Panorama de droit social de fin mars – début avril 2006

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Droit du travail – Changement des conditions de travail – Portée

Lerefus par un salarié d’un changement de ses conditions de travail, s’ilrend son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, neconstitue pas à lui seul une faute grave. Toutefois, des manquementsantérieurs sanctionnés en leur temps peuvent être retenus pourcaractériser une faute grave à la suite d’un nouveau manquementprofessionnel, sous réserve que ces faits ne soient pas antérieurs deplus de 3 ans à l’engagement de nouvelles poursuites disciplinaires(Cass soc. 28 mars 2006.pourvoi n° 04-41228).

Les faits :

Unesalariée employée depuis septembre 1994 en qualité d’ouvrière par unesociété, avait refusé de se conformer au nouvel horaire de travailinstauré dans l’entreprise suite à la réduction du temps de travail.Elle avait été, après mise à pied conservatoire, licenciée le 18janvier 2002 pour faute grave. La cour d’appel de Riom l’avait déboutéede ses demandes en retenant, pour caractériser une faute grave, que lerefus de la salariée d’accepter un changement de ses horaires detravail, faisant suite à des absences injustifiées sanctionnées par unavertissement le 20 octobre 2001 et à une mise à pied notifiée le 9novembre 2001, rendait son maintien impossible pendant la durée dupréavis. La chambre sociale rejette le pourvoi de la salariée.

La solution :

L’intérêtde cet arrêt est de rappeler que l’employeur peut licencier sur la basede faits antérieurs de moins de 3 ans à l’engagement de nouvellespoursuites disciplinaires.

Droit du travail – Inaptitude à l’emploi – Contrat à durée déterminée

Ilrésulte du premier alinéa de l’article L. 122-24-4 du Code du travailrelatif à l’obligation de reclassement, dont les dispositions sontapplicables aux contrats à durée déterminée, que l’inaptitude à toutemploi dans l’entreprise constatée par le médecin du travail, nedispense pas l’employeur de rechercher l’existence d’une possibilité dereclassement du salarié, au besoin par la mise en oeuvre de mesures,telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du tempsde travail (Cass soc. 28 mars 2006.pourvoi n° 04-41266).

Les faits :

Unesalariée dont la qualité de travailleur handicapé avait été reconnuepar la commission technique d’orientation et de reclassementprofessionnel, avait été engagée le 5 juin 2000 en qualité desecrétaire par une association, selon contrat emploi consolidé dont leterme était fixé au 4 mai 2001. Lors d’un examen du 8 janvier 2001, lemédecin du travail l’avait déclarée : « inapte définitive à tous postesdans l’entreprise, procédure d’inaptitude exceptionnelle en une seulevisite ». La cour d’appel avait relevé que la seule recherche dereclassement versée aux débats, résultait d’une demande de la salariéeelle-même et avait estimé  que l’attitude passive de l’employeur luiavait occasionné un préjudice certain et direct dont elle avaitsouverainement apprécié le montant. La cour de cassation confirme donccette position.

La solution :

Effectivement,l’article  L. 122-24-4 du Code du travail relatif à l’obligation nereclassement ne fait pas de différence entre le contrat à duréedéterminée et le contrat à urée indéterminée.

Droit du travail – Inaptitude physique à l’emploi – Reclassement

Siles dispositions de l’article L. 122-24-4, alinéa 1er, du Code dutravail relatives à l’obligation de reclassement sont applicables aucontrat à durée déterminée, celles de l’alinéa 2 du même articleinstituant l’obligation pour l’employeur de reprendre le paiement dusalaire du salarié déclaré inapte consécutivement à une maladie ou unaccident et ni reclassé, ni licencié, à l’expiration du délai d’un moisà compter de l’examen médical de reprise du travail, ne sont pasapplicables, le contrat à durée déterminée ne pouvant pas être rompupar l’employeur en raison de l’inaptitude physique et del’impossibilité du reclassement (Cass soc. 28 mars 2006.pourvoi n°04-41266).

Les faits :

Afin decondamnerune association à payer à une salariée une certaine somme à titre desalaires, les juges du fond avaient retenu que l’employeur qui n’avaitpas pris l’initiative de rompre le contrat emploi consolidé et devaitdonc respecter les règles particulières aux salariés devenusphysiquement inapte à leur emploi, ne justifiaient nullement avoirrecherché une possibilité de reclassement de l’intéressée, qu’il y alieu par conséquent de faire application du dernier alinéa de l’articleL. 122-24-4 du Code du travail et de le condamner au paiement dessalaires de l’intéressée à compter du 8 février 2001, date d’expirationdu délai d’un mois suivant l’examen médical ayant constaté l’inaptitudede la salariée à tous postes, jusqu’à la date normale d’échéance ducontrat à durée déterminée, à savoir le 4 mai 2001, soit la somme de 3526,03 euros. La chambre sociale casse cette décision.

 La solution :

Ils’agit ici d’un rappel intéressant de la cour de cassation : l’articleL. 122-24-4, alinéa 2 du code du travail instituant l’obligation pourl’employeur de reprendre le paiement du salaire pour le salarié déclaréinapte consécutivement à une maladie ou un accident et ni reclassé, nilicencié, à l’expiration du délai d’un mois à compter de l’examenmédical de reprise du travail, n’est pas applicable au contrat à duréedéterminée.

Droit du travail – Délégation de pouvoir – Modification

Lasimple modification par l’employeur de l’étendue de la délégation depouvoir qu’il avait consentie au salarié ne constitue pas unemodification du contrat de travail (Cass soc. 28 mars 2006.pourvoi n°04-43963).

Les faits :

Unchef de département du service maintenance, avait été licencié pourfaute grave par courrier du 26 décembre 2001. Le salarié avait saisi lajuridiction prud’homale en invoquant notamment la nullité et le défautde cause réelle et sérieuse du licenciement. Le salarié avait étédébouté de ses demandes en dommages intérêts pour licenciement sanscause réelle et sérieuse. Il invoquait toutefois que la réduction dumontant des marchés pour la conclusion desquels un salarié disposed’une délégation de pouvoirs constituait une modification de soncontrat de travail. La cour de cassation rejette cette argumentation.

La solution :

Cetarrêt est à verser au dossier de la modification du contrat de travail.En l’espèce, la chambre sociale décide que la simple modification parl’employeur de l’étendue de la délégation de pouvoir ne constitue pasune modification du contrat de travail.

Droit du travail – Inaptitude physique à l’emploi – Danger immédiat

Selonl’article R. 241-51-1 du Code du travail, sauf dans le cas où lemaintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiatpour la santé ou la sécurité de l’intéressé ou celles des tiers, lemédecin du travail ne peut constater l’inaptitude d’un salarié à sonposte de travail qu’après deux examens médicaux espacés de deuxsemaines. Il s’ensuit que cette inaptitude ne peut être déclarée aprèsun seul examen médical que si la situation de danger résulte de l’avisdu médecin du travail ou si cet avis indique, outre la référence àl’article R. 241-51-1 du Code du travail, qu’une seule visite esteffectuée. La cour d’appel ayant relevé que le médecin du travails’était borné, dans l’avis d’inaptitude qu’il avait émis, à mentionner »procédure d’urgence » sans autre précision, a exactement décidé que lelicenciement de la salariée était nul  (Cass soc. 28 mars 2006.pourvoin°04-44687).

Les faits :

Une salariée s’était trouvée en arrêt de travail pour maladie. Elleavait été déclarée par le médecin du travail définitivement inapte àtout poste dans l’entreprise aux termes d’un seul avis en date du
6décembre 2001 puis licenciée le 15 janvier 2002 aux motifs de soninaptitude et de l’impossibilité de son reclassement. Elle avait alorssaisi la juridiction prud’homale de diverses demandes. La cour d’appelde Paris avait  décidé que le licenciement était nul et avait condamnél’employeur au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis, descongés payés afférents et d’une indemnité au titre du caractèreillicite du licenciement, ainsi qu’au remboursement à l’Assedic desallocations de chômage versées à la salariée. La chambre socialeconfirme cette position..

La solution :

Unefois de plus, cette décision rappelle à l’employeur l’obligation devérifier le motif de l’avis d’inaptitude inscrit pas le médecin dutravail.

Droit du travail – Temps partiel – Formalisme

Larupture du contrat de travail à temps partiel résultant du refus de lasalariée d’accepter l’obligation qui lui était faite par l’employeur devenir travailler un samedi s’analyse en un licenciement sans causeréelle et sérieuse dès lors que celui-ci n’a pas respecté le délai deprévenance prévu au contrat (Cass soc.4 avril 2006.pourvoi n°04-42672).

Les faits :

Unesalariée avait été engagée au titre d’un contrat de travail à tempspartiel en qualité d’agent de propreté. Son contrat de travailprévoyait que l’employeur pouvait modifier son lieu de travail dans unrayon de 20 Km maximum de son domicile et qu’il pouvait, en respectantun délai de prévenance de 7 jours, modifier l’horaire de travail dumatin et de l’après-midi. Par lettre du 24 février 1999, l’employeuravait proposé à la salariée un changement de son lieu d’affectationsitué dans un rayon de 20 Km mais comportant une modification de seshoraires de travail et de ses jours de travail (dont le samedi) àcompter du 26 février 1999 puis, il avait  convoqué la salariée le 3mars 1999 à un entretien préalable et l’avait licenciée pour fautegrave tirée d’un abandon de poste le 12 mars 1999. Pour juger lelicenciement de la salariée fondé sur une cause réelle et sérieuse, lacour d’appel avait relevé que l’obligation faite à la salariée detravailler le samedi entrait dans le pouvoir de direction del’employeur et qu’en l’absence de clause contractuelle excluant letravail du samedi, l’employeur pouvait l’imposer. Pour la cour decassation,  la rupture du contrat de travail à temps partiel résultantdu refus de la salariée d’accepter l’obligation qui lui était faite parl’employeur de venir travailler un samedi s’analyse en un licenciementsans cause réelle et sérieuse dès lors que celui-ci n’a pas respecté ledélai de prévenance prévu au contrat.

La solution :

Unefois de plus, on constatera que le non respect du formalismepointilleux dans le cadre du temps partiel peut avoir des conséquencesgraves pour l’employeur.

Droit du travail – Lettre de licenciement – Témoignage en justice

Lacirconstance qu’un salarié, agissant comme représentant de l’employeur,procède au licenciement d’un autre salarié n’est pas de nature à lepriver de la liberté de témoigner en justice en faveur de la personnedont le contrat de travail a été rompu (Cass soc.4 avril 2006.pourvoin° 04-44549).

Les faits :

Unsalarié engagé par une société avait été licencié par une lettre signéepar le représentant de l’employeur. Les juges d’appel avaient décidéque le licenciement était sans cause réelle et sérieuse en prenantnotamment en considération une attestation de celui-ci. L’employeursoutenait que le salarié qui avait représenté l’employeur lors de laprocédure de licenciement et signé la lettre de licenciement n’étaitpas recevable à apporter ultérieurement au salarié licencié untémoignage qui contredisait les positions qu’il avait adoptées lors dulicenciement. La cour de cassation rejette cette argumentation.

La solution :

Cettedécision est à verser au dossier relatif à la procédure delicenciement : le fait pour un représentant de l’employeur d’avoirprocédé au licenciement d’un salarié le laisse libre de témoigner enjustice en faveur de la personne dont le contrat de travail a été rompu.

Droit de la Sécurité Sociale – Contribution sociale de solidarité – Commission de recours amiable

Ilrésulte de la combinaison des articles L. 651-8 et D. 651-20 du Code dela sécurité sociale que si les contestations relatives à lacontribution sociale de solidarité relèvent des juridictions ducontentieux général de la sécurité sociale, elles ne sont paspréalablement soumises à une commission de recours amiable (Cass soc. 5avril 2006.pourvoi n° 05-10685).

Les faits :

LaCaisse nationale de l’organisation autonome d’assurance vieillesse del’industrie et du commerce (Organic) avait délivré une mise en demeureà une société  aux fins de recouvrement de la contribution sociale desolidarité. La société lui avait opposé que le tribunal des affaires desécurité sociale ne pouvait être saisi d’une réclamation contre unorganisme de sécurité sociale qu’après que cette réclamation avait étésoumise à la commission de recours amiable dont la saisine constitue unpréalable obligatoire, ce dont le redevable doit être régulièrementinformé. La cour de cassation rejette cette argumentation.

La solution :

Ils’agit ici d’une décision pour le moins intéressante de la cour decassation : les contestations relatives à la contribution sociale desolidarité ne sont pas préalablement soumises à la commission derecours amiable.

Droit de la Sécurité Sociale – Mise en demeure – Contenu

Lamise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée audébiteur d’avoir à régulariser sa situation dans les délais impartis,doit permettre à l’intéressé d’avoir connaissance de la nature, de lacause et de l’étendue de son obligation. Dès lors que les juges du fondont relevé que l’acte litigieux avait été précédé d’une lettrerappelant à la société qu’elle n’avait pas réglé  la contributionsociale de solidarité due en sa qualité de société anonyme, et luiannonçant l’envoi prochain d’une mise en demeure, ils ont pu en déduireque la société avait été suffisamment informée de l’obligation mise àsa charge (Cass soc.5 avril 2006.pourvoi n° 05-10685).

Les faits :

Lesjuges d’appel  avaient retenu qu’il importait peu que la mise endemeure délivrée à la société n’ait pas été motivée puisque celle ciavait été suffisamment informée par ailleurs de la nature et de lacause de son obligation contributive. La cour de cassation confirmecette position.

La solution :

La cour de cassation réitère ici sa jurisprudence relative au contenu de la mise en demeure.

Auteur : François TAQUET, professeur de droit social, avocat, conseil en droit social, et consultant pour GERESO.

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