de façon dynamique. Je crois que cela peuts’apprendre pourvu qu’on y consacre le temps nécessaire.
La lettre GERESO : » Dans le titre de cet interview il est questions de 10 conseils pour prendre la parole en public. Quels sont-ils ? «
Philippe FOSSE
Dans les formations « prise de parole », je remets aux participants un mémo récapitulatif qui reprend, sous forme de synthèse, les 10 points importants pour être efficace dans ses présentations orales. Ces10 points s’appuient sur l’ensemble du travail que nous avons faitensemble et il permet à chacun de suivre ces conseils dans lapréparation et la présentation de ses futures présentations.
1) Bien se préparer
Lapréparation doit être double à la fois technique et psychologique,c’est-à-dire qu’il est nécessaire de maîtriser son sujet et d’en faireun découpage par séquences, puis de construire le support visuelapproprié à l’aide de PowerPoint.
Attention lesdiapositives doivent être un support visuel et donc ne pas être tropchargées sinon elles vont accaparer l’auditoire qui n’écoutera plus ceque vous dites.
Ne pas oublier qu’en situation de présentation orale le plus important c’est l’orateur.
N’arrivez pas stressé ! Détendez-vous et relaxez-vous avant votreintervention. Faîtes comme les acteurs, mettez-vous dans un endroitcalme, respirez profondément et revoyez les différentes parties devotre intervention.
Relisez votre « conduite » et vous arrêtant sur les mots clés etprojetez-vous dans une situation de réussite. Les images positives vousaideront à mieux gérer votre stress.
La « conduite », c’est votre fil conducteur, votre plan deprésentation. Il ne faut pas apprendre votre discours par coeur car ilest impossible de le retenir, mais plutôt s’appuyer sur votre plan etles mots clés que vous avez sélectionné.
2) Capter l’attention : accrocher son auditoire
L’accrocheest faîte de deux éléments : une anecdote, une citation ou une questionattirera l’attention, mais sans « accroche sonore » elle risque de nepas avoir d’effets.
Pour éviter cet écueil,travailler ses « attaques » c’est-à-dire les premiers mots avec unevoix forte et puissance.
Le regard est également un élément très important. Avoir un regardpanoramique afin que chacun se sente concerné par le discours. C’est àl’orateur de signifier à chaque personne qu’il s’adresse à elle. Ildoit y avoir une complicité entre l’orateur et l’auditoire.
Etre convaincu par ce que l’on a à dire et ne pas oublier que » laforme prime sur le fond « . Sans une forme adaptée, le fond ne passe pas.Mais votre conviction ne passera pas « la rampe » si votre regard,votre voix, votre gestuelle ou encore votre attitude ne sont pas« congruente » c’est-à-dire en harmonie avec le contenu de votrediscours.
Il faut parler suffisamment fort et varier les intonations.
3) Soigner son expression : exprimer clairement ses idées
Clarté, concision, précision !
« Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le direarrivent aisément » a écrit Nicolas Boileau dans « l’Art Poétique ».Plus la préparation sera rigoureuse et organisée, plus les idées serontexprimées clairement.
Pour cela, utilisez un langage vivant avec une voix active, dynamique et souriante.
La tenue du corps et l’utilisation des gestes de façon appropriéeapportera de la force au discours. Restez en place et évitez de vousbalancer d’une jambe sur l’autre, cela donne une impression dedéséquilibre, de non maîtrise de la situation.
Ajoutez une touche d’émotions ; votre présentation sera vivante, authentique et intéressante.
Enfin, évitez les tics de langage, les « euh », « donc » et autres « alors » qui polluent votre discours.
On en est rarement conscient car on ne les entend pas alors que lesauditeurs, non seulement les repèrent et s’ils sont trop fréquents,c’est terminé pour vous ! Ils ne vous écoutent plus, et risquent d’êtreagacés ou pire, se mettent à les compter.
Pour corriger ces tics il faut les détecter en s’écoutant parler avecattention ou mieux encore en enregistrant sa voix, ou en demandant àquelqu’un de vous écouter. J’ai pu remarquer que souvent ces tics sontun effet direct du stress, mais également du fait que vous ne maîtrisezpas suffisamment le sujet dont vous parlez.
4) Structurer son exposé : gérer son temps de parole
Bâtirson exposé à partir d’objectifs clairs et bien formulés. Pensez àcommencer par une introduction percutante et terminez par uneconclusion sous forme de synthèse qui rappelle les principaux points devotre exposé.
Structurez votre développement enmettant en avant les idées forces. Appuyez-vous sur des faits etalternez votre présentation de schémas, d’histogrammes ou toute autreprésentation visuelle, mais sans en abuser. Tout est questiond’équilibre.
Faites court ! Un adulte a une capacité d’écoute limitée à moins dequinze minutes en moyenne. Si vous ne pouvez pas tout dire en quinzeminutes, ponctuez votre présentation de petites pauses : questions del’auditoire, distribution d’un document
5) Bâtir une argumentation solide
Qu’est-ce que j’ai à dire ?
Pourquoi je fais cette présentation ?
Ces deux questions vous permettront de réfléchir, puis de construirevotre argumentation. Elle doit être percutante et permettre auxauditeurs de mémoriser les messages clés et de les utiliser par lasuite en les transformant en actions.
6) Utiliser un support visuel adapté
Uneidée par diapositive, des points clés mais pas de phrases. N’oubliezpas que ce n’est qu’un support visuel qui a pour fonction de préparerl’auditoire et de le rendre capt
if à ce que vous allez développer.
L’utilisation d’une image permet de synthétiser une idée majeure etelle est souvent plus forte que les mots. Elle marque les esprits.
Quant aux couleurs faîtes des associations harmonieuses, couleurs complémentaires, dégradés d’une même couleur.
Evitez les couleurs trop vives sauf si c’est un choix pour renforcer ouattirer l’attention sur un point particulier de vore présentation. Pourvous aider utilisez la roue chromatique.
7) Gérer son stress
Préparez votre intervention avec soin.
Mieux vous serez préparé, mieux vous pourrez gérer la situation orale et mieux vous saurez gérer les imprévus.
En conséquence votre stress restera à un niveau supportable etmaîtrisable. Il ne vous envahira pas. N’arrivez pas à la dernièreminute prenez le temps de vous imprégnier du lieu où vous allezofficier. Occupez l’espace marchez en respirant profondément.
Prenez vos repères visuels, kinesthésiques et olfactifs. Faîtes unecourte répétition de votre présentation et vérifiez le temps de parole.Projetez-vous des images mentales de votre exposé en créant un scénariopositif et réussi.
Prenez le temps de vous relaxer quelques minutes et respirez calmementpour faire descendre la pression, puis bougez en laissant tomber lesépaules en secouant vos poignets.
8) Répéter sa présentation
Lorsquevotre présentation est construite prenez le temps de la répéterplusieurs fois en chronométrant chaque partie et si possible une foisau moins devant quelqu’un.
La répétition permetd’affiner sa présentation et de repérer les points faibles ou manquantde clarté. Elle permet surtout de prendre de l’assurance, de mémoriserson plan, de gérer le lien entre le support visuel et le public afin dene pas être déstabilisé par la projection des diapositives.
Comme pour un acteur, répéter et répéter encore pour sentir etressentir le texte, afin d’en être libéré et laisser place àl’interprétation du rôle que vous allez jouer.
9) Savoir réagir face aux questions
Ecoutez les questions et montrez votre intérêt en étant dans une attitude d’ouverture, prêt pour ce dialogue.
Montrez votre calme et votre attention cela vous aidera pour répondreaisément. Ne répondez pas immédiatement. Prenez le temps pour réfléchiret structurer votre réponse.
Au besoin reformulez la question afin de vous assurer de l’avoir biencomprise. Ayez une attitude engagée le corps vers l’avant en directionde votre interlocuteur.
Accepter les questions c’est montrer sa maîtrise du sujet et de lasituation . Ne soyez pas sur la défensive : une question est le plussouvent une demande d’information complémentaire ou de vérificationd’un point que vous avez développé.
Gérez les silences : « le silence est une respiration pour soi et pourl’auditoire ». Il facilite l’intégration du message et montre le niveaude maîtrise de l’orateur. Par ailleurs, le silence ponctue le texte,lui donne de l’amplitude et permet de partager une émotion.
10) Soyez vous-même
Faîtes-vous confiance, osez et faîtes-vous plaisir.
Ne prenez pas cette intervention comme une épreuve mais comme un jeu,certe complexe, mais pour lequel vous ressentirez un immense plaisirune fois terminé. Cette situation déclenche une énergie et une richesseque vous ne soupôonnez pas.
C’est un peu comme lorsque vous interprétez un rôle au théâtre, letravail le plus important réside dans la préparation, les répétitions,la recherche du personnage, la prise d’espace et la relation avec lesautres personnages.
Mais une fois sur scène, ce n’est que du bonheur !
La lettre GERESO : » Pourriez-vous nous raconter une ou deux anecdotes qui vous ont le plus marqué ? «
Philippe FOSSE :
Ce que j’observe souvent lorsqu’un participant fait une présentationdebout face au groupe, c’est son incapacité à rester immobile, stableet en équilibre. Il piétine, regarde le sol, ne sait que faire de sesmains et lorsqu’il se voie sur l’écran, ils remarque que son discours aété très perturbé par l’image qu’il a donné. Il prend alors conscienceque la stabilité c’est sa force.
Pour illustrermon propos je passe quelques extraits du film de AL GORE « Une véritéqui dérange », où l’on voit le Sénateur AL GORE seul devant un publicde plusieurs centaines de personnes, stable, le regard panoramique,quelques gestes justes et appropriés, la voix harmonieuse, bref unmodèle de communication efficace.
Ces extraits du film ont un très fort impact sur les participants carils remarquent que la stabilité donne de la présence et de l’autorité àl’orateur. Par la suite, lorsqu’ils sont à nouveau en situation deprésentation orale, ils se réfèrent à ces images et corrigent presqued’eux-mêmes leur position et leur attitude. C’est la force de l’exemple!
La lettre GERESO : » Merci Philippe FOSSE. Un dernier mot, quelle est votre prochaine actualité ? «
Philippe FOSSE :
Elle est double ; tout d’abord, j’ai développé pour GERESO, une seconde formation :
« Prise de parole en public » niveau 2, qui s’adresse aux participants ayant déjà suivi la formation « Prise de parole en public » de niveau 1.
Cette formation de perfectionnement a pour objectif : « se mettre enscène », « être convaincant » et « gérer et utiliser ses émotions ».Pour cela, je m’appuie sur les techniques théâtrales, improvisation etgestion du trac, maîtrise de la voix et utilisation harmonieuse ducorps.
Et puis je joue au théâtre du 11 octobre au 25 juin dans le « DonJuan » de Molière, au théâtre du Nord-Ouest à Paris dans le 9ème.
« Ressentiravant de chercher à s’exprimer, regarder et voir avant de décrire cequ’on a vu, écouter et entendre avant de répondre »
Charles DULLIN
Merci pour vos conseils. En tant que directeur d’un tout nouvel événement culturel, j’ai vraiment aimé cet article.
Adolphe Houedanou.
merci pour cet article. C’est très intéressant ces conseils